Le 27 octobre 1949, le nouvel avion d'Air France, le Constellation, lancé par l'extravagant M. Howard Hughes, accueille trente-sept passagers.
Le 28 octobre, l'avion ne répond plus à la tour de contrôle. Il a disparu en descendant sur l'île Santa Maria, dans l'archipel des Açores.
Aucun survivant. La question que pose Adrien Bosc dans cet ambitieux premier roman n'est pas tant comment, mais pourquoi ? Quel est l'enchaînement d'infimes causalités qui, mises bout à bout, ont précipité l'avion vers le mont Redondo ? Quel est le hasard objectif, notion chère aux surréalistes, qui rend " nécessaire " ce tombeau d'acier ?
Et qui sont les passagers ? Si l'on connaît Marcel Cerdan, l'amant boxeur d'Édith Piaf, si l'on se souvient de cette musicienne prodige que fut Ginette Neveu, dont une partie du violon sera retrouvée des années après, l'auteur lie les destins entre eux.
L'alerte est enclenchée à 2 h 53 soit 23 h 53, heure locale. Et d'emblée, les recherches se concentrent sur l'étendue marine encerclant les Açores. Le Constellation s'est abîmé en mer, nulle autre hypothèse ne semble plausible. S'abîmer en mer, ces expressions, mots et verbes marins...
S'abîmer en mer, sillonner la mer, se perdre en mer, se jeter à la mer, prendre la mer, partir en mer, mourir en mer, jeter une bouteille à la mer, noyé, envahi, emporté par la mer, estiver, écumer, courir les mers, disparaître en mer, avoir bourlingué dans les mers du Sud, acculer, aboutir à la mer, " Un homme à la mer ! " crie le capitaine, au fond des mers, vieux loup, fortune de mer, haute, pleine, basse, qui se retire, découvre, embarque, gronde, moutonne, creuse, mine, ronge, érode les falaises, qui baigne une côte, qui scintille, brasille, brille, étincelle, se calme, calmit, baisse, reflue, écume, déferle, monte et descend, mer d'huile, de glace, de sable, secondaire, bordière, intérieure, fermée, froide, tempérée, gelée, calme, agitée, forte, houleuse, étale, tropicale, la mer d'Arthur Rimbaud infusée d'astres et lactescente, les clapotements furieux des marées, les archipels sidéraux et les îles dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur : est-ce en ces nuits sans fond que l'avion s'endort et s'exile ?
Bon, bon bon.. je m'attendais à plus d'émotions. Le sujet reprend quand même un crache d'avion.
L'auteur se détache de l'émotion, des sentiments pour décortiquer les événements à la manière d'un journaliste. Il faut reconnaître que le travail de recherche pour reconstituer des brèves du passé de chaque passage, inconnu ou célèbre, est formidable. Les anecdotes collectées sont précieuses !
C'est une tragédie collective, un deuil international. Comme beaucoup, j'avais surtout associé à cet accident la mort du boxeur Marcel Cerdan, sans jamais penser au reste de l'équipage. Ce roman rééquilibre le devoir de mémoire. Chaque passager est personnifié dans cette tragédie collective. C'est une belle prouesse de l'auteur.
Il aborde également l'après accident, dont on ne se souvient plus aujourd'hui : l'annonce de l'accident, les démentis erronés, le rapatriement des corps, les erreurs de restitutions des corps, les cérémonies nationales ou au contraire en petit comité.
Je dois toutefois fois reconnaître que je n'ai pas compris toutes les digressions de l'auteur.
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