Le retour des djihadistes : Aux racines de l'État islamique - Patrick Cockburn

Le 10 juin 2014, l'État islamique de l'Irak et du Levant (l'EILL), dirigé par le sunnite Abu Bakr al Baghdaoui, prend la capitale nord de l'Irak, Mossoul. 350000 soldats de l'armée irakienne contre 1300 combattants du côté des insurgés. C'est l'une des plus grandes débâcles militaires de tous les temps. Et une date cruciale qui marque la fin d'une période commencée avec la mort de Saddam Hussein en 2003.
Cet événement est un véritable choc pour l'Occident qui n'a rien vu venir. D'abord parce que la plupart des observateurs occidentaux ont dû quitter la région et parce que la " guerre contre la terreur " s'était focalisée essentiellement sur Al Qaeda, trop longtemps considérée comme une organisation unique et structurée et non comme la " base " d'où ont émergé une pluralité de groupes armés. Ces combattants ont rallié dans la région l'Etat islamique de l'Irak et du Levant qui contrôle maintenant le nord et l'ouest de l'Irak et le nord et l'est de la Syrie. Soit un état de la taille de l'Angleterre ou du Michigan.

, élu pour mettre fin aux aventures militaires extérieures, se retrouve, comme ses trois prédécesseurs, à la tête d'une nouvelle coalition internationale et renvoie son aviation bombarder la Mésopotamie.
Cette Coalition est encore plus hétéroclite et bancale que tout ce que l'on a vu auparavant. Les Saoudiens et les monarchies du Golfe, parrains idéologiques et financiers des djihadistes, ont soudain pris peur à leur tour devant la créature de Frankenstein qu'ils ont contribué à créer.

Avis

Cet essai nous parle de cette surprise générale qui a été dévoilée le 10 Juin 2014, une surprise plutôt mal accueillie : l'EIIL est créé, un état islamique établi en partie sur le territoire irakien et syrien. Une aberration qui prend ses sources au sein de plusieurs conflits dans la région. Un califat est mis en place par le chef de ces troupes militaires sur-motivées: Abou Baqr Al-Baghdadi, celui-ci énonce que l'Irak n'appartient pas aux irakiens et que la Syrie n'appartient pas non plus au syriens, la terre "confisquée" appartient à Allah.

Il est donc question tout d'abord d'expliquer comment un tel état a pu voir le jour, par quels moyens et à quelle occasion, mais également Il y eu tout d'abord la guerre d'Afghanistan et l'aide que les Etats-Unis ont apportés aux talibans pour lutter contre l'Union soviétique ; puis la guerre en Irak, notamment la deuxième qui a échauffé les esprits sunnites face aux chiites et aux kurdes, à partir de là un islam radical va se développer. L'autre point qui a fini de tout faire basculer et qui est devenu au final un vrai problème : la Syrie, apportant son " aide " à la branche démocratique l'Occident a au bout du compte permis aux djihadistes présents sur le territoire de s'emparer des cargaisons d'armes. comment ce groupe armé de seulement quelques hommes a pu si vite gonfler ses rangs et les armer.
Mieux armés et bien mieux préparés aussi le futur EIIL a pu continuer son ascension.

En dépit de ces mesures de sécurité controversées, les mouvements contre lesquels elles ont été prises n'ont pas été vaincus, mais sont au contraire devenus plus puissants encore. Au moment du 11 septembre, al-Qaida n'était qu'une petite organisation généralement sans grande efficacité; en 2014, les groupes du type d'al-Qaida ont gagné en importance et en capacité. Autrement dit, la "guerre contre le terrorisme", dont la conduite a bouleversé le paysage politique de la majeure partie du monde depuis 2001, a échoué de façon éclatante.
Personne ne s'en est vraiment soucié jusqu'à la chute de Mossoul.

Pourquoi une telle montée en puissance ? Patrick Cockburn nous donne comme point de départ de son explication l'Irak et sa discrimination envers les arabes sunnites qui représentaient alors qu'une petite portion de la population, l'opportunité pour l'EIIL de monter en puissance humaine grâce au soutien de cette communauté sunnite puis matérielle et territoriale ; et la corruption a fait le reste.

Beaucoup d'Arabes sunnites en ont conclu que la seule solution réaliste à leur disposition est un conflit violent livré selon des critères de plus en plus religieux. Autrement dit, ils considèrent que leur meilleure chance de survie, et même de victoire dans la lutte pour le pouvoir en Irak, est de combattre en tant que sunnites contre l'hégémonie chiite.

Le conflit syrien n'a fait qu'amplifier un mouvement déjà bien organisé, les manifestations pacifiques contre le gouvernement Assad se sont transformées en conflit entre sunnites et alaouites, puis militaire où aucun compromis n'est possible, une guerre de religion où tous les coups sont permis.
La haine et la peur sont trop fortes pour prendre le risque de faire des concessions.

Un autre pays a pris une place importante dans l'essor de cet Etat islamique, l'Arabie Saoudite, avec son financement aux rebelles syriens et sa propagande wahhabite qui a permis à nombre de combattants saoudiens de gonfler les rangs de l'EIIL.

L'auteur nous donne les clés pour comprendre ce qui se joue actuellement au Moyen-Orient, les pions et le chemin suivi par l'EIIL, le rôle joué par certains pays et par les médias mais surtout par les canaux d'informations. Les réseaux sociaux et Youtube ont pris une importance énorme lors du printemps arabe mais ont malheureusement aussi servis à la propagande djihadiste amplifiant ainsi sa portée.
" La moitié du djihad se déroule dans les médias. " est l'un des slogans postés sur un site djihadiste

Toutefois ce qui fait peur c'est le manque total d'analyse de la situation de la part des dirigeants mondiaux jugeant mal l'impact des rébellions sunnites en Irak et en Syrie et en choisissant de fermer les yeux sur l'origine de l'aide financière aux combattants extrémistes.
Même si cet essai ne comprend que 170 pages il fourmille d'informations, ce condensé permet d'y voir plus clair et de comprendre les enjeux de ce conflit au Moyen-Orient.