Alors oui, ce roman phénomène vendu à 1,5 million d’exemplaires et couronné « livre de l’année » par l’Association des libraires américains est un best-seller en puissance. Un rouleau compresseur à la mécanique parfaitement huilée qui se dévore comme un feuilleton impossible à lâcher. La construction en micro-chapitres rend le récit addictif, comme le fait de suivre sans temps morts les trajectoires parallèles de ses deux personnages qui finiront par se croiser avant de s’éloigner à nouveau. C’est diablement efficace et il est évident que quiconque met le nez dans ce texte sera happé dès les premières lignes.
Après, qu’il ait décroché le Pulitzer 2015 avec un enthousiasme unanime de la presse et des professionnels du livre, j’avoue que cela m’interpelle un peu. Disons que j’attends plus de « littérature » d’un Pulitzer, plus de complexité (comme par exemple avec « Les foudroyés », récompensé en 2010). L’écriture est fluide mais simple, extrêmement simple. Certains passages frôlent le mélo (pour ceux qui l’ont lu, j’ai trouvé l’épisode de la petite Autrichienne assassinée vraiment « too much ») et le coté mécanique de la narration finit par devenir aussi répétitif que prévisible.
Finalement, c’est un grand roman tout public (et il n’y a rien de péjoratif là-dedans) et un formidable page turner. Mais je m’attendais à autre chose. J’avais apprécié la puissance et la maîtrise d’Anthony Doerr dans ses nouvelles (Le mur de mémoire), et le retrouver ici jouer dans un registre efficace mais un peu « facile » m’a dérouté. Maintenant, c’est une certitude, ce roman va connaître en librairie la belle carrière qu’il mérite, je m’en réjouis et je vous fiche mon billet que l’on n’a pas fini de voir cette jolie couverture avec la photo de St Malo sur les plages tout l’été.
Toute la lumière que nous ne pouvons voir d’Anthony Doerr. Albin Michel, 2015. 620 pages. 23,50 euros.