Les balbutiements chroniques de Sophie Torris…

Cher Chat,

En ce début mai, tandis que la température monte, les collectes de fonds s’enfièvrent. Si on se saigne volontiers pour chat qui louche maykan alain gagnon francophonie quelques causes, il est certaines ponctions d’argent, pourtant administrées par des médecins, qui, liposuçant jusqu’à la moelle, paralysent.

Ce dimanche, Sur la pointe des pieds*, mes fils ont rasé leurs cheveux pour offrir des aventures thérapeutiques aux jeunes cancéreux. Avec ses gros sabots, à la tête de la province, Monsieur Couillard* rase les ressources sociales pour n’offrir plus que des soins palliatifs aux jeunes générations.

Voici les deux rasothons auxquels mes enfants participent. Bon gré. Mal gré. Une boule à zéro. Un déficit zéro. Le premier est un traitement de faveur volontaire et solidaire qu’ils ont amorcé eux-mêmes. Le second est un traitement invasif, inoculé sans prescription, et qui risque de détruire leur système de défenses humanitaires. Une coupe à l’aveugle et aucun baume après-rasage !

Et on se targue de suturer la dette pour ne pas hypothéquer les générations futures ? J’ai du mal à avaler la pilule, surtout quand on sait l’important cachet que se prescrivent ces ministres-médecins ! Si on lui avait coupé les bourses, Monsieur Couillard aurait-il pu entreprendre ses études ? Ce sont toutes ces aides aux étudiants qu’il veut réduire : transport scolaire, services alimentaires, postes de conseillers en éducation, budgets liés à la réussite. Et ce n’est qu’un échantillon de celles qui vont disparaître dans ces guerres intestines. C’est ça, faire de la prévention ?

Certes, on ne tue pas en coupant dans l’éducation, que dis-je, en charcutant dans l’éducation. Les effets secondaires ne se feront sentir que dans quelques années. On souffrira alors de malformations, d’insuffisances respiratoires, de stérilité et, là, ce jour-là, quand l’ignorance aura gangréné nos cerveaux, on accusera un retard de croissance sans précédent.

Quand une humeur maligne s’attaque au système d’éducation, c’est toute la société qui, petit à petit, se métastase. On parle de maladie sociétalement transmissible. Quel sera le temps d’incubation avant que la dégénérescence ne s’attaque à tous les organes vitaux du pays ?

Et puis, quel serment d’hypocrite, ce médecin sans frontières, sans limites, a-t-il signé pour faire autant d’entorses à la démocratie ? On a mis au pouvoir un collège de médecins qui fait désordre, mais sommes-nous condamnés à être patients quand ils n’opèrent plus de manière déontologique ? Quelles sont ces lois bâillon dont on ne discute pas sous prétexte qu’elles traitent des urgences ?

On passe le budget au lavement baryté alors que le Québec n’est pas en crise. S’il est important de résorber les dépenses, rien ne justifie la radicalité des méthodes employées.

Enfin, peut-on comparer la durée de vie d’un homme avec celle d’un pays ? La notion d’urgence est bien réelle quand on parle d’espérance de vie chez les cancéreux et même si ce rasothon à la mémoire de Marie-Hélène Côté ne l’a pas sauvée, il est synonyme d’espoir. La notion d’urgence ne vous semble-t-elle pas plus théorique quand il s’agit d’un équilibre budgétaire ? Le pays n’est pas prêt de mourir et son état mériterait qu’on s’attarde sur un long examen clinique plutôt que de couper la repousse à la racine. Ces coupes n’ont rien de solidaire. Ces médecins ont pris la tête du gouvernement, nous la tondent et pour cacher leurs cupides motivations,  la coiffent d’une perruque austère. Que l’on rase la tête de mes fils, mais que l’on coupe la leur !

L’austérité n’a jamais fait ses preuves. Ce n’est pas nouveau. Il y a prescription ! Réveillez-vous, le Chat ! On nous anesthésie de discours alarmistes pour que nous signions l’euthanasie des programmes sociaux. La plaie de la fracture sociale n’en sera que plus profonde.

À force d’avaler tout ce qu’on nous dit sans dire « merde », on va devenir une génération de constipés. Pardonnez-moi, le Chat, mais je crois que je suis en train de développer le syndrome du colon irritable. Il faut dire que j’ai immigré il y a moins de 20 ans pour saisir la chance d’une deuxième formation. Aujourd’hui, je suis enseignante et heureuse de l’être. Or, le rasothon que monsieur Couillard met en branle est également en train de nuire à cette greffe de compétences.

 chat qui louche maykan alain gagnon francophonieRefusons cette ordonnance et toutes ces potions amères qui n’adouciront en rien les névralgies ambiantes. Il y a tant de contre-indications à sa posologie ! Nous sommes déjà tous hypertendus.

Le pays sera en voie de rémission si nous restons ce peuple allergique aux politiques arides, intolérant au morose.

Il existe des médecines douces. Équitables. Peut-on, pour une fois, faire confiance à l’homméopathie ?

Sophie

*La Fondation Sur la pointe des pieds a pour but d’aider les jeunes, atteints par le cancer, à retrouver leur bien-être en relevant le défi d’une expédition d’aventure thérapeutique exceptionnelle. Le rase-o-thon Marie-Hélène Côté, qui permet de récolter des dons pour cette fondation, célèbre cette année ses 15 années d’existence.

*Philippe Couillard, neurochirurgien de formation, est l’actuel premier ministre du Québec.

 Notice biographique

chat qui louche maykan alain gagnon francophonieSophie Torris est d’origine française, Québécoise d’adoption depuis dix-sept  ans. Elle vit à Chicoutimi, y enseigne le théâtre dans les écoles et l’enseignement des arts à l’université. Elle écrit essentiellement du théâtre scolaire et mène actuellement des recherches doctorales sur l’impact de la voix de l’enfant acteur dans des productions visant à conscientiser l’adulte. Elle partage également une correspondance épistolaire avec l’écrivain Jean-François Caron sur le blogue In absentia. (http://lescorrespondants.wordpress.com)

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)