Ruta Sepetys – Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre

Par Dareel @Dareel_

Une nuit de juin 1941, Lina, quinze ans, sa mère, Elena et son petit frère, Jonas, dix ans sont brutalement arrêtés par la police secrète soviétique.
Au bout d’un voyage épouvantable de six semaines, presque sans eau et sans nourriture, entassés dans des wagons à bestiaux, ils débarquent au fin fond de la Sibérie, dans un camp de travail soviétique. Logés dans des huttes, sous alimentés, brutalisés, les déportés tentent de survivre et de garder espoir. Dans le kolkhoze, le travail de la terre est éreintant. Mais malgré la mort, la maladie, le froid, la faim et la terreur, Lina tient bon, soutenue par une mère exemplaire, son amour pour un jeune déporté de dix-sept ans, Andrius, et portée par sa volonté de témoigner au nom de tous et de transmettre un signe de vie à son père (condamné à mort dans un autre camp) grâce à son art du dessin et à l’écriture.

Ce roman, je l’ai cherché très très longtemps après en avoir lu plein de bonnes chroniques, et c’est finalement chez France Loisirs que je l’ai trouvé. J’ai également mis du temps avant de le sortir de ma P.A.L, mais c’est chose faite, et c’était une bonne lecture !

Nous sommes donc dans un contexte de Guerre Mondiale, mais pour une fois nous allons suivre l’U.R.S.S et Staline, et non pas l’Allemagne et Hitler. C’est déjà le premier point qui m’a plu, ça change !

Lina, son petit frère Jonas et sa maman se font arrêter par la police soviétique un beau matin et déportés vers une destination inconnue avec d’autres personnes de leur entourage. Durant tout le roman, nous suivons leur voyage et nous familiarisons avec les personnages déportés avec eux, ainsi que les principaux soldats soviétiques qui les accompagnent.

C’est incontestablement un roman fort, qui remplit très bien sa mission d’hommage et de maintien du souvenir.

Le fait de nous confiner dans les camions, trains, huttes et cabanes avec ces quelques personnages permet de vraiment faire ressentir au lecteur ce que ces déportés ont pu ressentir. Ok, on ne ressent peut-être qu’un millième de leur souffrance, faut pas se leurrer ils ont vécu l’enfer, mais c’est un « roman-témoignage » efficace qui fait son effet sur le lecteur.

A mon humble avis, cette petite famille représente très bien la famille lambda qui a été arrêtée du jour au lendemain, l’incompréhension qu’ils ressentent, la culpabilité, la curiosité, le besoin de comprendre pourquoi, etc.

Plusieurs choses font vraiment de la peine dans ce roman… Les enfants qui ne comprennent pas ce qu’ils ont fait de mal, les parents qui sont persuadés qu’ils vont vers un chouette endroit, la séparation des familles (et Lina qui espère toujours retrouver son papa…), certaines personnes convaincues qu’ils partent pour la belle vie en Amérique… Le pire, c’est ces trois populations, Lituaniens, Lettons et Estoniens qui, lorsque Hitler arrive dans leur pays, sont persuadés qu’il va les délivrer… S’ils savaient !

Le fil rouge du roman c’est notamment les tentatives de Lina et Jonas pour faire passer un message à leur père, qu’ils ont aperçu dans les wagons lors de la déportation, mais qui a été emmené dans un autre camp.

Les tentatives des soldats pour les faire plier, leur cruauté, leur façon de les traiter comme des animaux, de les briser pour les rendre encore plus dociles… Tout ça est juste inhumain, on se demande comment on a pu en arriver là.

Une touche d’humanité est incarnée par le personnage de Nikolaï, dont je tairai le nom de soldat pour ménager le suspense.

Bref, Lina et Andrius, autre gamin déporté, sont deux enfants qui vont tenter de se battre envers et contre tous, pour maintenir l’espoir et survivre jusqu’au jour où, peut-être…

On entend parler de tout ça en cours d’histoire quand on est ado, mais on nous explique davantage le côté politique et ce qui se passe au sein des « gouvernements » des pays, les décisions des chefs comme Staline, etc., mais on élude trop souvent la situation des gens qui ont vécu cet enfer, et quoi de mieux qu’un livre témoignage pour en parler et faire passer toute cette horreur ?

De plus, l’écriture de Ruta Sepetys n’abîme en rien l’histoire vécue par ces gens. Si ces personnages sont pour la plupart fictifs, certains ont bel et bien vécu, je pense notamment au personnage qui arrive à la toute fin du livre. Bref, l’écriture est légère mais puissante, les chapitres courts et efficaces donnent envie de continuer à lire, encore et encore… C’est vraiment prenant, on est plongés au coeur de l’enfer avec les protagonistes et bizarrement, on ne peut s’empêcher de poursuivre notre lecture pour autant.

C’est incontestablement un livre qui reste dans l’esprit et le marque pour un petit moment, je le recommande vivement, notamment aux personnes qui comme moi entendent toujours parler des mêmes pays et populations pendant les Guerres Mondiales, pour une fois qu’une histoire est consacrée à d’autres…

Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre, c’est cette note d’espoir, cette volonté de continuer à se battre, et de se reconstruire malgré tout…

[Informations livre : Ruta SepetysCe qu’ils n’ont pas pu nous prendre | Editions France Loisirs | Contemporain / Historique | 424 pages | 14.20€]