L'écrivain national - Serge Joncour ***

Par Philisine Cave
Je vais être claire : je n'ai pas été emballée par ce roman. Certes, L'écrivain national présente une intrigue intéressante (l'immersion d'un auteur citadin dans un village paumé) mais j'ai trouvé le rythme de narration un chouïa longuet et le texte bavard : du coup, j'ai lâché prise avant de lâcher tout court ! (j'ai fini le roman en mode rapide : quatre lignes lues par page).

image captée sur le site de Libfly.com

À Donzières, la population est en effervescence : un écrivain débarque en résidence, pendant quatre semaines. À Donzières donc, un projet industriel menace la forêt environnante et un riche propriétaire terrien fait parler de lui en disparaissant. À Donzières encore, les langues se délient, tout le monde s'épie. À Donzières toujours, l'ambiance plombée par cette absence imposante et les suspicions qu'elle engendre, va mener l'écrivain dans la tourmente narrative.
L'écrivain national a souffert de la comparaison avec un autre livre L'invitation de Théo Ananissoh. Tous deux racontent l'investissement d'un artiste invité à résidence : ses nombreuses participations aux fêtes/festins locales/locaux (le maire soigne ses administrés pour s'assurer une réélection ou l'acceptation d'un projet foncier de grande envergure), à des ateliers d'écriture, à des rencontres littéraires en tout genre. Tous deux traduisent la vie à la campagne où les potins alimentent le quotidien, où chaque fait et geste est observé, mesuré, soupesé. Tous deux s'éloignent dans le traitement : l'un explore l'autofiction non nombriliste, l'autre tente le polar hitchockien ou chabrolien (comme le suggère la quatrième de couverture). Malgré cela, aucun des deux ne m'a convaincue, même si j'admets une préférence pour L'invitation
Je n'ai accroché ni avec le personnage principal, ni avec l'histoire de L'écrivain national : pourtant le pitch avait tout pour me plaire. Je pense que certains clichés véhiculés dans le livre (les fameux gendarmes un peu cons sur les bords, quand ce ne sont pas les villageois : le coup des livres comme pièce à conviction a été fatal) m'ont un peu atomisée. Je ne remets pas en cause la bonne foi de l'auteur : je pense même qu'il a scrupuleusement retranscrit son ressenti mais disons qu'aucun humain dans cette intrigue ne montre un visage avenant, alerte, sensible. Le narrateur n'en fait qu'à sa tête (respectant peu les horaires et donc peu les administrés largement à ses petits soins) et j'ai eu un mal à imaginer Dora autre qu'en exploratrice (oui, c'est inévitable lorsqu'on est mère de deux fillettes en âge d'adorer le personnage de dessin animé idéal pour débuter en anglais : des années de martèlement cérébral marquent inévitablement un prénom). Du coup, ce dernier a rendu l'héroïne obsolète. 
Je ne peux pas reprocher à Serge Joncour de savoir imposer une atmosphère, de la décrire : clairement, lorsqu'on referme L'écrivain national, il est évident qu'on a respiré Donzières. Mais voilà, j'ai besoin de ressentir quelque chose, d'éprouver de l'empathie pour au moins un protagoniste, de m'intéresser un minimum au devenir du disparu Commodore (qui m'a fait penser au corridor ou aux Comores, mais jamais au grade militaire : oui, mon esprit eut un mal fou à rester concentré), à la rigueur d'admirer l'écriture (là encore, je n'ai pas trouvé une phrase qui a fait tilt chez moi, qui m'a parlé). Bref, la rencontre n'a pas eu lieu. Lorsqu'on ouvre un bouquin, on sait si l'histoire passe ou pas. Entre moi et L'écrivain national, cela casse !
Éditions Flammarion
emprunté à la biblio
LC partagée avec Laure : voyons voir ce qu'elle en a pensé.
avis : Alex, ClaraCuné, Estelle Calim, l'Irrégulière, Sandrine, Ramettes, Eimelle, Bernhart
et un de plus pour le challenge d'Asphodèle (Prix 2015 des Deux Magots)