Si j'avais à qualifier la journaliste-romancière espagnole
Rosa Montero, l'adjectif qui me viendrait à l'esprit serait
mutine. Parce que ce qui ressort de cet essai est la malice, l'espièglerie et la fine intelligence de son auteure.
Thérèse d'Avila affirmait que «
L'imagination est la folle du logis. »,
Rosa Montero en est la garante !
image captée sur le site Libfly.com
Il est difficile de résumer cet ouvrage, de le classifier aussi :
Rosa Montero a délibérément choisi de le décataloguer. Riche de ses nombreuses lectures, elle discourt sur la vie et l’œuvre de quelques écrivains classiques, règle les comptes des rumeurs établies (j'ai bien apprécié la mise en lumière de Madame Tolstoï, épouse d'un mari un brin manipulé par un charlatan), décrit la manière/technique de concevoir, la vanité des uns, la douce névrose des autres. Mais là où elle surprend le plus, reste dans son art tout personnel de narrer sa vie. Combien de fois je me suis exclamée «
Non mais, elle débloque, la Rosa ! », juste avant de comprendre le procédé. Alors oui,
La Folle du Logis est un essai intéressant, enrichissant sur les créateurs littéraires, suffisamment nourrie de références bibliographiques (la culture de l'Espagnole me semble immense) mais j'ai aussi apprécié son honnêteté et sa franchise, son côté cash et son esprit épris de liberté.
Elle vit et a vécu comme bon lui semblait : ses souvenirs personnels juxtaposent l'universel et la grande Histoire : sa jeunesse fut imprégnée par l'époque franquiste, la jeune adulte vécut à fond la Movida. D'elle, on ne cernera peu de choses, ou du moins juste ce qu'elle a souhaité laisser entrevoir. Jamais elle ne se regarde écrire, elle pense comme elle respire, elle atteint le vrai sans le chercher. Ce qui fait que ses mots chantent, gardent leur fraîcheur, deviennent des belles pensées et ne s'oublient pas.
La Folle du Logis est un récit hybride, exemplaire : une pincée d'essai, un zeste d'autofiction, une pointe de surprise, jamais de narcissisme. C'est l'hommage d'une grande dame à la littérature et à ses petites fourmis ouvrières, à lire absolument.
D'elle
«
On se trouve au seuil même de la création et des trames admirables, des
romans immenses éclatent dans nos têtes, baleines grandioses qui ne
laissent voir que l’éclair de leur dos mouillé ou plutôt des fragments
de ce dos, des parcelles de cette baleine, des miettes de perfection
laissant deviner l’insupportable beauté de l’animal tout entier ; mais
ensuite, avant d’avoir pu faire un geste, avant d’avoir été capable de
calculer son volume et sa forme, de comprendre le sens de son regard
perçant, la bête prodigieuse plonge au fond de l’eau et le monde reste
paisible et sourd et terriblement vide. »
Traduction réussie de Bertile Hausberg
Éditions Métailié
Livre gagné à un concours organisé par Miss Léo pour son blog anniv : j'ai beaucoup de chance !
autres avis : Miss Léo, Mango, Keisha, Clarabel, Dominique,...
et mon unique participation au
mois espagnol initié par Sharon et qui se termine aujourd'hui (ouf, j'ai eu chaud ! ) et un de plus pour le défi d'Asphodèle (
Prix Saint Emilion Pommerol Fronsac en 2006.)