Olivier Tallec est un illustrateur polyvalent, qui travaille seul et écrit ses propres textes le plus souvent désormais, mais qui a aussi illustré beaucoup de textes qui ne sont pas les siens. Dans un exercice ou un autre, il excelle et rend sa juste valeur aux histoires qu’il illustre. Qu’elles soient graves ou plus légères.
C’est donc le travail d’Olivier Tallec que j’ai voulu vous montrer ici, principalement son travail d’illustrateur, mais à travers ma recherche d’albums de son cru, j’ai découvert de très beaux textes. Je vous en présente ici une sélection de coups de cœur personnels par ordre chronologique de parution.
Loup tambour et Lulu Majorette, de Sylvie Rouch (texte) et Olivier Tallec (dessins), chez Autrement Jeunesse en 2003
Dans ce pays, les loups en liberté sont interdits et sont enfermés dans des cages. Sauf Loup Tambour, rebelle qui a réussi à s’échapper. Dans ce pays-là, on n’aime pas non plus les gitans, que l’on a enfermés derrière des barrières sur des terrains choisis. Sauf Lulu Majorette, qui veut sa liberté et s’est échappée. Un jour de fête, le loup et la demoiselle rebelles réussissent à s’intégrer à la fanfare. Ce sont les plus endurants dans leur discipline et, alors que tous les autres s’endorment de fatigue, ils continuent à jouer et danser. Ils en profitent également pour libérer tous les leurs et s’évader. Ils ont bien gagné leur liberté.
Un très beau texte sur la différence, l’acceptation de l’autre, la liberté de circulation des idées mais aussi des hommes. De belles métaphores contre la xénophobie. Un beau livre pour l’éducation de nos enfants, par les temps qui courent.
Pour ma part, c’est l’album dans lequel j’aime le moins les illustrations. Elles sont assez proches de Grand Loup et petit Loup, mais encore plus brouillon, ce qui ne va pas forcément avec le style du texte je trouve. Mais cela reste du Olivier Tallec, donc j’aime quand même :p
Grand Loup et petit Loup, de Nadine Brun-Cosme (auteure) et Olivier Tallec (illustrateur), aux éditions Flammarion (les albums du Père Castor) en 2005
Grand Loup, habitant de « sous l’arbre », a toujours vécu seul et il s’en portait très bien. Jusqu’au jour où Petit Loup débarque. Grand Loup n’est pas vraiment enchanté. Il ne le chasse pas, mais n’est pas des plus coopératifs pour l’intégrer sous son arbre. Sans vraiment le savoir, il l’aime bien ce nouveau compagnon. Il accepte qu’il l’imite dans ses activités du jour et va même jusqu’à lui donner un bout de couverture et de quoi manger. Un jour, Grand Loup va faire sa promenade. Petit Loup reste sous l’arbre. Quand Grand Loup revient, Petit Loup n’est plus là. C’est alors que Grand Loup se rend compte que, si petit soit-il, Petit Loup avait pris une place dans son cœur. Place désormais meurtrie de l’absence de celui qui l’occupait.
Une très belle histoire d’amitié et d’acceptation de la différence. Les dessins, tous en double page, laissent rêveur. Très brouillons, ils décrivent pourtant parfaitement ce que peut ressentir un enfant dans la même situation. Peu de couleurs et de détails pour laisser la place à l’imagination et aux sentiments.
Un thème classique, mais traité avec beaucoup de finesse et relevé par le travail d’illustration d’Olivier Tallec.
La croûte, de Charlotte Moundlic (auteure) et Olivier Tallec (dessinateur), chez Flammarion (Les albums du Père Castor) en 2009
Perdre sa maman quand on est un petit garçon c’est très dur. Qui va faire les tartines le matin ? Papa est là, mais lui aussi il est triste et de toute façon il ne sait pas faire les tartines comme maman. Et ce n’est pas évident de s’occuper d’un papa triste quand on est un petit garçon. Même si on sait que maman n’est pas complètement parti et qu’un petit bout d’elle reste dans notre cœur, il faut réapprendre à vivre. Un jour le petit garçon se fait un bobo au genou. Et dès qu’il arrache sa croûte il entend sa maman qui lui dit que c’est un grand garçon et que tout va bien se passer. Il continue donc d’enlever sa croûte, pour ne pas perdre la voix de sa maman. Jusqu’au jour où, sans s’en apercevoir, il a laissé cicatriser son genou. Ainsi que son cœur.
C’est un très beau livre sur le deuil qu’a écrit Charlotte Moundlic. Les paroles sont justes, touchantes. On voit le tout à travers le regard du petit garçon. La colère, le désarroi, la tristesse, le sentiment d’abandon, mais aussi la joie du moindre petit souvenir positif de l’être perdu, la difficulté de devoir apprendre à vivre à deux et plus à trois, l’envie de s’occuper de son papa pour qu’il ne soit pas triste, comme lui le fait avec le petit garçon… On découvre toutes les étapes et toutes les pensées qui peuvent traverser l’esprit d’un enfant qui a perdu un être cher. Un livre qui peut aider à surmonter une étape de deuil, un livre qui montre que l’on peut tout de même continuer à vivre.
Les illustrations d’Olivier Tallec accompagnent très bien chaque étape abordée dans cet album. Il utilise massivement le rouge qui représente très bien le fond des pensées du petit garçon. Les dessins sont justes et reflètent parfaitement les arrières pensés des scènes et du texte à chaque page. Pour en dire un peu plus à chaque fois ou montrer un point de vue différent.
Le slip de bain, ou les pires vacances de ma vie, de Charlotte Moundlic (texte) et Olivier Tallec (illustrations), chez Flammarion (Père Castor) en 2011
Michel a presque 8 ans. A cet âge ce n’est pas facile de porter un prénom pareil. Ce n’est pas facile non plus d’apprendre que l’on va déménager. D’ailleurs, pendant le déménagement, Michel va aller passer les vacances chez ses grands-parents. Mais cela ne l’enchante pas plus que cela. Papy lui fait un peu peur et les cousins, plus grands que lui, ont tendance à l’embêter. En plus, le cap des huit ans est important dans la famille. On doit montrer que l’on sait sauter du haut du grand plongeoir à la piscine. Michel a peur, mais hors de question de le montrer aux cousins qui risquent de se moquer de lui. Déjà qu’il ricane dans son dos parce qu’il a dû emprunter un maillot de bain qui est trois fois trop grand et qui glisse sans arrêt… Mais au fil des vacances et des divers après-midi passés à la piscine, Michel va prendre de l’assurance. Il se met peu à peu ses cousins dans la poche et fait ses preuves à la piscine. Finalement, ce ne sera peut-être pas les pires vacances de sa vie.
A travers une narration qui oscille entre le journal intime et une lettre écrite par Michel pour sa maman, on se retrouve dans la tête d’un enfant de huit ans que l’on a tous probablement été un jour. Petits tracas et bons moments du quotidien sont très bien représentés en illustrations également. J’ai adoré les images qui illustrent Michel dans la même position que les adultes de sa famille, qui montre l’envie de devenir grand, en contraste avec ses pensées qui sont écrites.
Louis Ier Roi des moutons, d’Olivier Tallec, chez Actes Sud Junior en 2014
Louis est un mouton comme les autres. Jusqu’au jour où une rafale de vent amène à ses pattes une couronne. Couronne qu’il s’empresse de placer sur sa tête. Louis se décrète alors le roi des moutons. Il lui faut un sceptre, puis un trône, un lit de roi, un palais, des sujets et tout un tas d’autres choses royales. Mais rien ne garantit vraiment à Louis Ier que les autres moutons le prennent pour leur roi… Louis s’en moque, c’est lui le roi, tant qu’il a cette couronne. Mais un nouveau jour de grand vent, Louis perd sa couronne. Louis redevient donc un mouton banal. La couronne, elle, atterrit sur la tête de quelqu’un d’autre. Le nouveau roi est un ____. Pas sûr que les moutons apprécient.
Un album drôle, avec de grandes illustrations en double page, qui font parfois penser à des tableaux de maîtres par leurs mises en scène. Des rêveries de moutons extravagantes et démesurées. Les phrases agencées aux illustrations sont tournées de telle façon que l’on ne sait pas trop si les idées loufoques de Louis le mouton deviennent réalité ou ne resteront en fait que des rêveries.
Un album très bien tourné donc, digne d’un roi des moutons !
Qui Quoi Où ?, d’Oliver Tallec, chez Actes Sud Junior en janvier 2015
C’est un album pour les tout-petits qui vient de paraître chez Actes Sud Junior ! Il est à ouvrir dans le sens de la hauteur pour découvrir une scène sur la page du haut et des personnages sur la page du bas. Un jeu de cache-cache se profile tout au long de cet ouvrage. Dans la scène du haut un personnage du bas est caché et il faut reconnaître lequel est-ce. Avec des petits pièges à éviter ! Je l’avoue, pour une page j’ai eu du mal à trouver qui c’était… Bon, je ne regardais pas les bons détails, alors forcément ça n’aide pas…
Bonne journée, d’Oliver Tallec, chez Rue de Sèvres en mars 2015
« Bougez pas les filles, je branche le jacuzzi »
« Mais crache j’te dis ! »
Cet album est plutôt réservé aux adultes et n’est d’ailleurs pas publié par une maison d’édition spécifiquement jeunesse (NB : Rue de Sèvres est une branche bande dessinée adulte de L’école des loisirs). On y retrouve le trait de crayon d’Olivier Tallec et surtout un humour mordant. C’est un enchaînement de petites scénettes absurdes sur des actes du quotidien. Basées sur des faits qui pourraient être réels ou pas forcément, le tout est exquis.
Si vous avez aimé Olivier Tallec voici d’autres ouvrages à se procurer :
- Les suites de Grand Loup et Petit Loup : La petite feuille qui ne tombait pas et Une si belle orange.
- Qui quoi qui ? et Les quiquoi, du même genre que Qui quoi où ?
- Mon cœur en miette, écrit par Charlotte Moundlic, paru chez Flammarion (Père Castor)
Joyeuses découvertes littéraires les loulous !