Otis a quitté le Missippi lorsqu'il était adolescent. Sa mère a réussi à persuader son père d'aller vivre à Chicago alors que lui serait bien resté dans le Sud à vivre presque comme l'Oncle Tom, en domestique obéissant. L'arrivée à Chicago sonne le glas du bonheur familial (qui soyons honnête, n'existait pas vraiment non plus dans le Sud). Le père ne trouve pas d'emploi et sombre dans l'alcool, la mère laisse son fils Junior, vaquer à ses occupations louches afin d'en retirer l'argent qui lui permettra de ne pas travailler pour les blancs pendant quelques jours. Au milieu de tout ça, Otis tente de comprendre qui il est, entre sa relation avec la riche Dorcas et son irrésistible attirance pour les garçons.
Ce roman est exactement de ceux que j'aime découvrir, il possède son univers propre, celui des bas-fonds américains et pour cause, l'auteur était proxénète et connaissait donc bien ce milieu. On sent très bien la déception qu'ont éprouvé les noirs du Sud quand ils se sont installés dans le Nord, des rêves pleins la tête. On découvre aussi l'univers glauque des amours qui ne sont que de surface car Otis, malgré ses défauts, cherche l'amour ; or il ne parvient pas à aimer celle qui est prête à le rendre heureux et se fait avoir par ceux qui l'attirent. J'ai été désarçonnée par certains passages, notamment celui où il devient le jouet sexuel d'un diacre alors qu'il n'est encore qu'un jeune adolescent, Ce n'est pas tant la scène en soi que le fait qu'Otis finit par trouver ça « très agréable ». Nous noterons que l'auteur n'est pas de ceux que j'aurais eu plaisir à rencontrer en vrai, puisqu'il frappait les prostituées qui travaillaient pour lui avec des cintres en métal.
C'est un roman fortement inspiré de la vie de l'auteur, que je vous conseille si vous êtes curieux, surtout pas si vous êtes facilement choqué. Je l'ai lu dans la même pièce que mes enfants et mes parents et je peux vous dire que je vérifiais par dessus mon épaule qui était derrière moi en lisant certaines pages.
Merci à Jérôme pour cette lecture commune et pour m'avoir offert ce roman.
Publié chez Points en 2010, 345 p,