Qu'est ce qui peut bien pousser certains auteurs à vouloir écrire, encore et encore, les origines de nos héros de fantaisie, tant bien même celles ci sont archi connues du grand public, et régulièrement suggérées d'une aventure à l'autre? Personne n'ignore la genèse de Superman, même ceux qui ne lisent habituellement pas de comic-books savent que le petit Kal-El est arrivé sur notre planète à bord d'une fusée, dernier rescapé de la planète Krypton, et qu'il a été adopté par une famille d'américains moyens du Kansas, les Kent. Geoff Johns, qui avait déjà commis "un "Green Lantern - Secret origins" lors de sa longue carrière remet le couvert avec le plus célèbre des personnages de l'univers de la Bd super héroïque. Le cahier des charges est bien entendu respecté scrupuleusement. On y trouve de l'émotion et des bons sentiments (avec les parents adoptifs et tout l'amour qu'ils transmettent à leur rejeton), le cast habituel de la série (Lex Luthor et le premier grand coup de foudre, Lana Lang, suivie de Loïs Lane) et les murs porteurs qui soutiendront par la suite toute la légende du héros. C'est aussi un récit initiatique, avec le jeune Clark qui découvre progressivement ses incroyables pouvoirs (il est quand même invulnérable, il sait voler, il a une vision laser, entre autres). John Byrne avait déjà admirablement raconté plus ou moins les mêmes choses, juste à la suite de la mythique saga Crisis on Infinite Earths. Le titre s'appelait "Man of Steel" et il avait permis de remettre un peu d'ordre et de rationalité dans le panthéon de Superman. 20 ans d'aventures et de continuity malmenée ont probablement posé les jalons pour cette énième relecture, qui soit dit en passant, est un excellent investissement pour les nouveaux lecteurs de la série. Elle permet d'ailleurs de donner une version définitive et claire de ce qui a précédé les aventures modernes de Superman, pour ce qui est de la période classique de l'univers Dc; Depuis les New 52 sont passés par là et la donne à encore varié.
Il faut dire aussi que le tout est ici bien raconté, et fait même sourire assez souvent. Comme lorsque le jeune Kent, encore inexpérimenté, embrasse pour la première fois la tendre Lana, ce qui déclenche par la même sa vision thermique (une belle parabole pour toute autre chose, inutile que je vous fasse un dessin. Dans le même ordre d'idée, voir Peter Parker, ado frustré, qui s'entraîne tout seul dans sa chambre à lancer de la toile d'araignée gluante.) Clark Kent va devoir aussi apprendre l'amitié, ou tout du moins construire ce qui peut l'être, quand on a affaire à un génie arrogant et retors comme Lex Luthor. L'écueil d'une relation équivoque et dégoulinante de bons sentiments déplacés (Smallville, par exemple) est brillamment évité, car ce Luthor là est vraiment un type qu'on apprend vite à haïr, et avec délectation. Il faudra aussi que Clark trouve les expédients justes pour maintenir son identité secrète, ce qui fait sourire quand on pense que depuis des décennies, il y parvient avec un peu de gel et une vieille paire de binocles. Johns nous emporte également dans le futur avec les Légionnaires de Brainiac ou Saturn girl, histoire de broder avec dextérité sur la période Superboy du héros. Les nouveaux lecteurs de l'univers Dc, qui souhaitent en apprendre d'avantage sur le kryptonien le plus célèbre, où les nostalgiques, qui apprécièrent à sa juste valeur le Superman for all seasons de Loeb et Sale, par exemple, ne rateront pas cet album simple et efficace. Magnifié qui plus est par le trait pur, clair et rassurant, d'un Gary Frank très inspiré. Une maîtrise totale qui suinte l'émotion, la retenue, l'amour pour le personnage et son univers doucereusement rétro. Ce n'est pas parce qu'il n'y a rien de bien nouveau sous le soleil que ce n'est pas agréable pour autant de lézarder le dos à l'air, par une belle journée d'été.
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