Titre et auteur : Les Héritiers de la mine
Maison d'édition : Denoël
Date de publication : 4 mai 2015
Nb pages : 224
Résumé :
Eux, c'est la tribu Cardinal. Ils n'ont peur de rien ni de personne. Ils ont l'étoffe des héros... et leur fragilité.Les héritiers de la mine est un roman formidable, bouleversant et réellement saisissant.Notre famille est l'émerveillement de ma vie et mon plus grand succès de conversation. Nous n'avons rien en commun avec personne, nous nous sommes bâtis avec notre propre souffle, nous sommes essentiels à nous-mêmes, uniques et dissonants, les seuls de notre espèce. Les petites vies qui ont papillonné autour s'y sont brûlé les ailes. Pas méchants, mais nous montrons les dents. Ça détalait quand une bande de Cardinal décidait de faire sa place.
- Mais combien étiez-vous donc ?
La question appelle le prodige et je ne sais pas si j'arrive à dissimuler ma fierté quand je les vois répéter en choeur, ahuris et stupides :
- Vingt et un ? Vingt et un enfants ?
Les autres questions arrivent aussitôt, toujours les mêmes, ou à peu près : comment nous faisions pour les repas, comment nous parvenions à nous loger, comment c'était à Noël, à la rentrée des classes, à l'arrivée d'un nouveau bébé, et votre mère, elle n'était pas épuisée par tous ces bébés ?
Alors je raconte...
Le mot qui me vient à l'esprit après avoir terminé cette histoire est " douloureux ". Il nous offre une immersion dans une immense souffrance morale, presque palpable.
Il est question ici du récit d'une famille de 21 enfants, les terreurs de Norco, un village minier. Au début du récit, tous sont réunis pour la première fois depuis des années et les souvenirs surgissent.
La narration est très intéressante puisqu'à chaque " chapitre ", même s'il n'y a pas de numéro, on change de personnage. Au fur et à mesure, on découvre les membres de cette énorme fratrie, certains plus que d'autres. Au cœur de cette famille qui se fuit désormais, il y a un drame tapi, un drame que personne ne veut déterrer.
Il est passionnant de découvrir à chaque alternance de narration les souvenirs de chacun. Tous représentent une mémoire unique avec des sentiments propres que les autres ne peuvent s'imaginer. On perçoit la souffrance des uns, les lacunes des autres. Chaque membre de la famille s'apparente à une pièce de puzzle qu'il faudrait assembler avec les autres pour reconstituer une fresque tragique.
Cette narration nous permet de comparer ce que tel personnage sait contrairement aux autres, ou à l'inverse, les connaissances communes de certains. De plus, la relation qui les lie à leurs parents est ambiguë. Je me suis ainsi passionnée pour chaque souvenir précis que chaque membre chérit précautionneusement. Il n'est question pour rien au monde de dévoiler une infime part du souvenir unique que chacun conserve d'un moment précieux avec un des parents.
Si je n'ai mis que quatre étoiles alors que je suis pourtant sciée par la magie de ce roman, c'est parce que le début est difficile à saisir. Comprenez-bien, s'immerger dans un village minier avec 21 enfants qui ont tous un prénom et un surnom, saisir la psychologie de chacun, comprendre qui parle à chaque chapitre (ça n'est pas écrit) n'est pas aisé. Toute cette mise en route a été un peu laborieuse mais ça en valait définitivement le coup.
Si le récit est fabuleux, il le doit certainement à son thème et ses personnages mais principalement à la qualité de l'écriture de Jocelyne Saucier. C'est tellement bien écrit ! Chaque phrase se savoure. Les mots sont durs, poignants, fermes. Chaque phrase s'abat comme une sentence. La douleur s'évapore de l'histoire, des personnages, des mots. Tout est véritablement impressionnant.
, Les héritiers de la mine est un roman dur qui transcrit de manière parfaite un drame familial. La plume de l'auteure est à couper le souffle et les personnages sont tous dépeints avec un réalisme prodigieux. Un roman que je recommande ardemment.
J'ai désormais envie de découvrir Il pleuvait des oiseaux de Jocelyne Saucier.