Mai…
Toits durs sous les soleils hauts – émergés d’avril.
Au jour les ventres humides des savanes – sexes bleus ouverts à juin venant.
Éclat d’ailes – refrains de gloire et d’amours en guerre.
Loin l’hiver – longs dimanches des villes blanches.
Débute la chasse au pissenlit
J’aime ces fleurs humbles aux feuilles délicieuses. Elles égaient les gazons trop verts de soleils soudains, qui chutent dans l’uniformité morne de nos arrière-cours.
Certains du quartier leur mènent une lutte impitoyable. Bombonne en main, ils les pulvérisent, les déracinent… En vain. Toujours, ils renaissent, poèmes joyeux et sages. Et franchiront l’été, jusqu’à devenir boules transparentes que disperseront les vents.
L’analyse tue
Les visions du monde qu’inspire la philosophie des Lumières, ne peuvent apaiser la soif de l’humain. Tout au plus concourt-elle à soutenir la pensée technico-industrielle ou la mise en forme légaliste d’une réflexion sociopolitique qui se voulait généreuse.
L’analyse tue par la dissection.
Placez les mots ici et là ; les couleurs ici et là ; les notes ici et là…
Le plus prenant tableau ne sera plus beauté parlante, mais taches colorées, lignes et volumes disloqués. De même pour la plus captivante musique. Hors la portée, notes et mesures deviennent bruits. La poésie fout le camp lorsqu’ergotent les littéraires et que s’agitent plumitivement barthiens et consorts.
Le feu n’est plus lorsqu’on sépare combustible et flamme.
La raison vaut pour l’utile et le convenable. Lorsqu’il s’agit d’esthétique, elle fait fuir ou crée l’érudition qui se complaît en circuit stérile et fermé.
La mare calme…
La mare est calme et silence. Repos du soir.
Bond d’un omble.
Clapotis brefs… L’eau se ride de cercles qui vont.
Surface étale.
Rien. Sauf une étoile qui se baigne — soie moirée des eaux tièdes.
Nulle nécrologie.
(PS : Réponse à quelqu’un qui me dit : « Quel poème pessimiste ! » Eh bien, non ! Il s’agit d’un poème d’espoir. L’omble sauteur n’a pas été réduit au néant. Il continue sa vie propre de poisson sous la surface, où l’œil humain ne le perçoit plus, rivé qu’il est aux épiphénomènes.)
L’auteur…
Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon du Livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Thomas K (Pleine Lune, 1998). Quatre de ses ouvrages en prose sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale (2003), Jakob, fils de Jakob (2004),Le truc de l’oncle Henry (2006) et Les Dames de l’Estuaire (2013). Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel (Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011). En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010). Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan, Chronique d’Euxémie et Cornes (Éd. du CRAM), et Le bal des dieux (Marcel Broquet) ; récemment il publiait un essai, Fantômes d’étoiles, chez ce même éditeur . On compte également plusieurs parutions chez Lanctôt Éditeur (Michel Brûlé), Pierre Tisseyre et JCL. De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue. Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche 1 et 2 (https://maykan.wordpress.com/).