Au mois de mai, Panini Comics a sorti le premier tome de Ghost Rider, la série revampée par Felipe Smith et Tradd Moore à l'occasion de All-New Marvel Now!. Cette aventure ne fait pas l'unanimité chez nous. Du coup... FIGHT !
Ghost Rider Tome 1
Panini Comics • Par Felipe Smith & Tradd Moore • €13.00
Un nouveau Ghost Rider fait son apparition à Los Angeles... au volant d'une voiture ! L'hôte de ce nouveau chevaucheur fantôme est Robbie Rayes, un latino qui vit dans un quartier où règnent la violence des gangs et les trafics de drogue. Après avoir découvert ses pouvoirs, il décide de les utiliser pour combattre la pègre...
Critique par Noisybear
Je me rappelle, lorsque j'étais adolescent/jeune adulte, mes goûts étaient souvent dénigrés par mes aînés ; la "musique bruyante" et saturée avec des musiciens "sans look", les films qui ne valent pas les chef d'oeuvre d’antan, etc. La Génération MTV, ils appelaient ça - ou Génération X- celle sans repère qui, pour nos parents, représentaient la décadence de la société. Le nom se basait sur le fait que MTV était un symbole de notre génération pour l'imagerie et imposait un ton très différent de ce qui se faisait avant. Les Enfants du Rock avait des animateurs qui parlaient vite avec un montage plus rapide et des images étranges. MTV avait entre chaque clip des pauses avec des bonhommes étranges vivant des histoires débiles. On coupait les programme d'un cut sec suivi de neige et d'un son blanc au volume très élevé. Toute cette imagerie a su conditionner des influences visuelles, un son que ça soit dans la pop ou le metal, une manière de s'habiller et des codes sociétaux.
Pourquoi vous ai-je écrit tout ça ? Parce que la génération qui succède à la Génération MTV n'est autre que celle qui arrive à l'âge adulte. Une génération que je qualifierais de Télé Réalité. Ce n'est pas péjoratif, il est indéniable que Loft Story et Koh Lanta ont autant influencé les jeunes [oh putain, je parle comme un vieux con] comme MTV a pu le faire à mon époque. Les codes visuels ont changé également et forcément la manière de raconter les choses. Il suffit de voir un sketch des Nuls du début des 90's et une vidéo de Cyprien pour comprendre le gap entre les deux. Maintenant, les YouTubeurs font des cuts à outrance entre chaque phrase, les scénettes sont hyper courtes sinon le spectateur change d'onglet. Et forcément, cela influence d'autres médias. Die Hard 5 qui devrait être conçu pour les trentenaires a un montage hyper sec avec des plans courts et coupés par d'autres plus inutiles à la narration mais donnant un effet de clip moderne.
Eh bien, cette série Ghost Rider est, selon moi, l'une des répercussions de ce genre d'influences. Les cases s'enchaînent narrant une histoire sans grand intérêt mais qui privilégie le visuel. Tout va hyper vite. Un plan en plongée. Cut. La caméra s'est rapprochée sans sensation de travelling et avec l'action qui a semble avoir été accélérée. Cut. Ainsi de suite. Du coup, ça se lit vite mais c'est aussi mémorable que la dernière vidéo de Norman. Oserai-je comparer le Ghost Rider de Smith et Moore à Cyprien et Norman ? Ou, je crois que je le fais. En plus, les personnages sont clichés, les dialogues ont aussi cette recherche de la simplicité... Vous voyez ! On revient à Cyprien et Norman.
En plus, je reconnais la patte artistique du dessinateur et sa capacité à faire une scène de course poursuite digne d'un mauvais Need For Speed ou d'un épisode honorable de Hawai 5-0. Mais je n'aime pas le dessinateur. Tout est exagéré rappelant des graffiti sans âme et de la violence gratuite. Je pensais que sans Justin Jordan - un autre scénariste de cette Génération Télé Réalité, il allait éviter cela mais, non, il plonge en plein dedans. C'est gratuit et débile.
Ce n'est peut-être qu'une histoire de génération après tout. Mais si lire une BD aussi énergique et s'ennuyer autant relève d'un talent qu'un "vieux" comme moi ne peut pas comprendre, je ne ferai pas plus d'effort.
Critique par Toine Reynolds
"Je me rappelle, lorsque j'étais adolescent, mes goûts étaient souvent dénigrés par mes aînés (j'écoutais Linkin Park au collège, ne m'oubliez pas) ; la "musique bruyante" et saturée avec des musiciens "trop lookés", les films qui ne valent pas les chef d'oeuvre d’antan (mais je maintiens, si vous n'aimez pas la trilogie Matrix, vous êtes une mauvaise personne)".
Pourquoi je reprends sans aucune honte la citation de mon collègue ? Parce qu'elle nous rappelle toujours que les adolescents sont incompris, avec une culture jugée trop rapide, pas assez profonde, et trop superficielle par les aînés. Et c'est exactement ce qu'est ce Ghost Rider : de l'ultra-violence décérébrée, un scénario bateau rempli de clichés, mais un truc qui sent le sang, l'asphalte, et vous tabasse avant de repartir brûler des méchants dans la nuit.
Le truc c'est qu'il n'y a rien de bien original dans ce premier arc, qui reprend des clichés déjà vus un milliard de fois avant : le professeur qui veut donner sa chance à un gamin issu d'un milieu défavorisé, le quartier plein de gangs et de drogues, le grand frère qui élève seul son petit frère, on connaît déjà cette histoire, et il n'y aura malheureusement pas de surprise dans ce volume.
Sauf que tout est fait avec tellement d'amour, de passion, et d'ultra-violence, que ça fonctionne parfaitement. Le scénario n'est pas original ? Pas grave, Felipe Smith balance des pistes sur les origines de notre nouveau Rider, qui pourraient être développées après. Ou non. On s'en fout, il y a de la baston, du sang, des scènes d'action incroyables, et c'est tout ce qu'on demandait. Quand les jeunes regardaient MTV il y a vingt ans, ils ne s'attendaient pas à voir des analyses de Proust ? C'est pareil ici. Probablement conscient du sort de la pitoyable série précédente sur Ghost Rider, Felipe Smith planifie sa série par arcs courts, et ça me convient bien comme ça. C'est un volume proposé à un prix relativement accessible, ça se lit sans aucune difficulté, et c'est tout ce que je demande.
Par ailleurs, j'ai adoré le travail de Tradd Moore, que je découvre ici. C'est comme on l'a dit plus haut violent à l'extrême, très vif et inventif dans la narration, et c'est ce qui se rapproche le plus du manga dans ce que j'ai vu en comics. C'est très détaillé, précis, et l'action est à mes yeux incroyables ici.
Je suis de la génération Loft Story (quoi que j'avais pas atteint la puberté à l'époque...), mais j'ai été élevé avec les Nuls. Ça ne m'empêche pas d'offrir ce comic pour des anniversaires, vu que c'est ce que Marvel peut offrir de plus cool ces derniers temps : ça ne se prend jamais la tête, ça défonce tout sur son passage, et c'est accessible pour tous. Ça ne réinvente pas l'eau chaude, mais ça assure complètement sur tout ce que ça promet : de la violence, une chouette relation entre frères, et un script déjanté (hop, je mets une blague sur la voiture, j'ai gagné ce versus, non ?)