Le monde, c’est un voleur ; il a volé toutes les étoiles du ciel pour les mettre dans ses rues et il les a appelées « lumières de Noël ». Mais quiconque a déjà couru à travers champs, s’est roulé dans une neige qui reste blanche même la nuit, s’est perdu dans le silence d’un soir d’hiver un brin d’herbe entre les lèvres (ou une Gauloise, à une époque où fumer tuait moins que le sucre raffiné) le sait bien : toutes les guirlandes et pommes d’amour de tous les marchés de Noël du monde, c’est rien que du pipi de chat, quand sous un ciel étoilé tu te prends la claque de ta vie. Le problème de ce monde, votre problème, mon problème, c’est qu’on a oublié. Oublié la notion du temps, les distances et l’humilité.
À force de courir, de passer nos vies dans les TGV, de vouloir être toujours au bon endroit au bon moment, on a oublié que d’autres étaient là avant nous ; et qu’on les a perdus en route. À force d’avoir l’intimité du monde à portée de main, et toutes nos envies au rayon de n’importe quel supermarché, on a oublié à quoi pouvaient bien ressembler la liberté et le respect. À force de contempler toutes ces lumières d’aussi près, de les prendre pour des étoiles, de se prendre pour l’une d’elles, on a oublié de se sentir tellement petits.
On est tous, là, à vouloir laisser une trace, marquer notre différence, on cherche cet objet indispensable que personne n’a jamais inventé, cette phrase juste que personne n’a jamais dite, cette bombe qui n’a jamais explosé, on fait un gros fuck à ce monde alors qu’on n’est jamais que comme lui : des voleurs qui passent leur temps à gueuler « la bourse ou la vie ! » Nous sommes tous ces mêmes êtres étranges qui détruisent des forêts, qui en font du papier pour écrire dessus « sauvez un arbre » ; en s’émerveillant devant un sapin qui crève dans leur salon. Et du haut de nos gratte-ciels, dans nos appartements surchauffés, on passe nos vies à oublier. Qu’on ne fait jamais que transformer ce que la nature nous a donné. Qu’on ne fait jamais que paraphraser tous ces types qui nous ont collé ces claques qu’on avait méritées. Que le mec et ses chansons, sur le trottoir d’en bas, dégagent plus de chaleur que nos radiateurs.
On passe nos vies à oublier, ce que le monde lui-même à tellement bien compris, que derrière tous nos mensonges et nos masques de fortune, on cherche tous la même chose : cet amour qui fait briller les yeux des mômes et taire la colère des adolescents, cet amour qui renverse les certitudes des adultes et donne un second souffle aux rêves que les plus vieux avaient mis de côté. Si les corps se vendent et le plaisir s’achète, je ne te ferai jamais payer le prix de l’amour que tu me portes. Y’a des meufs qui bordent leur regard de mascara, exhibent leur féminité sous une robe noire un peu trop courte, embrassent des bouches qui sentent l’ail et le mauvais alcool. Y’a des mecs qui sortent leur carte bleue, leurs muscles et leurs mots bleus, qui boivent plus que de raison et mettent ces meufs-là dans leur lit. Mais qu’on soit des filles faciles ou un peu plus compliquées que ça, qu’on soit des mecs en rut ou que notre palpitant de mâle cogne un peu trop fort contre une carapace qu’on a appris à se forger, on espère tous la même chose en ouvrant les yeux au petit matin : qu’il ne se soit pas déjà envolé, ce piaf débile qui nous fait voir la vie en rose.
Le problème de ce monde, votre problème, mon problème, c’est qu’on a oublié. Oublié de dire je t’aime à ceux qu’on aimait. On a cru que les contes de fées nous avaient corrompus, alors qu’on les avait juste mal interprétés. On attendait la bonne intrigue, le bon décor, le bon mobile et le prince charmant qui pourrait enfin nous aider à sortir vivant de cette vie dont on ne voulait pas. On a cru qu’il fallait enfiler une camisole blanche, se mettre des chaînes aux pieds, faire une tripotée de gamins et vivre heureux à tout prix. On s’est raconté tant d’histoires qui postillonnaient et sur lesquelles on a préféré cracher avant de se rendre compte que, dans tes bras, tout était beaucoup moins compliqué que ce qu’on s’était imaginé. Que l’amour était là, sans le réclamer, sans avoir besoin de débourser quoi que ce soit. Dans ce monde ménopausé je ne serai jamais une exception à la règle, mais dans tes yeux, au creux de tes bras, contre ton corps nu sous les draps, j’ai l’impression d’être une étoile, mon Amour.
Notice biographique
Myriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture. C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle. Récemment, elle a créé un blogue Un peu d’on mais sans œufs, où elle dévoile sa vision du monde à travers ses mots – oscillant entre prose et poésie – et quelques croquis, au ton humoristique, dans lesquels elle met en scène des tranches de vie : http://blogmaestitia.xawaxx.org/