Yil Editions est une petite structure éditoriale qui ne paye pas de mine mais pourtant, sur son site, la liste des auteurs est considérable. La raison ? Un fonctionnement différent des maisons d’éditions classiques. Son fondateur, Yanouch (Yannick Bunel) va nous en dire plus.
Bulle d’Encre : Bonjour Yannick. Avant de parler de la Yanouch Industries Lourdes plus en détail, pouvez-vous vous présenter ?
Yanouch : Bonjour. Je suis auteur de la série BD « Entre-Monde » commencée fin 2008 et dont le premier tome est paru en 2010. Refusé par tous les éditeurs consultés, le projet a pourtant reçu de bonnes critiques d’auteurs aguerris (Casa, Tardi) comme étant tout à fait publiable. Donc j’ai porté ce projet en auto-édition jusqu’en 2012 date de création de la YIL, qui porte un nom ironique et assumé puisque je n’avais que le produit des ventes de ma BD pour lancer l’activité.
BDE : Sur quoi repose ce principe d’édition fédérative ? Et surtout, d’où vient ce besoin de proposer autre chose que le circuit classique ?
Y : Le besoin est de pouvoir donner « une chance » à des auteurs qui n’en n’ont aucune dans le monde industriel, nous basons notre fonctionnement sur la vertu et pas sur le profit. Nous sommes un éditeur à compte d’éditeur prenant en charge l’édition, l’impression, la distribution. La diffusion qui est le fait de montrer l’album et d’enregistrer des ventes est fédérée à 80 % au sein de notre réseau d’auteur. Nos auteurs sont donc aussi nos principaux « commerciaux ».
BDE : Ce fonctionnement suscite aussi quelques critiques, vous reprochant notamment de prendre tous les projets refusés ailleurs…
Y : Tout a fait, mais nous assumons ce choix car nous partons du principe que c’est au lecteur de sélectionner, pas à l’éditeur. Du coup nous n’avons pas franchement de ligne éditoriale, nous
acceptons tous les projets ayant un minimum qualitatif selon nos seuls critères.
BDE : Vous n’avez pas votre langue dans votre poche et dernièrement, sur les réseaux sociaux, vous avez interpellé un auteur (sans le citer) qui n’avait visiblement pas compris la philosophie de votre maison d’éditions. Ces rappels sont-ils fréquents ? Et nécessaires ?
Y : Oui ces actions sont même indispensables à mon sens. Nous signons des projets sans franchement connaître le profils des auteurs, il y a parfois quelques soucis avec cette façon dématérialisée de faire puisqu’il n’y a pas à franchement parler de sélection sur les auteurs.
Donc l’auteur qui ne voit en arrivant chez YIL qu’un moyen pratique d’avoir un livre en oubliant qu’il en est avant tout le diffuseur principale à tendance à crier au scandale assez vite ! Notre réponse publique permet en partie d’annihiler cette faille dans notre concept, nous apportons une image qui va déplaire et donc éloigner les auteurs qui ne correspondent pas à notre philosophie, ces interventions choquantes et pourtant tout à fait sincères sont donc une sorte de « moyen de sélection » pour nous. Nous partons du principe que les personnes intelligentes souhaiterons en savoir plus et ne s’arrêteront pas à Facebook.
Nous n’intervenons pas de façon aussi musclée tous les jours, je vous rassure, mais nous le faisons lorsque le taux interne de mécontentement atteint un certain niveau qui pourrait gêner notre développement.
BDE : D’autres auteurs, publiés chez des éditeurs plus classiques, ont également du mal à intégrer ce fonctionnement, le jugeant justement trop désavantageux pour l’auteur. Qu’en est-il réellement ?
Y : Ces auteurs recherchent avant tout une sécurité bien légitime et ils n’aiment pas qu’on remette en cause leur habitudes même si elles sont devenues inconfortables (quand bien même elles
auraient été un jour « confortables ») ils partent du principe que le schéma actuel va perdurer…
A mon sens ils se trompent et nous en avons encore la preuve avec l’affaire Soleil récemment. Bien sur, le monde du livre est ce qu’il est et il ne va pas disparaître demain, et
tout ça va durer encore peut-être une décennie par effet d’inertie en se dégradant fortement chaque jour un peu plus. Notre job, au sein du staff YIL, c’est de développer une structure résiliente à ce constat, nous ne pouvons donc pas définir les choses comme les autres.
Pour le moment notre fonctionnement convient bien à un auteur qui souhaite une source de revenu complémentaire, mais surtout qui veut avoir un livre cartonné professionnel et rejoindre un réseau développé pour ne pas se retrouver « seul dans son coin ». Aujourd’hui, nos droits d’auteurs sont les plus hauts du marché mais pour un volume de vente encore faible, et ce même s’il augmente rapidement car il suit celui de notre notoriété. Demain, nous rémunérerons en plus les auteurs « à la planche » en prépublication dans un mensuel qui devrait sortir cet été. Quand nous en serons là (ce qui était le cas pour tout éditeur jusqu’au début des années 80) et nous allons y arriver très vite, je pense que les avances sur droit qui chez nous sont simulés via des pré-ventes deviendront obsolètes, et aucun auteur « professionnel » ne pourra plus dire que nous somme un « éditeur désavantageux ».
BDE : Est-ce que les autres acteurs de la chaîne du livre, diffuseurs et libraires en tête, jouent le jeu ?
Y : Nous travaillons avec le distributeur régional Coopbreizh depuis le début de l’année pour certain titres de notre catalogue en Bretagne, Nous travaillons avec plus d’une centaine de libraires partout en France pour les dédicaces de nos auteurs en boutique ou en festivals, et en particulier avec les espaces culturels Leclerc pour le déploiement de notre catalogue dans leurs fonds ; mais nous ne sommes pas franchement encore inséré dans la chaîne du livre, il faut savoir que des accords commerciaux en édition sont longs à définir surtout lorsque l’on a une démarche à contre courant.
BDE : Et que nous réserve la YIL pour les prochaines années ?
Y : Sans doute son propre réseau de librairies (nous en avons déjà deux Le Juch et Rodez qui ne proposent que notre catalogue, la troisième librairie YIL est en construction), une présence sur Internet avec une plateforme conséquente pour l’essor du livre numérique YIL, et puis plusieurs centaines de titres au catalogue voir quelques milliers, puisque ces livres restent disponibles durant toute la durée de notre collaboration avec l’auteur.
Merci pour vos questions.
Interview réalisée par Anthony Roux le 20 mai 2015
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