Amours de mères

Par Lucie Cauwe @LucieCauwe

C'est de saison, les mamans sont à l'honneur au mois de mai. Le deuxième dimanche en Belgique, à d'autres dates ailleurs. Voici quatre d'albums pour enfants qui parlent d'elles, c'est-à-dire qu'ils évoquent l'amour qu'elles ont pour leurs enfants. Les mères, ces concentrés d'amour.
Les deux premiers sont des créations françaises et se ressemblent. Très intéressants tous les deux et joliment conçus, ils abordent chacun à leur manière le thème de l'amour maternel, éternel.
"La main de maman", écrit par Claire Babin et illustré par Marguerite Courtieu (Gallimard Jeunesse, 32 pages), choisit la main pour dire l'amour. Chaque page met en scène une nouvelle situation dans une nouvelle famille. Le monde entier défile avec ces mamans et ces enfants. Et la vie s'écrit dans des saynètes rendant grâce à la douceur sans oublier que la fermeté est aussi nécessaire parfois.

La main de maman me rappelle mon doudou. (c) Gallimard.

L'album que signent une éditrice et une graphiste de la maison d’édition qui les publie commence ainsi:
"La main de maman sent bon comme un câlin.
Elle me rappelle mon doudou.
Elle me coiffe les cheveux pour que je sois encore plus belle.
Elle est ferme quand j'hésite.
(...) Parfois aussi la main de maman me menace, me gronde, se fâche."
Jusqu'à la jolie finale: "Un jour pourtant je pourrai lâcher la main de maman... sans avoir peur de m'envoler!"

 La main de maman au quotidien. (c) Gallimard Jeunesse.

Simples mais expressives, les illustrations montrent des mamans et des enfants, garçons et filles de toutes les couleurs, de tous les pays, quelques papas aussi ainsi que l'un ou l'autre frère ou sœur. 
"La main de maman" est une jolie liste reprenant autant les petits gestes du quotidien que l'attention maternelle et sa bienveillance constante. "Que le lien soit fort ou ténu, il est toujours indélébile", estime Claire Babin qui nous partage avec douceur sa pensée.
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L'album "Mon amour" d'Astrid Desbordes pour le texte et Pauline Martin pour les illustrations (Albin Michel Jeunesse, 48 pages) se présente sous la forme d'un dialogue entre une maman et son petit garçon. Archibald a une fameuse question à l'heure de se coucher: "Dis maman, est-ce que tu m'aimeras toute la vie?" Bigre, comment répondre à cela? La maman biaise un peu pour commencer: elle va dire un secret à son fils. "Je t'aime depuis que je te connais, et même avant." Douces et délicates, les images montrent une photo de naissance à la maternité et une scène de grossesse.

Page de gauche. (c) Albin Michel Jeunesse.

Au fur et à mesure des doubles pages, la maman reprend la formule "Je t'aime" en y accolant un terme et son contraire. "Je t'aime quand tu le vois" (à la fête foraine), "et quand tu ne le vois pas" (le ballon d'Archibald a cassé le vase de fleurs). Cette musique des phrases crée un très jolie atmosphère, propice à déceler tous ces petits moments d'amour, que les illustrations saisissent parfaitement bien et prolongent avec délices - le duo n'en est pas à son premier coup, "Les rêveries d'un hamster solitaire", "Le dîner surprise", "Le goûter" et "Le Noël des Polipoil", "Le voyage d'un hamster extraordinaire" (tous chez Albin Michel Jeunesse), c'est déjà elles deux.

Page de droite. (c) Albin Michel Jeunesse.

C'est plein de tendresse et de douceur, d'humour aussi quand on voit quels contraires sont opposés:  le beau costume et la scarlatine, le câlin et la colère, la sortie du bain et le retour du foot... Archibald se révèle un petit garçon terriblement humain, avec ses bons et ses autres côtés. L'illustratrice a eu l'excellente idée d'alterner les doubles pages en teintes douces, bleu et rose, qu'éclairent du rouge et du jaune. Surtout, elle établit un excellent rapport texte-images avec ce qu'écrit l'auteure.
Et donc, le secret de cette maman est tout simple et apparaît à la fin de multiples épisodes d'amour: "Je t'aime parce que tu es mon enfant, mais que tu ne seras jamais à moi. Je t'aime chaque jour. Et pour toujours", sous-entendu peu importe ce qu'Archibald choisira de faire quand il sera grand. Excellent album que ce "Mon amour" qui invite à se raconter soi et ménage une toute petite place au papa de l'histoire.
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L'album "Quel œuf!" de la Britannique Sally Grindley pour le texte et du Belge Pascal Lemaitre pour les illustrations (texte traduit de l'anglais par Maurice Lomré, L'école des loisirs/Pastel,
32 pages) apparaît plus rigolo au premier regard mais affiche en finale une belle profondeur. Pas de personnages humains ici mais des animaux qui ressemblent fort à  des humains.

"Il n'éclora jamais si je ne le tiens pas au chaud". (c) Pastel.

Tout commence quand une maman cane découvre un très grand œuf abandonné dans une grotte - ce qui n'est pas sans rappeler l'excellent album, épuisé, de Margaret A. Hartelius "Le petit de la poule" (Père Castor-Flammarion).
Gentille et responsable, elle décide de le couver: "Il n'éclora jamais si je ne le tiens pas au chaud."

Elle est sûre que son bébé n'est pas un canard... (c) Pastel.

Elle sera surprise de voir ce qui sort de la coquille: "Une chose est sûre: tu n'es pas un canard."
Si cette drôle de petite créature effraie et rebute ses amis, la maman cane n'en tient pas compte: "Tu resteras avec moi."
Et c'est ainsi que le bébé affamé grandit, nourri par une mère active et généreuse, jusqu'à devenir vraiment très grand. L'apprentissage des choses des canards, nager, voler, s'avère négatif, mais le petit se découvre d'autres qualités. Il s'en ira  parcourir le monde mais reviendra chez sa maman, drôlement bien accompagné. Les projets du fils comme ceux de la mère généreuse sont le bonheur. "Quel oeuf!" peut-être, mais surtout, quel fils et quelle maman!
Pascal Lemaitre a rudement bien exploité le scénario de Sally Grindley. Ses illustrations sont efficaces et sensibles, reflétant l'amour et la tendresse mais laissant une petite place à l'humour. Les postures de la maman cane et de son bébé sont très réussies, celles des personnages secondaires aussi. Encore un amour maternel inconditionnel.
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Mon dernier choix est plus poétique, ouvert à tous, aux petits comme aux grands et même aux adultes. Il s'agit du merveilleux album "Mon tout petit" de Germano Zullo et Albertine (La joie de lire, 80 pages), sous coffret.
On y voit d'abord une maman, immense, qui tient un tout petit garçon dans ses bras. Quelques mots soulignent les scènes en noir et blanc. Tandis que la mère tourne doucement sur elle-même, le bébé qu'elle tient dans les bras grandit imperceptiblement. Le tout-petit devient un enfant, un ado, un homme. Toujours, des mots doux racontent leur histoire.
Et en même temps que l'enfant grandit, devient un homme, on voit la mère qui rapetisse jusqu'à devenir minuscule. Les images d'Albertine, au crayon gris, sont créées comme pour un flipbook, avec leurs lignes qui bougent d'un rien de page en page. Surtout, associées aux mots de Germano Zullo, elles disent le cycle de la vie, l'amour d'une mère, l'amour d'un enfant. Evocatrices, elles appellent l'émotion en nous. Dès le titre, "Mon tout petit", tout n'est-il pas dit?

... et bébé. (c) La joie de lire

La ronde de maman...


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Et pour terminer, une photo prise il y a quelques semaines à la librairie,  L'Atoll imaginaire, installée à La Garde dans le Var (Midi de la France).
La maman cane et ses petits sont entrés par la porte arrière, et ressortis peu après par le même chemin.