Hier, jeudi 23 avril, c'était la date officielle de la San Jordi. Mais c'est demain, samedi 25 avril, qu'elle sera fêtée officiellement. En deux mots, ce sera le jour idéal pour se rendre en librairie - et y retourner après bien entendu. On y achètera un ou des livres, on y recevra une rose et le très beau livre illustré "Une année dessinée". Pourquoi?
Parce que la tradition catalane veut que le 23 avril, jour de la San Jordi, l'on offre un livre et une rose. Parce que depuis dix-sept ans, l'association française Verbes (Marie-Rose Guarniéri de la librairie des Abbesses, dans le 18e à Paris) se mobilise pour la Fête de la librairie par les libraires indépendants, version française de la San Jordi catalane.Parce que cette année encore, le Syndicat des libraires francophones de Belgique s'associe avec dynamisme à cette action.
Samedi 25 avril donc, les libraires indépendants de France (plus de 450) et de Belgique (trente-cinq, liste ci-dessous) fêteront la San Jordi en offrant une rose et un livre à leurs lecteurs.
La petite histoire
Sant Jordi - Saint Georges en catalan - est connu notamment à travers "La Légende dorée" de Jacques de Voragine, pour avoir terrassé un dragon. Une légende raconte que du sang du dragon jaillit un rosier, une autre que la princesse sauvée des griffes du dragon offrit en remerciement à Saint Georges… un livre.
Célébré aujourd'hui dans près de quatre-vingts pays, Sant Jordi faisait au Moyen-Âge l'objet de joutes chevaleresques en Catalogne lors desquelles les dames se voyaient offrir des roses.
En 1926, la Chambre des Libraires de Barcelone désignait le 23 avril comme Jour du Livre. Cette date est également la date anniversaire de la mort de Cervantès, de Shakespeare et de l'Inca Garcilaso de la Vega, tous les trois disparus le même jour de la même année, en 1616. Sous le régime de Franco, c'était la seule manifestation où écrivains et intellectuels pouvaient défendre leur liberté d'expression avec un livre et une rose.
Le 15 novembre 1995, l'Unesco proclamait le 23 avril, Jour du livre et du droit d'auteur, contribuant ainsi à la promotion de la lecture, de l'industrie éditoriale et de la protection de la propriété intellectuelle.
Le livre offert
Chaque année, le livre offert est différent. Cette fois-ci, c'est "Une année dessinée", œuvre collective (Les cahiers dessinés/Editions Association verbes, 380 pages). Un collector bien épais car il s'agit d'un éphéméride, tiré à 23.000 exemplaires et distribué gracieusement à l'occasion de cette journée. On y trouve un dessin par jour/page, ainsi que le saint du jour et presque autant de petites phrases, "faits et gestes de la librairie" indépendante, comme l'annonce le sous-titre de l'ouvrage.
L’œuvre d'une trentaine de dessinateurs, et pas des moindres, a été associée par séquences de quelques pages chaque fois au projet coordonné par Frédéric Pajak, directeur des Cahiers dessinés: Bosc, Chaval, El Roto, Pierre Fournier, Gébé, Anne Gorouben, Jean-Michel Jaquet, Kamagurka, Marcel Katuchevski, Martial Leiter, Nicolas Mahler, Micaël, Mix & Remix, Muzo, Noyau, Olivier O Olivier, Frédéric Pajak, Pascal, Posada, Anna Sommer, William Steig, Saul Steinberg, Pierre Thomé, Tetsu, Topor, Corinne Véret-Collin. Du beau monde, que je vous disais.
Les textes ont été fournis par les libraires indépendants, miroirs de la vie en leurs lieux. Des faits, des gestes, des citations, des pensées, qui donnent une bonne idée de la profession, volontaire avant tout. Ainsi ces mots de la librairie Le goût des mots (Mortagne-au-Perche-: "En faisant les cartons de retour, ne pas pouvoir s'empêcher de mette de côté certains livres, romans, essais, albums jeunesse, qui sont passés entre les mailles du filet et qui nous interpellent in extremis, arrêter son travail pour les lire et peut-être les sauver... Nous ne sommes pas des machines."
Ou cette expérience venue de la librairie Livre aux trésors (Liège, Belgique comme il est précisé): "Deux jeunes clients assistant à une de nos animations ne se connaissent pas, on les présente l'un à l’autre car ils ont le même goût du voyage, ils discutent vivement de lectures, et partent ensuite faire la fête ensemble toute la nuit. On est heureux."
Une année en librairie défile, en images et en mots, sous nos yeux éblouis.
A titre d'exemple, la Saint-Georges évidemment! (c) Cahiers dessinés/Verbes.
L'an dernier
Je m'inquiétais de l'avenir de la librairie indépendante en Belgique (lire ici).
Cette année
Je me réjouis de la création de Librel, le Portail numérique des libraires francophones de Belgique, fort aujourd'hui de 31 libraires indépendants. Car la vente des livres, c'est l'affaire des libraires.
Je constate aussi la réapparition de ce fantôme récurrent qu'est la tabelle, vieille histoire qui empoisonne la Belgique depuis le passage à l'euro, c'est-à-dire depuis le 1er janvier 2002, à l'occasion du rachat par le groupe Editis de Volumen, les activités de diffusion-distribution du groupe La Martinière.
Première précision: la tabelle n'est pas une taxe comme cela s'écrit un peu partout, cet argent irait alors à l'Etat, mais une augmentation artificielle du prix des livres imposée par certains distributeurs.
Deuxième précision: Volumen (La Martinière, Seuil, L'Olivier, Métaillié, Don Quichotte, Points, Anne-Marie Metailié, Arléa, Bourgois, José Corti, Eres, Le Tripode, Minuit, Sabine Wespieser, Tallandier, Viviane Hamy, Zulma) ne pratiquait pas la tabelle, Interforum Benelux (Robert Laffont, Plon, Pocket, etc.), structure de diffusion d'Editis le fait.
On voit donc se profiler en Belgique l'explosion des prix ,15 % en moyenne, des ouvrages de plusieurs maisons françaises prestigieuses.
Rappel
La tabelle grève à hauteur de 10 ou 30 % l'exportation des livres français vers le marché belge. Or, la part de marché belge du livre français s'élève à 13 % et 70 % des livres achetés en Belgique proviennent de France… L'enjeu est donc considérable pour les consommateurs et les maisons d’édition.
La tabelle est un héritage des anciens taux de change appliqués dans la distribution des livres, du temps de la monnaies non unique. A l'époque, on comptait 6,8 francs belges pour un franc français. Cette équivalence incluait les taux de change et les frais de transport.
A l'arrivée de l'euro, on a cru que les livres français seraient vendus partout au prix indiqué en quatrième de couverture. C'était oublier, en Belgique, les distributeurs, placés dans la chaîne du livre entre l'éditeur et le libraire. Quoi? Délaisser cette aubaine? Il n'en était pas question. Et ceci explique la présence sur certains ouvrages d'étiquettes mentionnant un prix en euros belges plus important que l'original en euros français. Entre 10 et 30 % d'augmentation selon les maisons d'édition. Ce qui est lourd pour le portefeuille du candidat acheteur. Certains préfèrent filer de l'autre côté de la frontière acheter leurs livres, là où existe, depuis plus de trente ans, la loi sur le prix unique du livre.
Il y a eu dans notre Royaume une tentative de contourner cette manœuvre: en permettant aux libraires belges de s'approvisionner directement chez les éditeurs français. Dans ce cas, le prix imprimé est celui qui est pratiqué en librairie. Mais cela ne concerne de loin pas toutes les publications, certaines maisons françaises imposant de passer par leur distributeur belge, celui qui facture la tabelle. C'est le cas pour Hachette et ses filiales, Grasset, Fayard, etc., via Dilibel. C'est le cas de Robert Laffont et les siennes, via Interforum. Là, c'est cher mais c'est simple.
Où les choses se compliquent encore, c'est quand un libraire de petite taille ne veut pas commander en France alors que l'éditeur le lui permet. Il s'adresse alors à un distributeur belge et vendra le livre plus cher que certains de ses collègues. Exemple : Actes Sud permet la vente directe depuis la France mais est aussi distribué par la Caravelle qui facture les livres plus cher.
Et comme rien n'est simple dans notre pays, à cause notamment d'absence de loi sur le prix unique du livre, on peut aussi vendre de nouveaux livres à prix très diminués. Ce que font chaînes de librairie ou les grandes surfaces, qu'elles soient culturelles ou pas, avec les best-sellers.
Les diverses tentatives de légiférer chez nous n'ont jamais abouti. Mais le grand perdant de l’affaire est le lecteur.
2015 semble toutefois une plus grande année de résistance à la tabelle. Les auteurs ne sont pas les derniers à se bouger. Ils sont aujourd'hui plus de cent cinquante à avoir signé une "Lettre" faisant le point de la situation à l'occasion de la vente de Volumen à Editis. La page Facebook Pour en finir avec la tabelle a été créée. On ne saurait être plus clair.
Mais revenons à la journée festive de demain. Voici la liste des librairies belges indépendantes qui participent à la San Jordi.
- Tropismes libraires, Galerie des Princes, 11, 1000 Bruxelles
- Tulitu, Rue de Flandre, 55, 1000 Bruxelles
- Candide, Place Brugmann, 1-2, 1050 Bruxelles
- Les yeux gourmands, Avenue Jean Volders, 64A, 1060 Bruxelles
- Librairie Jaune, Rue Léopold 1er , 499, 1090 Bruxelles
- U.O.P.C., Avenue Gustave Demey, 14-16, 1160 Bruxelles
- La Licorne, Chaussée d'Alsemberg, 656, 1180 Bruxelles
- A Livre Ouvert-Le Rat conteur, Rue St Lambert, 116, 1200 Bruxelles
- Agora, Place Agora, 11, 1348 Louvain-la-Neuve
- L'Ivre de Papier, Rue St Jean, 34, 1370 Jodoigne
- Au P'tit Prince, Rue de Soignies, 9, 1400 Nivelles
- Graffiti, Chaussée de Bruxelles, 129, 1410 Waterloo
- Le Baobab, Rue des Alliés, 3, 1420 Braine-l'Alleud
- Livre aux Trésors, Place Xavier Neujean, 27A, 4000 Liège
- La Parenthèse, Rue des Carmes, 24, 4000 Liège
- Pax, Place Cockerill, 4, 4000 Liège
- Librairie Siloë, Rue des Prémontrés, 40, 4000 Liège
- Le Long Courrier, Avenue Laboulle, 55, 4130 Tilff
- La Dérive, Grand Place, 10, 4500 Huy
- Les Augustins, Pont du Chêne, 1, 4800 Verviers
- Pages après pages, Rue Dr Henri Schaltin, 7, 4900 Spa
- Au fil d'Ariane, Rue Catherine André, 2, 4960 Malmedy
- Papyrus, Rue Bas de la Place, 16, 5000 Namur
- Point-Virgule, Rue Lelièvre, 1, 5000 Namur
- Antigone, Place de l'Orneau, 17, 5030 Gembloux
- DLivre, Rue Grande, 67A, 5500 Dinant
- Libre à toi, Avenue de Forest, 30, 5580 Rochefort
- Librairie Croisy, Rue du Sablon, 131, 6600 Bastogne
- Du tiers et du quart, Rue de Neufchâteau, 153 A, 6700 Arlon
- Le Temps de lire, Rue du Serpont, 13, 6800 Libramont
- Oxygène, Rue St Roch, 26, 6840 Neufchâteau
- Leto, Rue d'Havré, 35, 7000 Mons
- Polar & Co, Rue de la Coupe, 36, 7000 Mons
- Ecrivain Public, Rue de Brouckère, 45, 100 La Louvière
- Chantelivre, Quai Notre-Dame, 10, 7500 Tournai