Deux Frères

Par Criticomics @Criticomics
Au premier abord, je me dois d’être honnête, le résumé du livre en quatrième de couverture, ne m’a pas vraiment vendu du rêve m’incitant à le mettre en tête sur ma pile de lecture à son arrivée à la maison. Mais le souvenir de l’Aliéniste et surtout mon amour artistique, soudain et brusque pour le duo Fabio Moon et Gabriel Ba, a fait le reste, et je n’ai finalement même pas attendu de finir ma lecture en cours pour me lancer dans ce voyage proposé par ces Deux Frères.

Yaqub, fils d’une famille libanaise établie dans la ville brésilienne de Manaus, revient au pays après cinq ans passés au Liban. Il retrouve son père, sa mère et surtout son frère jumeau, Omar. Tous attendent d’assister au bonheur de la réunion des deux frères mais personne n’a véritablement pris conscience que ces cinq ans de séparation ont en réalité cristallisée leur rivalité née à l’occasion d’une querelle sentimentale, quelques mois avant le départ subit de Yaqub pour le Liban. Une rivalité que la cicatrice au visage de Yaqub ne cessa de lui rappeler chaque jour de son exil au Liban. (Contient l’adaptation graphique du roman Deux Frères de Milton Hatoum)Pour commencer, un petit mot sur l’édition proposé par Urban. Je suis en général, toujours, fan du travail, du format proposé. Si je comprends ce grand format, pour la collection Urban Gaphic (que je ne connaissais pas), mettant en valeur les dessins des jumeaux brésiliens. Il a, cependant, deux défauts majeurs, du moins mon exemplaire. Peu pratique pour lire, et surtout, c’est la première fois qu’un de mes ouvrages de chez Urban a une reliure qui craque autant. Le nombre de fois où j’ai tremblé à l’idée de retrouver mon livre en deux morceaux.Mais comme je le disais, ce format, permet aux dessins de Gabriel Baet Fabio Moon de nous éclabousser de leur beauté, de leur profondeur, de leur richesse. Ils ont eu la bonne idée, selon moi, de proposer leur récit en noir et blanc, cela renforçant le travail sur l’opposition des jumeaux Omar et Yaqub, accentuant les sentiments et proposant une richesse dans le trait qui nous propulse dans un voyage enchanteur, dur mais enchanteur !Les traits peuvent paraître rectilignes par moment, brouillons ou exagérés, proches de la caricature par moment, mais ils sont surtout d’une richesse et d’un sens du détail remarquable. Fabio Moon et Gabriel Ba allant à l’essentiel, sachant parfaitement capter l’œil du lecteur. Et alors que l’on pose nos yeux sur la première page, notre regard ne décollera du livre qu’au moment de sa fin. L’histoire commence le plus simplement du monde. Yaqub, revient chez lui au Brésil, après cinq ans au Liban. Toute sa famille se réjouit de se retour. Mais lorsque le jeune homme, à la balafre sur le visage, se retrouve face à son jumeau, Omar, tous ressentent alors le mal être, voir le mal tout court qu’il règne entre les deux hommes. Une terrible blessure physique et une autre morale séparent maintenant Yaqub et Omar, des blessures d’enfants capables de détruire des vies d’adultes !Avant son départ pour le Liban, Yaqub et Omar avaient des vus sur la même jeune fille. Et lorsque le sanguin Omar vit le calme et posé Yaqub échanger un bisou avec la belle jeune fille aux cheveux blonds, son sang ne fit qu’un tour, il se saisit d’une bouteille, la cassa et balafra le visage de son frère. Mais comme si la blessure ne suffisait pas, c’est Yaqub qui fut envoyer loin d’Omar, au Liban, la mère des enfants, Zana, ayant tissé un lien plus fort et quasi fusionnel, virant sur l’étouffement avec Omar, considéré comme le cadet, car né en deuxième. Difficile de ne pas comprendre que le pauvre Yaqub venait de subir comme une double peine.


Si la haine de Yaqub, et on ne peut que facilement le comprendre, envers son frère n’a du faire que grandir durant ces cinq ans, alors qu’il était loin en imaginant son frère Omar au milieu de leur famille. La vie d’Omar, bien que plus agréable affectueusement, et sans doute matériellement, n’est pas non plus une réussite pour le jeune homme, élevé comme fils unique, rien de tel pour forger un caractère bien trempé, et donné l’impression que tout lui est du. Le retour de Yaqub ne va faire qu’exacerber les ressentiments de chacun, et plus qu’une œuvre sur deux frères, le l’œuvre de Milton Hatoum, adaptée par Fabio Moon et Gabriel Ba, va nous faire assister à l’éclatement d’une famille, au malheur de ses membres à cause de la rivalité entre deux frères et d’une sombre vengeance, qui illustre à merveille l’adage, selon laquelle elle se mange froid.  Et plus qu’une histoire sur deux frères, c’est sur la famille et le mal que l’on peut se faire entre nous que se porte la narration. Car si le point de départ de l’histoire est bien la relation de Yaqub et Omar, ce sont les répercussions que cela va avoir sur toute leur famille qui intéresse Fabio Moon, Gabriel Ba et Milton Hatoum. Des ravages vont s’abattre sur cette famille et chacun sera responsable de tous ces malheurs. Deux Frères est un récit poignant, qui nous prend à la gorge. Le destin, tragique, de cette famille, nous prend aux tripes. On réalise à quel point la rancœur entre deux frères peut avoir des répercussions désastreuses sur tous les proches qui les entourent. On réalise bien vite que Yaqub et Omar ne sont plus mettre de leur destin à partir du moment où ils ont été séparé, les choix et les agissements de leurs parents les menant sur des voies bien différentes mais tout autant destructrices. Deux Frères est une histoire poignante et émouvante.  On ne peut que ressentir de la tristesse pour ces deux frères et pour les autres personnages autour d’eux, victimes des dégâts collatéraux de cette vengeance.