La balade de Yaya

Par Loulou Coco

La balade de Yaya, de Jean-Marie Omont (scénario) et Golo Zhao (illustrations), paru aux éditions Fei.

Chine 1937. Les Japonais entrent dans Shanghai et poussent à l’exode des milliers de Chinois. Au cœur de ce chaos, deux enfants vont se lier d’amitié alors que tout semblait les séparer. Yaya est la fille d’un riche commerçant et rêve de devenir pianiste. Elle est accompagnée en permanence de Pipo, son oiseau (et narrateur de l’histoire), avec qui elle peut communiquer. Tuduo est un gamin des rues, orphelin et exploité par un homme horrible, Zhu. Alors que son père lui enjoint de ne pas aller à son concours de piano, car la famille doit quitter la ville, Yaya n’en fait qu’à sa tête et décide tout de même de s’y rendre. Malheureusement, c’est au même moment que les premiers bombardements commencent. Yaya se retrouve piégée dans une maison détruite. Tuduo arrive et la sauve. A cet instant, Zhu passe par là, récupère les deux enfants et compte bien exploiter cette jolie jeune fille…

Voici le résumé du tome 1 de La balade de Yaya : La fugue. Une bande dessinée au style asiatique. Une histoire pour la jeunesse, tout aussi prenante pour les adultes. Un cycle de 9 bandes dessinées, ré-éditées en trois volumes. Ce sont ces derniers que j’ai achetés et c’est donc sous ce format que je vous les présente aujourd’hui. Le dernier tome intégral (qui achève également le cycle) est paru à la fin du mois de mai 2015. C’est un véritable coup de cœur pour moi et je suis finalement ravie d’avoir découvert ce récit tardivement et d’avoir pu lire tous les tomes à la suite.



Tout d’abord, une petite présentation de la maison d’édition, car elle vaut le détour. Petit résumé, pris directement sur le site de la maison en question :

« Créées en 2009 par XU Ge Fei, une jeune Chinoise passionnée par la culture de son pays d’origine et celle de la France, les Éditions Fei ont pour but de faire découvrir aux lecteurs occidentaux les créateurs de bandes dessinées chinoises trop longtemps méconnus par le public.

Conscientes que la principale gageure du passage d’une culture à l’autre réside dans la qualité de la traduction et de l’adaptation, les Éditions Fei privilégient une étroite collaboration entre scénaristes et graphistes chinois et occidentaux en amont de la création.

Les Éditions Fei proposent des œuvres originales et inédites dans le respect et le soutien aux artistes chinois qui peuvent exprimer leur talent, tout en franchissant plus aisément la barrière culturelle. »

Dans La balade de Yaya, nous avons donc affaire à un récit qui prend racine dans un événement réel qui a secoué toute la Chine il y a maintenant presque 80 ans. Un récit complétement fictif, mais qui émeut de part l’époque choisie pour son placement. Destinée à des enfants d’une dizaine d’année, cette bande dessinée est pourtant tout aussi intéressante pour un adulte grâce au contexte de la guerre et la prise en compte de faits réels. L’horreur de cette guerre est dévoilée à demi-mot pour ne pas choquer les jeunes lecteurs, mais le récit montre tout de même la réalité.

Ces derniers temps, on met énormément en avant le devoir de mémoire sur la Seconde Guerre mondiale en Europe. La balade de Yaya m’a plu car cela permet de montrer aux enfants que cette guerre a touché aussi profondément d’autres pays et d’une façon parfois différente ; sujet qui n’est pas forcément abordé comme il se devrait à l’école. Les éditions Fei et ce cycle en particulier sont donc une bonne approche pour les enfants curieux de ce qui peut se passer à l’extérieur de l’Europe. Et pas seulement en Amérique, qui est la deuxième destination en ce qui concerne les choix littéraires des lecteurs. Parler un peu d’Asie, sans partir dans les clichés du manga fait donc beaucoup de bien.

 

D’ailleurs, c’est un deuxième point qui m’a séduite, cet aspect asiatique, sans tomber dans le cliché du manga, notamment au niveau du dessin. On retrouve un trait indéniablement typé des illustrations asiatiques, mais on est très loin de la représentation cliché du manga (à lire à l’envers et en noir et blanc par exemple). On retrouve ces grands yeux un peu ébahis, ces visages ronds, mais le tout colle à l’enfance et non au manga. J’ai beaucoup apprécié le trait de crayon net, les contours précis et la mise en couleurs qui met en valeur chaque élément. Une bande dessinée pensée pour les enfants en ce sens, et reposante pour les adultes qui ont souvent droit à des styles plus brouillons (et donc parfois difficiles à la lecture de l’image selon moi).

En ce qui concerne les illustrations, je ne peux pas me prononcer sur les couvertures des tomes séparés, mais celles des intégrales sont superbes. Simples, évocatrices, en rapport avec les trois tomes qui sont mis à l’intérieur, elles sont très bien pensées. Pas tape à l’œil, c’est pourtant cela qui m’a attirée à la librairie dans un premier temps.

Le récit est, quant à lui, très bien ficelé. Les nombreux rebondissements pourraient lasser au bout d’un moment, mais le tout est bien écrit et on est tellement attaché aux personnages que cela coule de source et ne gêne pas. D’ailleurs, la fin de chaque tome est bien pensée et laisse un suspens. Pour ceux qui ont suivi ce cycle lors de son écriture, l’attente entre chaque tome devait être haletante et vraiment sympathique.

Les caractères des deux personnages principaux sont bien définis et respectés jusqu’au bout de l’histoire et cela correspond bien à ce que l’on attend. Yaya est une petite princesse qui a toujours eu l’habitude que tout lui soit dû, ce qui complique parfois l’aventure, tandis que Tuduo est très débrouillard et c’est grâce à lui qu’ils se sortent de beaucoup de problèmes. On s’attache très vite aux deux personnages et on veut les voir réussir. Les autres personnages sont tous aussi intéressants. Même Zhu, vraiment odieux, nous interpelle dans le sens où on attend avec impatience qu’il lui arrive malheur.

J’ai également beaucoup apprécié la fin, qui est triste, mais probablement très proche de ce qu’ont vécu les Chinois après cette invasion des Japonais. Cela correspond à la réalité, et n’est pas forcément une fin heureuse et niaise, comme on a trop l’habitude de le faire pour les enfants.

 

Cependant, un point m’a chiffonnée. La narration par Pipo, l’oiseau, est très sympathique et permet d’avoir un autre point de vue. Par contre, quand on s’aperçoit que Yaya peut parler à tous les animaux on s’attend à ce que cela aille plus loin et que cela joue un rôle important dans la trame de l’histoire, or ce n’est pas du tout le cas. Dommage, cela aurait pu être exploité, alors que cela devient un détail inutile.

(Attention, spoil des derniers tomes, dans ce paragraphe uniquement) Un autre point qui m’a fait tiquer c’est le fait de passer 7 tomes à espérer que les parents de Yaya soient à Hong Kong, puis finalement non, ils n’ont jamais bougé de Shanghai. On s’attend à ce que son voyage de retour soit aussi périlleux et long, mais ce n’est pas le cas (2 tomes). On se demande donc comment cela se fait que le voyage ait été aussi long la première fois. C’est un peu décevant.

    

Il n’en reste pas moins que c’est un petit bijou de par ses illustrations, son récit et sa plongée dans la Seconde Guerre mondiale d’un autre point de vue que ce que nous connaissons en Europe.

Cette bande dessinée a conquis plus de 100 00 lecteurs et a d’ailleurs reçu de nombreux prix et été sélectionnée pour de nombreux autres.

Lauréat pour :

  • Livrentête 2012, bande dessinée 8-11 ans
  • Prix Millepages 2012, jeunesse – tout public
  • Jeunes lecteurs de la Nièvre 2012
  • Premier prix 2012 des collégiens Samariens
  • Prix Bulles en fureur 2012

Sélectionné pour :

  • Prix Bnac BD 2013
  • Prix des écoles d’Angoulême 2012
  • Meilleur 1er album 2012 des lycéens Picards
  • Prix Mangamado 2012 Meilleur manga

 

Le récap’ :

Points positifs :

  • Une nouvelle façon de découvrir la Seconde Guerre mondiale ; comment, hors de l’Europe, cela a été vécu.
  • Des illustrations superbes.
  • Des personnages attachants, très différents les uns des autres et qui forment un tout très cohérent.
  • Abordable pour les enfants, mais tout à fait exploitable par des adultes.

Points négatifs :

  • Une mauvaise utilisation de la capacité qu’a Yaya de parler avec les animaux.
  • Une fin un peu trop rapide.

 

!!!!!! Pour les petits curieux, voici les résumés des autres tomes séparés. Spoils alerte !!!!!!

 

Tome 2 : La prisonnière

Yaya est enfermée par Zhu qui compte l’exploiter. Mais Tuduo décide de prendre son courage à deux mains et de sauver Yaya. Il s’échappe de sa geôle et part à la recherche des parents de Yaya pour qu’ils viennent la délivrer. Mais dans la demeure de Yaya il n’y a plus que sa vieille gouvernante. Les parents de Yaya se sont enfuis en bateau pour Hong Kong, pour sauver la maman qui était enceinte. La gouvernante vient tout de même sauver Yaya des griffes de Zhu. Dans leur fuite, les deux enfants parviennent à grimper à bord du camion d’un groupe d’artistes de cirque itinérant. La gouvernante, n’y arrivera pas et mourra. Zhu, hors de lui, décide de poursuivre les enfants.

C’est dans ce tome que Yaya prend conscience qu’elle a le don de parler à tous les animaux et pas seulement à Pipo.

Tome 3 : Le cirque

Tuduo a décidé de rester avec Yaya et de l’accompagner jusqu’à Hong Kong pour retrouver ses parents. Les deux enfants sont donc partis pour une longue aventure qui les fera traverser une Chine en guerre. Pour le moment, ils restent avec les gens du cirque qui sont très gentils avec eux et acceptent de les avancer le plus possible, même s’ils ne vont pas à Hong Kong. Malheureusement, un problème mécanique avec le camion, oblige toute la troupe à rester immobile dans une auberge pendant plusieurs jours. Yaya, mécontente et n’en faisant qu’à sa tête, décide d’emprunter une barque pour rejoindre Hong Kong par le fleuve qui passe non loin. Tuduo la suit. Mais la barque qu’elle veut emprunter appartient à un homme roublard. Quand il voit les diamants qu’elle lui propose niaisement en échange, il assomme les enfants, les fait partir à la dérive dans le fond de la barque et s’empare du sac de diamants.

Pendant ce temps, Zhu a retrouvé la trace des enfants et tente de les suivre.

Tome 4 : L’île
Tuduo et Yaya arrivent sur une île qui semble déserte. Yaya aperçoit de la fumée sur une autre petite île en face. Tuduo ne sachant pas nager, reste sur l’île sur laquelle ils ont échoué, mais Yaya rejoint l’autre île. Malheureusement, le feu n’était pas de bon augure. Elle tombe sur une paire de brigands qui cultivent des huîtres pour les perles. Ils obligent Yaya à travailler pour eux. Une autre prisonnière, Chan, s’évade le lendemain avec Yaya. Elles retrouvent Tuduo sur l’autre île, mais celui-ci a attrapé la dengue et est très faible. A trois, ils repartent tout de même à l’aventure dans leur petite barque.

Zhu les pourchasse encore, mais a toujours un train de retard.

Tome 5 : La promesse

En revenant sur le continent, Chan conduit Tuduo dans un hôpital de guerre pour le faire soigner. Mais ils doivent vite repartir car ils ont la chance d’avoir un bateau qui va les rapprocher de Hong Kong. Dans le même temps, Zhu retrouve un autre orphelin (dans l’hôpital où se trouve Tuduo) qu’il maltraitait et lui annonce qu’il l’abandonne puisque maintenant il est amputé et qu’il ne pourra plus lui être utile.

Arrivé à bon port, Chan drogue Tuduo sans que Yaya s’en aperçoive, puis emmène la petite fille en promenade. En réalité, elle se rend dans la maison où sa propre fille, Zhan, est prisonnière et compte l’échanger contre Yaya. Cette dernière comprend le manège et s’enfuit. Dans sa course, elle ne se rend pas compte qu’elle court droit vers une chute d’eau gigantesque. Malgré le danger, elle saute.

Zhu, après avoir délaissé l’orphelin à l’hôpital, est reparti à la recherche de Yaya.

Tome 6 : Perdue

Quand Yaya se réveille elle ne se souvient plus de rien. Un renard l’a transportée dans son terrier et l’hiver arrive. Yaya va vivre un certain temps terrée dans le trou du renard à tenter de se rappeler les derniers évènements.

Dans le même temps, Tuduo a été rapatrié dans un orphelinat. Où il retrouve le petit garçon amputé. A deux, il s’enfuient de l’orphelinat et vont tenter de retrouver Yaya. Mais l’hiver venant, ils se retrouvent également coincés par la neige et doivent se réfugier dans une cabane quelque temps.

De son côté, Zhu s’est cassé une cheville en poursuivant Yaya. Il est recueilli par une famille qui le soigne. Lorsqu’il est rétabli, il les prend en otage, décide de rester un temps avec eux et d’en faire ses esclaves. Un jour, en sortant se promener, Zhu tombe sur Yaya. Elle ne se souvient plus de lui, ne fuit donc pas et elle lui demande même de l’aider à retrouver ses parents.

Tome 7 : Le piège

Zhu emmène Yaya auprès de la famille qui l’a recueilli et qu’il menace désormais. Mais les Japonais arrivent. Zhu s’enfuit avec Yaya, laissant la famille se faire tuer. Par des moyens retors, il réussit à avoir des billets de train pour Hong Kong et part donc avec Yaya, dans l’espoir d’obtenir une rançon auprès de la famille, contre la petite fille. Arrivés à Hong Kong, ils se rendent chez l’oncle de Yaya. Mais des voisins leur annoncent que jamais les parents de Yaya ne sont arrivés ici et que justement l’oncle Chen est parti à leur recherche à Shanghai. Après un si long et périlleux voyage, Yaya doit se rendre à l’évidence, ses parents n’ont jamais bougé de Shanghai. Elle monte à bord d’un cargo avec Zhu, retour dans sa ville d’origine.

Au même moment, Tuduo et l’autre orphelin sont toujours à la recherche de Yaya. Ils retrouvent sa trace dans la cabane, mais les indices la laissent pour morte. Abattu, Tuduo décide tout de même de partir à la recherche des parents de Yaya pour leur expliquer ce qui s’est passé (et espère secrètement qu’ils voudront bien de lui et de son petit frère). Il trouve alors un Français qui accepte d’emmener les deux garçons en avion à Hong Kong. Tuduo arrive juste après Yaya chez l’oncle Chen et apprend lui aussi que les parents de la petite fille ne sont jamais venus. Il poursuit sa recherche de Yaya.

Tome 8 : Le retour

Lors de la traversée en bateau Yaya ne résiste pas à l’envie de jouer du piano, dans la salle de réception des 1ère classe. Le fait de jouer le morceau qui lui rappelle sa mère fait remonter tous ses souvenirs à la surface. Elle se rappelle toutes ses aventures et surtout que Zhu n’est pas bienveillant. Elle tente de fuir son emprise, mais il l’enferme dans une cale. Pipo arrive à sa rescousse et lui fournit la clef pour s’échapper. Zhu la poursuit sur le pont, mais une tempête fait rage. Il est éjecté du bateau. Yaya, s’en sort et reste tapie dans un coin jusqu’à ce que le bateau accoste à Shanghai. A son arrivée dans la ville, elle ne peut pas rejoindre sa maison, car un barrage a été posé par les Japonais. Mais un ami de la famille, Chang la prend sous son aile et la ramène chez elle. Elle apprend que son oncle Chen est toujours à la recherche de ses parents car ils sont portés disparus depuis le début de l’histoire.

On s’aperçoit également que Zhu n’est pas tombé dans l’eau, mais s’est retrouvé dans une barque de sauvetage. A son arrivée à Shanghai il suit donc Yaya et Chang jusqu’à la demeure familiale.

De son côté, Tuduo prend le train pour Shanghai après avoir volé de l’argent pour pouvoir acheter les billets. L’autre orphelin décide de rester à Hong Kong.

Tome 9 : La sonate

Arrivé à Shanghai, Tuduo passe au couvent récupérer Xiao, son petit frère. Puis il se rend à la maison de Yaya où nos deux héros sont heureux de se retrouver. Pour l’occasion, Yaya joue son morceau de musique et Xiao adore : c’est son morceau de musique préféré. En pleine nuit, Yaya prend conscience que si Xiao connaît ce morceau de musique c’est qu’il connaît sa mère. Il lui dit donc que c’est dans les ruines de la ville qu’il a entendu ce morceau. Yaya y court et y retrouve sa mère dans un lamentable état ; elle ne sait plus parler correctement et a l’air hagard.

Pendant ce temps, à la maison, Zhu, qui s’y est infiltré, prend Xiao en otage et menace de le faire souffrir si Chang ne lui donne pas des diamants. Tuduo ne se laisse pas faire et s’engage alors une course poursuite sur les toits. Au final, Zhu arrive à s’enfuir avec un gros diamant, mais Xiao et Tuduo sont saufs.

Yaya et sa mère reviennent à la maison. Xiao et Tuduo sont adoptés par la famille. La maman de Yaya se remet doucement de son traumatisme pendant que Chang et Chen cherche le papa de Yaya, toujours porté disparu.

 

Bonne lecture les loulous !