Bilado est facteur. Scrupuleux, il fait son travail avec beaucoup de sérieux et mène une vie tranquille. Le courrier à acheminer se fait plus rare depuis l’apparition des mails. Mais entre les publicités et les courriers administratifs se cachent encore quelques correspondances qui l’interpellent. Bilado a un gros défaut. Il a une telle curiosité qu’il ne peut s’empêcher d’ouvrir le courrier qu’il doit distribuer et de se délecter du contenu. Ainsi, il ouvre les enveloppes à la vapeur et les referme minutieusement après avoir lu les lettres. Une correspondance le trouble particulièrement, celle d’un échange entre la très jolie Ségolène, guadeloupéenne, et Gaston, un homme instruit un peu fou.
Et le facteur indiscret découvre les poèmes magnifiques et les haïkus que la belle ilienne envoie à son amoureux. À travers ces échanges épistolaires, Bilado est bouleversé et nourrit le rêve de séduire cette belle poétesse virtuelle. Comment séduire une belle dame de lettres quand on est un simple facteur un peu démuni et peu instruit. Alors il se rend régulièrement à la bibliothèque et tombe sous le charme de ces petits poèmes japonais, qu’il dévore avec beaucoup d’enthousiasme.
Puis le drame… Gaston se fait renverser par un camion. Bilado décide d’endosser les habits littéraires du défunt lettré et va tout tenter pour séduire la belle poétesse.
Un roman insolite, saugrenu où l’absurde jouxte avec la poésie. L’auteur nous emmène d’un bout à l’autre du récit en usant et abusant d’une sorte de suspens larvé et l’on se laisse porter sans vraiment savoir où l’on va, où est la vérité jusqu’aux dernières pages qui nous oppriment, nous envoûtent pour nous délivrer enfin.
L’histoire a un petit air de déjà vu mais les clichés sont subtilement évités, la plume très belle, poétique et le style enlevé virevolte. Et dans ce balai de mots, l’auteur joue avec notre patience pour nous récompenser enfin dans les derniers mots de son récit.
J’ai apprécié ce roman surréaliste, où dans chaque ligne s’immiscent la noirceur, une sorte de cruauté aussi, mais je n’en garderai pas un souvenir inoubliable…
Le facteur émotif par Denis Thériault, éd. Anne Carrière
Date de parution : 30/04/2015