Une troublante identité, Rosamond Smith (Joyce Carol Oates) - Un contre fantastique très noir

Une troublante identité, Rosamond Smith (Joyce Carol Oates) - Un contre fantastique très noir
Petite lecture rapide d'un Joyce Carol Oates sous pseudo (Rosamond Smith), qui risque de me faire mentir sur mon enthouiasme post-Mystères de Winterthurn.
"Tristram, un peu abasourdi, déambulait tout en pensant : Ils me prennent pour quelqu'un d'autre ... et ce quelqu'un d'autre ouvre une voie large et profonde dans le monde." Par suite d'une vague ressemblance, Tristram Heade, vieux garçon sans grande consistance en déplacement à Philadelphie, est confondu avec Angus T. Markham, un dandy doté d'une aura nettement supérieure. Ses dénégations sont sans effet, et la méprise s'installe. Petit à petit séduit par le personnage, Tristram se laisse habiter par le personnage, engageant dès lors un dangereux glissement d'identité.
Le malaise s'accentue lorsqu'une jeune femme superbe, Fleur Grunwald, débarque nuitamment dans sa chambre d'hôtel, et quémande son aide pour échapper à l'emprise d'un mari pervers et violent, Otto Grunwald, que Tristram prend immédiatement la résolution d'éliminer. Mais les choses se compliquent car Fleur souffre elle-même d'un étonnant trouble de la personnalité(avec un double, Zoé, plutôt perturbé), et Otto Grunwald est en revanche délicieusement cordial et amical. Tristram, fou de passion, est dès lors entraîné malgré lui, dans un jeu des plus malsains.
Expérience décidément déroutante que ce conte à la Horla, placé sous le signe de l'étrangeté. La thématique des doubles est séduisante, de même que les personnages, un poil grossiers mais tendant vers un côté "lynchien" (le privé miteux, l'antiquaire arnaqueur remplacé du jour au lendemain par un taxidermiste, le collectionneur d'yeux de verre), de même que l'ambiance poisseuse de cauchemar dans laquelle baigne l'intrigue, plutôt réussie.
Pourtant, il reste comme un malaise, comme un décalage, qui m'empêchent d'adhérer complètement. Si certains aspects rappellent la trilogie gothique de Oates, on est quand même bien loin de l'épaisseur de Bellefleur ou des Mystères de Winterthurn. Sans doute n'est-ce pas l'objectif de Rosamond Smith, qui paraît faire plus dans la légèreté que son brillant alias ... trop, peut-être. Pas totalement convaincant à mes yeux, donc.