L’univers de Suzy Lee

Par Loulou Coco

En ce moment, je tombe sur beaucoup d’albums sans texte qui me font chavirer. Après celui de David Wiesner (Le monde englouti) – à zieuter par ici – et après la collection Histoires sans paroles – à consulter par là –, je vous présente un petit coup de coeur pour les albums sans texte de Suzy Lee. En réalité, elle ne fait pas que des albums sans texte et je vais d’ailleurs vous en montrer deux qui ont du texte. Mais c’est par le biais de ses albums sans texte que j’ai fait la connaissance de cette artiste, c’est donc par là que je vais commencer pour vous la présenter.

 

Suzy Lee naît et vit en Corée, à Séoul. Son univers graphique est tout à fait particulier. Même quand ses albums contiennent du texte, elle joue en permanence avec les ombres, les couleurs, les effets produits par la position des images. Ainsi, quand le texte est présent, ses albums peuvent se lire sans. On peut découvrir en parallèle deux histoires : celle du texte et celle des images. Avec en bonus une troisième histoire : celle formée par la combinaison du récit et des illustrations. C’est donc une vraie artiste en la matière, chacun de ses albums est un vrai petit chef d’œuvre. Laissez-moi vous en présenter quatre.

La vague, sorti chez Kaléidoscope en 2008

Une petite fille, partie en balade sur la plage avec sa maman, va s’adonner à un jeu avec la mer. Elle va tenter de dompter les vagues qui, sans cesse, viennent lui lécher les pieds puis repartent. Mais une vague ça ne se dompte pas. Elle fait ce qu’elle veut, et peut vous mouiller de la tête au pied si bon lui semble.

Cet album sans texte est celui qui m’a fait découvrir l’univers de Suzy Lee il y a quelques années. Les illustrations (pastel, aquarelle ou gouache, et peut-être fusain, il semblerait) sont d’une force inouïe. Uniquement du bleu et du noir et pourtant on n’a pas l’impression d’être en bichromie tellement l’image nous parle, tellement le paysage est complet. Le tout dessiné d’une façon parfois un peu brouillonne, mais qui représente parfaitement bien l’univers de la mer. Ce côté brouillon ne gêne pas non plus les représentations de la petite fille et ses émotions sont très bien retranscrites. Une petite histoire simple, magnifiée par le trait de crayon de Suzy Lee, qui convient à tous les types de lecteurs.

Ombres, paru chez Kaléidoscope en 2010

Une petite fille part en excursion dans son grenier et son imagination va la mener à jouer avec les ombres de son corps et des objets qui l’entourent, sous la seule ampoule qui se trouve là.

Cet album sans texte est également d’une grande originalité. Déjà dans son format : il ne s’ouvre pas classiquement, mais vers le haut. On retrouve ainsi la petite fille dans son grenier sur la page du haut et les jeux d’ombres qu’elle effectue sur celle du bas. Puis, au fil du temps, les deux pages vont se mélanger, comme si le jeu devenait réalité ou le monde réel jeu d’ombres lui-même. Encore une fois un trait brouillon et deux couleurs (jaune et noir pour cet album) pour retracer des émotions merveilleuses. Un album fort sur l’imagination débordante des enfants et le peu de chose qu’il leur faut pour se créer un monde tout entier, un univers à part rien qu’à eux.

Zoo sans animaux, publié chez Actes Sud Junior en 2008

Une petite fille et ses parents visitent un zoo. Mais c’est un endroit terne, où l’on n’aperçoit même pas les animaux. Au milieu de la visite les parents prennent peur ; leur petite fille a disparu ! Cette chipie n’est pas bien loin : son imagination la mène à percevoir tous les animaux dans leurs milieux naturels.

Sous l’aspect d’un album rigolo au départ, le message de ce livre n’en est pas moins fort. Les contrastes des couleurs, les expressions des personnages, les différences entre les doubles pages avec et sans animaux… tout cela est frappant. Suzy Lee dénonce ici, à mots couverts, l’enfermement des animaux dans les zoos, la tristesse qui en résulte, alors qu’ils s’épanouissent tellement dans leurs environnements respectifs. Et encore une fois, c’est grâce à l’imagination d’un petit brin de fillette, que le message est si fort et si prenant.

Ouvre ce petit livre, sorti chez Kaléidoscope en janvier 2013

Suzy Lee n’est que l’illustratrice sur ce projet, l’auteure est Jesse Klausmeier. Mais le monde dans lequel nous emmène l’histoire et la façon de développer le livre est tellement proche de l’originalité dont fait preuve habituellement Suzy Lee dans ses propres concepts, que je peux en parler ici.

Cet album est d’une originalité exquise. Nous sommes entre la mise en abyme et le concept des matriochkas. A chaque page, l’enfant doit soulever la couverture d’un livre, qui l’amènera à découvrir un nouveau livre dont il devra soulever la couverture… et ainsi de suite. Nous n’avons donc pas affaire à un récit à proprement parler. Ni à un livre-jeu, ce ne sont pas des activités. Mais ce petit livre gigogne est une véritable invitation, voir initiation à l’amour des livres et à la découverte du plaisir que le simple fait de soulever la couverture d’un univers inconnu peut procurer. On retrouve tout de même à chaque double page divers petits personnages, puisque chaque livre a un propriétaire ! On peut donc s’aventurer à imaginer quelles sont les lectures de chacun de ces personnages. Mais que peut bien lire un ours ? Et une coccinelle ? 

En revanche, dans cet album on ne reconnaît pas le style graphique de Suzy Lee, celui que j’ai tant aimé dans les précédents. Le trait de crayon est différent, mais très bien approprié à cet album. Moins brouillon, mais pourtant moins réaliste. Les couleurs sont plus vives. On ne retrouve pas les jeux dans les illustrations comme pour ses albums personnels. C’est tout de même un album à retenir !

 

Suzy Lee est donc une artiste à découvrir absolument. Ses albums correspondent à tous les âges, permettent aux plus petits de grandir et aux plus âgés de garder leur âme d’enfant.

 

Si vous aimez Suzy Lee, voici le reste de ses oeuvres que l’on peut retrouver en France :

  • Miroir, paru au Rouergue en 2009
  • L’oiseau noir, chez Lirabelle en 2007
  • Les petits peintres nus, aux éditions Sarbacane en 2005 (écrit par Seung-Yeoun Moon)
  • La revanche des lapins, publié par La Joie de Lire en 2003

 

Bonnes lectures les loulous !