Frangine - Marion Brunet *****

Par Philisine Cave
Pages 196-197
« Et quand elle baise, votre mère, elle fait l'homme ou la femme ? »
Pauline a tendu le bras devant moi pour m'arrêter net dans mon élan. C'est elle qui a parlé.
« - Et la tienne, elle est plutôt levrette ou sodomie ? »

Pauline découvre le lycée. Elle a quinze ans, la vie devant elle, beaucoup d'amour à donner : elle en reçoit aussi.  Un nouvel établissement, des repères à refaire, un changement de statut à gérer (passer de grande troisième à petite seconde). Mais Pauline assez vite décline, ne veut plus manger, modifie la décoration de sa chambre, s'y réfugie trop souvent. Ses deux mères s'inquiètent, envoient leur fils Joachim à la rescousse (en avant des questions, à l'avant des problèmes), qui tient le secret imposé par la frangine. Jusqu'à ce que l'impossibilité de divulguer met en péril le moral des troupes.
Frangine est un livre jeunesse grandiose parce qu'il parle avec sensibilité et intelligence d'un foyer homoparental, de harcèlement scolaire, de la découverte de la sexualité, le burn-out, sans tabou, sans choquer. Marion Brunet y narre aussi l'acceptation familiale/ sociétale/ individuelle (ou non) de l'homosexualité (ici, féminine). 
Elle a choisi Joachim, le seul mâle dans ce foyer ultra féminin : avec ses mots de jeune adulte (il a 18 ans), il relate ses souvenirs d'enfance en compagnie de Maline et Julie (sa mère biologique), avant l'arrivée de la petite sœur, les réflexions subies par le couple parental, les histoires de famille (celles qui coupent, celles qui font mal, celles qui font avec, celles qui s'adaptent) et enfin ce présent scolaire et professionnel difficile. 
Tout est beau et touchant dans Frangine : de la paire particulière Maline-Julie, Marion Brunet atteint l'universalité. On n'y voit que l'amour, l'estime, la bienveillance, la parentalité, on oublie l'homosexualité. Il n'y a pas de famille idéale, il n'y a pas de meilleur parent, il y a juste des gens qui s'affranchissent des conventions, qui laissent parler leur cœur (parce que les conflits oxydent l'âme).  D'autres éprouvent plus de difficulté - avec les magnifiques personnages des quatre grand-parents  : chacun chemine à son rythme. Là encore, l'auteure ne trompe pas, ne se trompe pas.
Reste la jeune génération, en mouvement, en apprentissage, parfois en décalage, et surtout en recherche : elle a tout à gagner à lutter contre l'homophobie, à défendre le mariage homosexuel dont nous célébrons le deuxième anniversaire aujourd'hui, la tolérance, parce qu'elle représente l'avenir, le nôtre !   Éditions Sarbacane
âge conseillé (plutôt 14 ans parce qu'il est question aussi de première relation sexuelle)

à L. dont c'est l'anniversaire aujourd'hui.
et un de plus pour le challenge d'Asphodèle (prix Ados en colère 2015)

J'ai reçu ce SP grâce à l'opération La voie des Indés organisée par Libfly, en collaboration avec les éditions Sarbacane