Conversion, de Katherine Howe, paru chez Albin Michel en 2015
« Aujourd’hui, tu vas dans une librairie, mais tu n’achèteras pas de livres ! ». A répéter 15 fois devant son miroir avant de se rendre dans la fameuse librairie. Mouaif, bon ben on repassera pour l’essai d’auto-persuasion… J’ai finalement craqué pour deux livres, dont celui que je vous présente aujourd’hui : Conversion de Katherine Howe. Mis bien en avant, dans les nouveautés de début d’année 2015 (même si on en est déjà presque à la moitié). Une couverture simple, avec cet oiseau jaune vif sur fond terne et un titre pas forcément plus attirant que cela. Mais le résumé m’intrigue, d’autant plus qu’il est précisé au dos du livre que l’auteure est la descendante d’une célèbre sorcière de Salem. Petit plus : j’ai tendance en ce moment à lire beaucoup de romans ou de bandes dessinées qui sont des cycles ou séries, ce qui oblige à dépenser beaucoup d’argent (ou à attendre que la personne ayant emprunté le tome suivant le lise – en médiathèque – ou à attendre que l’auteur l’écrive) ; or Conversion est un livre sans suite, ce qui fera du bien à mon portefeuille et mon cerveau, me suis-je dis. Petit compte rendu :
Colleen est une lycéenne tout ce qu’il y a de plus normale. Elle est en dernière année à St Joan, établissement prestigieux de Danvers. Elle a un super groupe de copines composé de Deena, Emma et Anjali. Toutes quatre en sont au dernier semestre et attendent les réponses pour les universités dans lesquelles elles souhaitent étudier l’année suivante. La dernière ligne droite commence après les vacances de Noël. Les filles font comme si de rien n’était, mais elles sont toutes sous pression avec les examens de fin d’année et l’attente des réponses sur leurs dossiers scolaires. Le jour de la rentrée, les quatre amies se retrouvent en cours de catéchisme. Tout se passe comme d’habitude, jusqu’à ce qu’une élève populaire, Clara, fasse une crise. Mais une crise de quoi ? Elle se tord dans tous les sens et convulse. Une crise d’épilepsie ? Sur le moment, on ne le sait pas. Elle est rapidement emmenée par l’infirmière. Plus tard dans la journée, dans un autre cours que seule suit Emma, une autre fille tombe malade. Une amie proche de la première victime. Ce ne sont pas les mêmes symptômes et la jeune malade est emportée par une ambulance. Ce serait donc plus grave… Colleen et ses amies se font du souci pour les filles de leur classe qui sont tombées malade, mais sans plus au début. Puis, au cours des semaines suivantes, d’autres filles se retrouvent avec des symptômes étranges. La panique s’empare de l’école et des institutions qui la dirigent, des parents, et bientôt cela fait les choux gras des médias. La petite ville de Danvers devient le centre d’attention de tout le pays. Certains parents retirent leurs enfants de l’école. Plusieurs théories sont élaborées sur la cause de ce phénomène étrange. Colleen et ses amies sont épargnées pendant un bon moment. Jusqu’à ce qu’Anjali tombe elle aussi malade…
En parallèle de cette histoire de maladie étrange, on suit la vie à peu près normale des lycéennes à St Joan. Leur relation avec certains garçons, leurs retrouvailles dans des cafés le soir, leurs cours… On suit plus particulièrement le cours d’Histoire Américaine auquel Colleen est inscrite. En ce dernier semestre, les filles étudient la pièce Sorcières de Salem d’Arthur Miller. Avec une nouvelle professeure, Ms Slater, car leur professeur habituel, Mr Michell, est absent, sans qu’elles sachent pourquoi. Colleen a lu la pièce, mais n’y décèle rien de particulier. Jusqu’à ce que, pour rattraper des points de retard, Ms Slater lui propose de faire une rédaction approfondie sur la pièce. Elle la reprend donc, mais avec un nouveau regard. Colleen commence à s’apercevoir qu’il y a des points communs entre le procès des sorcières de Salem décrit par l’auteur et les évènements étranges qui sont en train de se dérouler dans son lycée. De plus, après quelques recherches, il apparaît que Danvers n’est autre que le nouveau nom de l’ancien emplacement où se trouvait jadis le village de Salem…
Entre la version que clament les autorités sur une mystérieuse maladie que l’on contracte lorsque l’on est trop sous pression et la version de Colleen qui se demande si l’une de ses amies n’est pas responsable, où se trouve le juste milieu ? Et si l’on pouvait rapprocher les événements de la fin des années 1600 à ce qui se passe à St Joan en 2012 ?
Ce qu’il faut savoir sur cette histoire, c’est qu’elle est tirée de faits réels. En 2012, dans le lycée Le Roy à New York, 16 jeunes filles ont déclaré des symptômes mystérieux. Des investigations ont été menées et le tout a duré plusieurs semaines. Je ne vous dirai pas ce qui en est ressorti, puisque le récit qui nous intéresse ici finit quasiment de la même façon que l’histoire vraie. Katherine Howe, passionnée d’Histoire de la sorcellerie, a suivi ce qui s’est passé à New York et a recoupé sa passion avec ce fait réel pour écrire Conversion.
C’est un des premiers points qui m’a plu dans ce roman, le fait que ce soit tiré de faits réels. Bon, en revanche, le fait que Katherine Howe soit descendante d’une des sorcières de Salem c’est un pur argument de vente.
Par contre, en ce qui concerne les sorcières de Salem, le deuxième point qui m’a plus dans ce livre, c’est l’alternance des chapitres entre 1706 et 2012. En effet, ce que j’ai résumé ci-dessus est la plus grosse partie du livre, mais en réalité certains chapitres nous transportent 300 ans en arrière pour nous donner des explications sur les procès qui ont été menés à Salem. En 1706, Ann Putnam, une jeune femme (entre 25 et 30 ans) vient se confesser au révérend de sa paroisse sur des faits qui se sont produits en 1692. A cette époque, plusieurs femmes ont été déclarées comme pratiquant la sorcellerie et ont été pendues. Mais les personnes qui les ont accusées n’étaient pas forcément honnêtes et Ann Putnam est l’une d’elle. Elle vient aujourd’hui se confesser, car cela devient trop lourd pour son âme. A travers quelques chapitres on entend donc la confession d’Ann. Confession qui permet d’apercevoir un pan de l’Histoire Américaine ce qui est plaisant, mais qui permet également d’éclairer certains passages du récit, notamment dans le comportement des jeunes filles en 2012.
Ce sont donc des chapitres très prenants également.
Là où j’aurais quelques reproches à faire, c’est dans l’écriture. J’ai parfois eu un peu de mal avec des passages un peu biscornus. Je ne sais pas du tout si cela est dû à la traduction ou si dans la version originale c’est pareil, mais j’avais l’impression, notamment dans les dialogues, que l’on passait du coq à l’âne sans prévenir. Certains dialogues étaient même difficilement compréhensibles dans leur logique, surtout au début du livre.
De plus, les résolutions viennent très tardivement. Aux trois quarts du livre, on ne sait pas encore du tout qu’il y a une correspondance entre les deux évènements de 2012 et 1692. Enfin, on s’en doute, mais on ne voit pas encore le rapprochement à faire et j’ai trouvé cela un peu embêtant. On se dit « bon j’ai compris qu’il va y avoir un rapprochement, mais là ça commence à faire long, je voudrais qu’on m’explique ». De plus, à ce même stade il n’y a toujours pas de concordance explicite avec la sorcellerie. Le tout traîne en longueur. Ce qui fait que la fin paraît un peu bâclée. En trois-quatre chapitres, on nous dévoile tout, on comprend tout, et c’est fini.
En réalité, je trouve le résumé un peu trompeur. On s’attend à plus de faits fantastiques, irréels, alors que les choses restent très terre à terre. Ce n’est pas ce côté terre à terre qui m’a dérangée, ça j’ai bien aimé, cela me change de mes lectures du moment ; ce qui est gênant c’est cette quatrième de couverture trompeuse.
En revanche, la première de couverture est très bien pensée je trouve. Tout au long de la lecture on se demande pourquoi le titre est Conversion et quel est cet oiseau jaune, qu’est-ce qu’il représente par rapport à l’histoire. On ne comprendra ces choix qu’après plus de la moitié du livre et j’adore ça ! Quand le titre n’est pas une évidence qui nous révèle tout dès le début et que la représentation de couverture ne nous gâche pas le côté imagination. Je ne vous révèle évidemment pas ce que cela signifie et vous laisse le plaisir de la découverte si vous le lisez !
Sinon, le tout est tout de même relativement bien ficelé. Colleen est attachante, on peut facilement s’y identifier. Ses trois copines ont des caractères différents, ce qui laisse le choix pour l’identification, si Colleen ne convient pas.
En arrière plan, il y a une petite histoire d’amour (voir plusieurs), mais ce n’est absolument pas niais et cela ne prend pas toute la place dans le récit. Ce n’est qu’en annexe de l’histoire principale, pour donner un peu de piment et donner une autre ligne au récit, mais ce n’est pas fleur bleue et ne dégoûte donc pas quand on veut juste lire tranquillement une histoire sans bisous-câlins. Pas gênant du tout, cela ajoute juste à la réalité du quotidien d’une jeune fille en Terminale.
J’ai également beaucoup apprécié le côté journal intime. Le livre n’est absolument pas présenté comme tel, on ne retrouve pas de mention « Cher journal », mais la narration fait tout à fait penser à cela. Ce n’est pas seulement Colleen qui raconte, on perçoit vraiment son point de vue comme une introspection. La narration est portée comme un journal intime, sans pour autant y faire mention directement. J’ai trouvé ce style très approprié à l’histoire et très plaisant à la lecture.
Malgré le fait que ce soit tiré de faits réels, l’histoire n’est pas plate et il y a plusieurs rebondissements, notamment vers la fin. Que ce soit sur la vie quotidienne des jeunes filles ou sur la maladie mystère, ce qui met du suspens et permet de ne pas s’ennuyer ou de trouver le tout trop gnangnan.
Sans pouvoir vous en dévoiler plus, même si j’ai trouvé la fin un peu bâclée, j’ai tout de même adoré le parti qu’a prise l’auteure de laisser planer le doute sur cette mystérieuse maladie et surtout la conversation qu’a Colleen avec la mère d’Emma (voilà, comme ça je vous donne bien envie !).
Conversion est donc un roman actuel, qui mêle histoire vraie, dans notre monde réel, et faits mystérieux, que l’on rapproche du paranormal. Un roman qui peut plaire à un très large public, autant en âge, qu’en sexe ou en genre de lecture.
Le récap’ :
Points positifs :
- Un très bon mélange entre le paranormal et le réel.
- Une façon ludique d’en apprendre plus sur les procès des sorcières de Salem.
- Des personnages attachants.
- Des rebondissements auxquels on ne s’attend vraiment pas, surtout vers la fin.
Points négatifs :
- De petits défauts d’écriture (ou de traduction) qui peuvent gêner, notamment sur les dialogues du début.
- Un début d’histoire qui traîne un peu trop en longueur.
- Une fin un peu trop rapide.
Bonne lecture les loulous !