J’ai la chance de participer à ce recueil des éditions du 38, la chance et même la surprise, puisque je n’avais pas postulé. L’attentionnée directrice de collection a pensé à ce texte envoyé comme ça, entre auteurs, pour avoir son avis.
Un peu sceptique a priori, je dois avouer que le résultat est excellent, et que j’ai pu y lire quelques unes des meilleurs nouvelles que j’aie jamais lues. Je ne lis pas beaucoup d’érotisme il est vrai.
D’abord, ce qui me surprend c’est la magnifique unité de style. On dirait que ces textes ont tous été écrits par la même personne… Résultat probable du fait que ce sont presque tous des auteurs expérimentés, qui ont une plume bien affûtée. Dans chaque texte, les lieux traversés sont amplement et précisément décrits, et les personnages sont truculents. Ce qui permet au lecteur d’entrer dans l’histoire et de visualiser les scènes – condition essentielle dans ce domaine. Les auteurs ont aussi fait preuve d’une belle imagination, ils ont trouvé le moyen de nous surprendre et de nous secouer, de façon souvent originale. Certes, j’en fais partie et on me dira que je prêche pour ma paroisse… Mais je n’ai aucune obligation de rédiger ce billet, et d’ailleurs je m’abstiens en général : sur une douzaine de collectifs auxquels j’ai participé, je n’en ai chroniqué que deux ou trois.
– Quant à moi, mon texte « Moi Dimitri Illitch » , raconte les aventures et mésaventures d’un Russe expatrié avant la perestroïka, qui séduit sans vergogne de jeunes latinas. Texte complexe, à deux voix et répartis sur différentes époques… J’avoue avoir cherché un peu loin. Je ne m’offusquerais pas si un lecteur m’avoue ne pas avoir aimé.
– Julie-Anne de Sée a réussi à créer une belle ambiance avec « Escale à Moscou-Sheremetyevo ». Nous sommes plongés au cœur d’un aéroport russe, où vont de rencontrer un photographe et une jeune slave libérée. Ils irons au bout de leur fantasmes, de façon insolite. On s’amuse avec eux et on … aussi avec eux.
– Jerk, décrit un périple à travers les USA dans « On the road ». L’ambiance est fougueuse, le style direct. Le personnage principal est pris en stop, puis laissé sur le côté de la route par son routier… Il aboutit dans une cahute qui semble abandonnée, mais… La nuit sera chamboulée, fantasmatique… L’auteur manie très bien le mélange de rêve et de réalité. C’est une de mes nouvelles préférées, je l’avoue. La fin réserve une jolie surprise !
– Vagant est un auteur inconnu et apparemment débutant dans le domaine, pourtant son texte « Déjà-vu » est parfaitement abouti. Une jeune mannequin française, qui accessoirement écrit aussi des livres érotiques – tiens tiens – est conviée au Japon pour un tournage. Les lieux et la mentalité japonaise sont extrêmement bien rendus. L’écriture est adroite et concise, le scénario habile. À lire absolument !
– Alexandrine d’Aumale nous plonge, avec « La nuit des MacDuff », dans un univers qu’elle connait bien et qu’elle rend avec un bel enthousiasme. Deux époques : le XIVième siècle dans les Highlands écossais, où se déroule un double meurtre, et une réunion de famille à l’époque actuelle, où se rencontrent deux cousins. Tout ne sera pas rose : la nuit, il se passe de drôles de choses dans l’immense château. La fin est insolite et émouvante. J’ai adoré !
« Râblé, vêtu d’un kimono ouvert sur des pectoraux saillants, l’homme arborait un effrayant masque du théâtre Nô. Il s’agenouilla face à Typhaine et la salua comme au dojo avant la pratique d’arts martiaux. La politesse avant les coups. D’un geste cérémonieux, il invita Typhaine à s’avancer au centre de la pièce, juste à l’aplomb d’une chaîne accrochée au plafond, et vint se placer tout contre elle par derrière, une corde en main. Avec une infinie douceur, il plaça la corde en travers du buste de Typhaine, froissant son yukata au passage. Typhaine s’attendait à ressentir la morsure de la corde sur sa peau, mais son contact était à la fois ferme et sensuel. Sans échanger un seul mot, elle eut la sensation d’entrer en communication avec le maître du shibari au travers de la corde tendue sur son corps. Peu à peu s’insinua en elle l’impression diffuse de s’attacher au maître à mesure qu’il l’immobilisait, de ressentir au travers des liens son désir souverain. Typhaine percevait aussi la présence bienveillante d’Aïko dans un coin de la pièce, ainsi que celle de l’assistant du maître qui apportait les cordes, dont elle n’avait pas vu le visage, mais seulement sa jeune silhouette fugitive. Elle ne vit bientôt plus rien, car son avant-bras fut attaché devant ses yeux. »
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Désirs d’évasions, collectif aux éditions du 38
Date de parution : 29/06/2015