Résumé : Paul Oléron est un écrivain dans le creux de son inspiration. Tout le détourne de son travail, du moins tout lui sert d'excuse pour s'en détourner. La solution pratique : louer une bâtisse dans laquelle il pourrait vivre et travailler, au lieu d'aller jusqu'à son bureau chaque jour en oubliant des papiers chez lui, ralentissant son travail. Cette maison, il la trouve, s'y installe. A partir de là, Oléron n'arrive plus à écrire, comme si la demeure l'en empêchait, était maléfique. Ce que lui signale son unique amie Elsie, de qui il va peu à peu volontairement s'éloigner. Une chanson qu'il fredonne, "La belle qui vous fait signe", et qu'il n'a pourtant jamais entendue. Des pans de jupe entr'aperçu ou bien des bruits de femme qui se brosse les cheveux dans sa chambre, voilà dans quel contexte effrayant le lecteur met les pieds.
Mon avis : C'est en lisant L'encyclopédie du fantastique que j'ai repéré ce court texte pas tellement connu. Il ne m'en a pas fallu plus pour me le procurer et me faire mon avis. L'écriture est simple et efficace, permettant de dévorer le livre en une heure, à peine. Et durant cette heure, on vit tout un large panel d'émotions.
Tout d'abord, je me suis parfaitement reconnue dans la façon d'être de Paul. Sa "manie" de faire mille et une choses au lieu de se mettre à la rédaction de son roman, de tout invoquer comme une excuse. Trouver une maison, déménager, refaire la peinture alors que celle-ci est en bon état, rester au lit pour rêvasser à son livre, écouter les bruits du bois qui craque, des souris, jusqu'à entendre un bruit de femme qui se brosse les cheveux et même de voir un peigne tenu par quelqu'un, quelque chose d'invisible mimant le geste de se coiffer. Mais Oléron ne sera pas plus effrayé que le lecteur. En fait, l'élément effrayant vient du personnage lui-même.
Oléron devient agoraphobe, passant sa journée sur le seuil de sa chambre. D'après lui, c'est l'endroit qui lui permet de voir presque en totalité toutes les autres pièces de son appartement. Et de là, il surveille. Il attend cette belle qui lui fera signe, sans manger, se laissant doucement mourir.
Il s'éloigne de son amie, la supposant en danger si jamais elle lui rendait visite à l'improviste. Mais n'est-ce pas une excuse également pour mettre fin à cette relation amicale qui l'étouffe dès lors qu'il comprend les sentiments amoureux, non partagés, de Elsie pour lui ? Ou cette dernière est-elle réellement en danger, la "femme" se brossant les cheveux étant jalouse ?
On sent également l'impuissance de cette amie rejetée, à le sauver de lui-même, à le voir lentement sombrer dans une sorte de démence.
La force de ce texte est cette liberté laissée au lecteur dans son appréciation des faits : roman fantastique, personnage dérangé, c'est à nous de choisir. Tout le long, Onions se situe à la limite du psychologique et du fantastique. La vérité ne sera jamais explicitée.
Un petit goût du Portrait de Dorian Gray. C'est un livre court et méconnu, qui se lit en une heure et qui est tout simplement génial.
Poppy (et Murphy approuve !)