Quand les origines gâchent les comics

Par Poisonfanny @PoisonFanny

Vous avez déjà adoré un personnage sans rien savoir sur lui ? Les héros des westerns ou des films d’action ont d’autant plus de charisme lorsqu’ils restent un mystère ! Malheureusement, la spécialité du cinéma n’est pas forcément celle des comics ! Batman, Wolverine ou encore le Bouffon Vert, la mode des Origin Stories a gâché plus d’un personnage de comics !

Attention, je n’ai rien contre les origin stories, savoir d’où vient un personnage et comment il en est venu à devenir un héros est important, surtout lorsqu’on commence les comics ! Ce n’est certainement pas moi qui vais vous dire de les éviter. Le problème, c’est lorsque ces origines sont racontées à nouveau à chaque remise à zéro de l’univers Marvel ou DC… Et ce n’est pas un souci réservé aux comics, ce phénomène touche aussi les adaptations de comics à l’écran, comme Spider-Man au cinéma. Combien de fois les studios pensent-ils devoir nous montrer que l’araignée l’a mordu, que son oncle est mort et que de grand pouvoir impliquent de grandes responsabilités avant que l’on comprenne ? Evidemment, si on parle du multiverse, on a autant d’exemples que de planètes ! L’univers Ultimates chez Marvel, fait par exemple des mutants des créations du gouvernement, au contraire de la continuité classique, et Thor y ressemble à un hippie ! Si en plus on doit raconter des origines légèrement-différentes-mais-pas-trop pour chaque version du même personnage, on a pas fini !

Certains des créateurs derrière les héros semblent parfois oublier que le charme de certains personnages réside dans leur côté énigmatique… Lorsque leurs origines sont révélées, la perte de leur aura de mystère desservit la plupart de ces personnages. Rien n’égale ce qu’on s’était imaginé, tellement les attentes étaient élevées ! Je vous donne quelques uns de mes exemples favoris !

1. Batman and co

3 versions de la même scène

Batman semble durement touché par ce phénomène, mais c’est parce que c’est un des personnages sur lesquels on a le plus écrit. Il est normal que le détective et sa « famille » soient les premiers qui me viennent en tête sur ce sujet. Qui ne connaît pas les origines de Batman, personnage de comics peut-être le plus connu au monde ? Pourtant, on revoit régulièrement cette fameuse scène du meurtre des parents Wayne… Récemment, DC Comics a même édité une réécriture des premières années de Bruce Wayne en tant que Batman, sous le titre Zero Year, en hommage à Batman : Year One, histoire que je vous conseille de lire en premier dans mon guide de lecture de comics sur Batman. J’ai trouvé cette lecture agréable, mais pas indispensable pour autant… Quel intérêt de relire encore et encore comment Batman a commencé ?

Après cet arc scénaristique, le duo aux commandes du titre Batman, Scott Snyder et Greg Capullo, sont passés à un autre qui donne des origines au plus mystérieux de tous les méchants : le Joker. Je ne spoilerai pas les lecteurs VF en donnant plus de détails, mais disons que pour moi, l’intérêt principal du Joker c’est qu’on ignore pourquoi il est comme ça, pourquoi il est obsédé par Batman, s’il est fou ou non… Même si l’idée qu’ils ont trouvée est intéressante, pour moi ça a cassé l’énigme et donc remis le personnage au même rang que les autres Bat-vilains. Et ça, c’est plus que décevant. Sinon, je n’ai pas besoin de vous expliquer pourquoi le film Catwoman avec Halle Berry a ruiné le personnage, n’est-ce pas ? Heureusement que les performances de Michelle Pfeiffer et d’Anne Hathaway ont rattrapé ce faux pas…

2. Le Bouffon Vert

L’ennemi de Spider-Man était une énigme lors de sa création. Le dessinateur Steve Ditko qui l’a co-créé avec Stan Lee, n’avait rien révélé de son origine : on ne savait même pas si c’était un humain ! Steve Ditko voulait d’ailleurs lui donner une origine surnaturelle et en faire un équivalent d’un démon sans donner trop de détails, mais Stan Lee tenait à l’époque à établir une tradition que l’on peut qualifier de ton « soap opéra » chez Marvel. Il cherchait les retournements de situation à tout prix, des histoires familiales de préférence. Ditko a refusé de se soumettre à ces directives et est parti en claquant la porte ! John Romita Senior est donc arrivé et a créé rapidement le personnage de Normal Osborn pour satisfaire au besoin d’une origin story basée sur la famille d’un des personnages de la série… Entre un démon et le père du meilleur ami du héros, que choisiriez-vous ? Oui, je pense que le Bouffon Vert a perdu de sa superbe avec le départ de Ditko. Le dieu Stan Lee n’a pas fait que du bien voyez-vous !

3. Sentry

Sentry est un personnage que j’ai beaucoup de mal à qualifier d’autre chose que bizarre. Créé pour être une sorte d’équivalent de Superman chez Marvel, il a vu ses origines de complexifier au fur et à mesure de la publication de ses aventures. Lorsqu’il est apparu, Marvel le présente comme un personnage qui existe depuis aussi longtemps que les autres mais que tout le monde a oublié. Même son créateur Stan Lee l’aurait oublié. Okay… Par la suite, on rajoute qu’il est en fait un humain drogué avec une double personnalité qui a pris un super-sérum du même genre que celui de Captain America. J’imagine que c’était histoire de le rendre plus « humain », puisqu’il semblait presque invincible. Le pire arrive lorsqu’il combat un ennemi formidable, Void, qui se révèle être en fait lui-même, ou plutôt une partie de lui même : sa seconde personnalité en chair et en os, son côté négatif !

En rester au super-héros gentil mais mystérieux, ça aurait été pas mal, non ?

4. Donna Troy

Créée au moment où les comics étaient accusés de pervertir la jeunesse dans les années 50, Donna Troy était là pour montrer que Wonder Woman et les amazones n’étaient pas des lesbiennes comme les critiques l’affirmaient, mais une famille. Wonder Woman recueille une orpheline suite à un incendie, et l’emmène à Themyscira, où elle est élevée comme sa soeur. La technologie Amazone lui offre les même pouvoir que Wonder Woman, c’est là où elle adopte l’identité de Donna Troy. Plus tard, DC Comics décide de séparer Donna de Wonder Woman et change ses origines. Elle a maintenant été élevée par les Titans de la mythologie Grecque, qui lui ont donné des pouvoirs pour qu’elle devienne avec d’autres enfants, leur héritière. Elle change de nom pour devenir Troia. Par la suite, elle a finalement été un clone magique de Wonder Woman, créé par la sorcière Magala pour que Diana ait un autre enfant avec qui jouer ! Mais elle a vite été enlevée par un ennemi des amazones, qui l’a torturée pendant des années avant que Wonder Woman la sauve, la ramenant parmi les Amazones, où elle est reconnue comme la soeur de Diana, puisqu’elle a été créée à partir d’une partie de son âme. Elle suit sa soeur dans le monde des hommes et incarne Wonder Girl avant de devenir Donna Troy (ou Troia ? je perds le fil…). Elle avait complètement disparu depuis le reboot des New 52 en 2011, mais elle a fait sa réapparition dans une nouvelle version (pitié non…) dans un des derniers numéros parus aux Etats-Unis. Mais quel bordel les enfants. Pour être honnête, dès les premières apparitions, elle ne m’est jamais apparue comme autre chose qu’un clone un peu vain de Wonder Woman, un sidekick à oublier… Mais il n’y a qu’une seule Wonder Woman ! J’aurais voulu qu’on garde ce côté exceptionnel et qu’on laisse Donna dormir en paix dans les limbes des comics… Allez, avec de la chance, elle mourra bientôt ! (Pardon)

5. Wolverine : Les Origines

Wolverine est un personnage particulièrement intéressant, parce que lui-même ne sait pas d’où il vient ! Amnésique, il vit dans l’instant présent et son côté bestial est justifié par son manque de liens avec sa propre humanité, avec son histoire. Quelle idée casse-gueule que de lui faire recouvrer la mémoire ! Des années pour s’imaginer quels mystères on allait pouvoir découvrir sur Logan ! On ne peut qu’être déçu en lisant Wolverine : Les Origines, en 2006. Non que ce soit une mauvaise histoire, mais ce n’est juste pas à la hauteur de la hype qui entoure Logan depuis des dizaines d’années… Comment, Logan n’est qu’un homme ? Il a pris tellement d’épaisseur à force de survoler les X-Men en terme de popularité, qu’on le voyait comme surnaturel. Et non : un jour il fut un gamin chétif, James Howlett, un bourgeois en chemise à froufrous… Lors d’une tragédie, ses griffes sortent et il quitte son cocon pour se confronter à la vie. Bref, on s’attendait à de l’exceptionnel, mais ça reste très classique. Ce n’est pas mauvais, mais c’était juste mieux dans nos rêves…

Vous l’aurez compris, j’en ai un peu assez qu’on change sans arrêt les histoires des personnages pour ruiner ce qui fait leur intérêt principal. Pour s’identifier à un héros, il faut qu’il nous ressemble un peu, certes, mais il faut qu’il reste un peu d’obscurité et de vides dans le récit pour qu’on puisse y trouver notre place, non ? Pour les comics, c’est presque une partie de leur ADN maintenant, mais j’ai encore l’espoir que ça se passe différemment au cinéma. Sous entendu : Warner, DC, pitié ne ruinez pas ma Justice League adorée !!