Bon, comme d'hab, dès qu'il s'agit
d'un coup de cœur littéraire, les mots se barrent vite fait, histoire de ne pas être inscrits ici, parce qu'ils savent bien que rien, absolument
rien ne pourra retranscrire le ressenti, l'éblouissement, la complétude
de Le principe. Ici, aucune incertitude de ma part : ce court roman est un chef d’œuvre !
Je reste épatée par cette corrélation du fond et de la forme : l'ombre de la seconde guerre mondiale qui plane et engloutit la majeure partie de la carrière du scientifique allemand, l'écriture allongée de phrases mélodieuses et vaporeuses qui suggèrent et interprètent ce qui fut ou pas, l'interrogation légitime sur ces scientifiques qui ont travaillé pour les nazis, qui sont restés en Allemagne pour continuer leurs recherches sur des réacteurs nucléaires (futures armes de destruction massive), l'innocence de ces génies intellectuels à ne pas projeter l'utilisation frauduleuse et macabre de leurs inventions, à construire des ilôts de stabilité dans le pays de la Mort concentrationnaire, à pleurer Hiroshima (parce que les Américains ont devancé l'appel en réussissant scientifiquement une bombe atomique) ou ses habitants (parce qu'une démocratie s'abaisse à répondre à un régime totalitaire par un massacre à grande échelle, parce que la Mort a définitivement gagné, parce que la noirceur humaine dépasse les frontières).
Jérôme Ferrari fait parler les ombres donc, exprime l'incertitude dans tous les domaines : scientifique (avec la physique quantique et Heisenberg), humaine (avec la fin de la guerre et la distinction entre les collabos et les résistants, ceux qui sont restés affamés de recherche coûte que coûte, sans état d'âme et les autres -les futurs suicidaires en cas de découverte détournée), financière avec la crise des subprimes en 2008 qui a assuré la banqueroute de grands organismes bancaires (d'ailleurs, il est toujours intéressant de redécouvrir le volte-face des libéraux devant l'État panseur des magouilles boursières : cela me ferait sourire si cela ne coûtait pas un rond à la collectivité, malheureusement ce n'est pas le cas).
Dans Le principe donc, pas de principe, plus de règle tenue : la dictature (politique ou économique) génère un désordre des consciences, bouleverse l'ordre moral établi. Le temps ne se mesure plus, tout va vite. C'est aussi cela, le fil conducteur de ce roman : ce ne sont pas les découvertes scientifiques qui sont meurtrières, c'est que ce que l'Homme en fait qui le devient.
Éditions Actes Sud
Rentrée littéraire 2014
LC avec Comète, Geronimo et Hélène
autres avis : Dominique, Clara, Alex, Papillon, Cuné,
et un de plus pour le non-challenge de Galinette (mon tout premier : yeah !!!!) et pour le défi de Piplo
image captée sur le site Libfly.com
Jérôme Ferrari profite de cet écrit pour retracer la carrière, des instantanés de la vie du physicien-mathématicien allemand Warner Heisenberg. Érigé entre quatre parties (positions, vitesse, énergie et temps : quatre quantités continuellement mesurées, scrutées en physique quantique, en physique tout court), ce roman se lit d'une traite. Je rassure de suite les « j'aime pas les maths » et les « j'ai jamais rien compris à la physique » : pas besoin d'être un as dans ces domaines pour lire et apprécier Le principe ! Jérôme Ferrari ne rentre pas dans les détails scientifiques. Il explique par deux fois le principe d'incertitude : celui compris par le narrateur mal informé (et qui va se planter à un oral par manque de concentration et d'efforts) et celui expliqué par la belle examinatrice (fatiguée et légèrement énervée par tant de médiocrité, surtout lorsque celle-ci est liée à une paresse intellectuelle). Donc, un bon point pour Jérôme : il ne largue personne et rallie tout le monde, et en particulier les littéraires ! Et, pourquoi donc ? Eh bien, il suffit de humer la prose du monsieur.Je reste épatée par cette corrélation du fond et de la forme : l'ombre de la seconde guerre mondiale qui plane et engloutit la majeure partie de la carrière du scientifique allemand, l'écriture allongée de phrases mélodieuses et vaporeuses qui suggèrent et interprètent ce qui fut ou pas, l'interrogation légitime sur ces scientifiques qui ont travaillé pour les nazis, qui sont restés en Allemagne pour continuer leurs recherches sur des réacteurs nucléaires (futures armes de destruction massive), l'innocence de ces génies intellectuels à ne pas projeter l'utilisation frauduleuse et macabre de leurs inventions, à construire des ilôts de stabilité dans le pays de la Mort concentrationnaire, à pleurer Hiroshima (parce que les Américains ont devancé l'appel en réussissant scientifiquement une bombe atomique) ou ses habitants (parce qu'une démocratie s'abaisse à répondre à un régime totalitaire par un massacre à grande échelle, parce que la Mort a définitivement gagné, parce que la noirceur humaine dépasse les frontières).
Jérôme Ferrari fait parler les ombres donc, exprime l'incertitude dans tous les domaines : scientifique (avec la physique quantique et Heisenberg), humaine (avec la fin de la guerre et la distinction entre les collabos et les résistants, ceux qui sont restés affamés de recherche coûte que coûte, sans état d'âme et les autres -les futurs suicidaires en cas de découverte détournée), financière avec la crise des subprimes en 2008 qui a assuré la banqueroute de grands organismes bancaires (d'ailleurs, il est toujours intéressant de redécouvrir le volte-face des libéraux devant l'État panseur des magouilles boursières : cela me ferait sourire si cela ne coûtait pas un rond à la collectivité, malheureusement ce n'est pas le cas).
Dans Le principe donc, pas de principe, plus de règle tenue : la dictature (politique ou économique) génère un désordre des consciences, bouleverse l'ordre moral établi. Le temps ne se mesure plus, tout va vite. C'est aussi cela, le fil conducteur de ce roman : ce ne sont pas les découvertes scientifiques qui sont meurtrières, c'est que ce que l'Homme en fait qui le devient.
Éditions Actes Sud
Rentrée littéraire 2014
LC avec Comète, Geronimo et Hélène
autres avis : Dominique, Clara, Alex, Papillon, Cuné,
et un de plus pour le non-challenge de Galinette (mon tout premier : yeah !!!!) et pour le défi de Piplo