Joyce Carol Oates – Zombi

Par Dareel @Dareel_

Il pose bien un peu problème à son professeur de père, et à sa mère – qui l’adore – mais ni l’un ni l’autre ne croient une seconde à l’accusation d’agression sexuelle sur un mineur dont il est l’objet. Il est un cas pour le psychiatre-expert auprès des tribunaux chargé de le suivre, qui se sent néanmoins encouragé par la nature toujours plus positive de ses rêves et sa franchise à en discuter. Il est le plus exquis et le plus attentif des garçons pour sa riche grand-mère de moins en moins capable de lui refuser quoi que ce soit. Il est le plus vrai et le plus abominablement terrifiant des tueurs-psychopathes jamais imaginés dans un roman dont on se demande par instants comment l’auteur a pu trouver les mots pour l’écrire.

Je suis tombée sur ce petit livre par hasard à Cultura et l’ai aussitôt acheté.

Zombi, c’est Quentin P. qui nous raconte directement son histoire.

Quentin est un garçon particulièrement perturbé mentalement, et obsédé par une idée bien glauque : créer son propre Zombi. Après avoir été accusé d’agression sexuelle et placé en prison avec sursis, il est suivi par toute une équipe de thérapeutes, et entouré par sa famille qui s’inquiète pour lui.

Quentin est gardien dans une maison appartenant à sa famille, et dont les chambres sont louées à des étudiants.

Nous apprenons donc pendant ce court roman ce qui se passe dans la tête de Q.P, et autant dire qu’il est loin d’être un enfant de choeur !

Concernant le style, qui se veut volontairement anarchique, je suppose que comme la plupart des lecteurs j’ai été surprise par l’utilisation des esperluettes (&) pour remplacer chaque « et ».

Je n’ai également pas trop compris pourquoi le mot « bite » a été écrit « bitte » à chaque fois.

Le style me fait un peu penser à du Bukoswki par le fait que la ponctuation est très aléatoire, ce qui donne un rythme étrange au tout, et contribue largement à rendre le roman chaotique. De plus, les phrases sont souvent volontairement mal structurées. Tout ça souligne l’impression d’être dans l’esprit embrouillé de Q.P, qui semble être envahi par ses pensées et réfléchir à mille à l’heure.

Concernant l’histoire en elle-même, j’ai beaucoup aimé le sujet : les zombi sans « e », pas les dévoreurs de chair humaine !

Quentin est obsédé par l’idée de créer son propre zombi, un homme soumis, qui ne réfléchit pas et ne pense que par lui, ne vit que pour lui, et se soumettrait à tous ses désirs. Parce que Q.P est également déviant sexuellement, attiré par les hommes et surtout par les relations non consentantes qu’il pourrait avoir avec eux.

Tout ça reste tout de même très violent, très glauque et dérangeant, surtout quand on sait la manière dont il s’y prend pour transformer ses victimes : insérer un pic à glace dans le globe oculaire pour pénétrer jusqu’au cerveau et en détruire une partie. 

Jusqu’à la fin, ses tentatives auront été vaines, et l’auteur nous laisse en haleine jusqu’au bout puisqu’on apprend que Q.P n’a pas l’intention de laisser tomber.

L’originalité du roman réside également dans le fait qu’à part pour les membres de sa famille et les amis de sa grand-mère, Q.P ne cite pas de noms, il surnomme ses proies (j’utilise ce mot étant donné qu’il a une réelle attitude de chasseur vis-à-vis d’elles), et même ses thérapeutes.

La relation qu’il a avec sa grand-mère tend à radoucir le tout, c’est comme si une mini facette de lui restait sur la bonne voie, j’ai bien aimé ce contraste.

En résumé, avec Zombi, nous sommes plongés dans les fantasmes glauques d’un homme tout aussi glauque, débordant de rage et de violence, qui nous raconte dans les moindres détails ses « exploits », et ils ont de quoi dégoûter… C’est incontestablement un roman qui ne peut pas laisser de marbre, qui peut révolter comme passionner, mais en tout cas qui laisse son empreinte. Il est un peu construit comme un journal intime, avec des chapitres courts et des illustrations dessinées manuellement.

En tout cas, je ne le classerais pas dans le genre « violence gratuite », je trouve qu’il y a un réel cri de rage dans ce livre, quelque chose de fort.

Quentin n’est en tout cas pas un personnage attachant pour un sous, c’est plutôt le genre de détraqué qu’on souhaite ne jamais croiser dans la rue.

Tout à fait le genre de roman qui fait se demander si l’auteur a toute sa tête haha !

[Informations livre : Joyce Carol OatesZombi | Editions Le Livre de Poche | Psychologie / Horreur | 216 pages | 6.10€]