L’apparence, c’est le papier brillant et le joli nœud rouge en bolduc qui cachent le cadeau tout pourri sous le sapin. Dire qu’il y a des bonnes mères de famille qui font la queue pendant des heures dans les grands magasins pour acheter du papier doré hors de prix, qui passent leur dernier week-end de l’année (et leurs nerfs sur leur mari) à emballer sans faire de faux plis, quand, au petit matin du vingt-cinq décembre, il ne faudra que trois secondes et demie à leurs sales mômes pour faire la misère aux paquets, au sapin, au salon et à leurs bonnes intentions. Dire qu’il y a des meufs qui squattent tous les matins la salle de bain pendant des plombes pour ressembler aux jolies filles plaquées sur papier glacé, en priant leur Dieu Photoshop. Dire qu’il y a des mecs qui enfilent un costume rouge, un bonnet à pompon, une longue barbe blanche en espérant que les jolies filles s’assoient un soir sur leurs genoux et leur dévoilent la liste de leurs envies. Le monde a buggué le jour où il a décidé d’élire une meuf « miss d’un pays » en regardant l’emballage plutôt que ce qui ce cachait sous sa caboche un peu trop symétrique. Et le problème, c’est que depuis, on se prend tous pour des paquets cadeaux alors qu’on est juste des sales mômes en puissance qui rêvent de leur faire la misère.
L’enfance, mon Jacques, ça finit le jour où tu commences à compter le nombre de calories dans ton chocolat chaud, où t’arrêtes de dessiner des petits bonshommes sur les vitres embuées parce que ça salit, où tu ne prends plus le temps d’ouvrir tous ces paquets qui brillent sous le sapin. L’enfance, ça finit le jour où tu te rends compte que tu ne pourras jamais plus dire « papa » et que maman pleure sous le sapin, où le monde se met à voler toutes les étoiles du ciel pour les mettre dans ses rues et qu’il les appelle « lumières de Noël », où le Père Noël bande sous son costume quand tu t’assois sur ses genoux. C’est fou, tout ce qu’on peut cacher derrière un sourire. De la gêne, des bleus aux genoux, du désir, de la colère et des larmes. Du dégoût, des envies de te serrer contre moi, des vergetures et un flingue. C’est fou, comme le monde est con et qu’il se laisser berner. C’est fou, comme le monde s’en fout, et qu’il te laisser chialer toutes les larmes de ton corps sur le canapé. Parce que ça ira mieux demain, et que demain y’a une promo sur les lieux communs. L’enfance, ça finit le jour où tu laisses tes cheveux longs à Barbie, que tu te prends pour un petit bonhomme même si tu fais dans ton froc. Les couilles, au moins, on ne leur demande pas d’être belles.
Il y a des mecs qui pensent et qui, donc, ils sont. Il y a des meufs qui paraissent et qui suivent le troupeau sans broncher. Et vice et versa, tu sais, le Père Noël c’est rien qu’une ordure et t’as oublié de sortir la poubelle jaune. Il y a des repas de famille qui finissent toujours mal parce que tonton boit un peu trop et qu’il y a toujours un inconscient pour parler politique ou religion. Il y a des repas de famille qui se passent toujours trop bien parce qu’autour de la table des grands on est tous de bons élèves qui ont appris par cœur les codes d’une vie où les verres ne débordent jamais. Il y a tant de guerres que des sourires qui ne croient plus au Père Noël ont su éviter. Mais qui étaient là, malgré tout. Au milieu des toasts au foie gras, de la dinde aux marrons et des éclats de voix. Au milieu des bûches glacées, des cerises à l’eau-de-vie et des contes qui ne finissent plus par « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». Il n’y aura aucun sale môme au petit matin sous notre sapin, il n’y aura même pas de sapin dans notre salon. Mais quand tu me montres ta gueule qui déborde de toi, j’ai envie de croire au Père Noël, de lui écrire une lettre au stylo-plume, avec des cœurs et des sourires dans la marge ; et les aiguilles du sapin, tu sais, je m’en bats le mascara qui coule.
Notice biographique
Myriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture. C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle. Récemment, elle a créé un blogue Un peu d’on mais sans œufs, où elle dévoile sa vision du monde à travers ses mots – oscillant entre prose et poésie – et quelques croquis, au ton humoristique, dans lesquels elle met en scène des tranches de vie : http://blogmaestitia.xawaxx.org/