Sonnet à une enfant
Tes yeux verts comme l’aube et bleus comme la brumeNe rencontreront pas mes yeux noirs de tourment,Puisque ma douleur t’aime harmonieusement,O lys vierge, ô blancheur de nuage et d’écume !Tu ne connaîtras point l’effroi qui me consume,Car je sais épargner au corps frêle et dormantLa curiosité de mes lèvres d’amant,Mes lèvres que l’Hier imprégna d’amertume.Seule, lorsque l’azur de l’heure coule et fuit,Je te respirerai dans l’odeur de la nuitEt je te reverrai sous mes paupières closes.Portant, comme un remords, mon orgueil étouffant,J’irai vers le Martyre ensanglanté de roses,Car mon cœur est trop lourd pour une main d’enfant.
Renée Vivien, La Vénus des aveugles.