Je (re)commence donc avec L'Homme qui disparait de Jeffery Deaver.
Présentation de l'éditeur :
Une série de meurtres étranges a lieu à New York, qui ont tous un point commun : la méthode utilisée pour tuer les victimes semble s'inspirer de numéros célèbres mis au point par des grands maîtres de la magie, plus particulièrement de l'illusionnisme et du cirque. Comment identifier le meurtrier puisque c'est justement un Manipulateur, expert de l'art du transformisme, toujours prompt à revêtir un nouveau visage, et d'une agilité physique diabolique ? Le défi est majeur, pour le couple d'enquêteurs exceptionnels que sont Lincoln Rhyme, pourtant cloué sur son lit de paraplégique, et sa compagne, la perspicace Amelia Sachs. L'aide de Kara, jeune magicienne douée et technicienne hors pair, suffira-t-elle pour déjouer la série cauchemardesque de numéros de ce Manipulateur protéiforme, cet illusionniste insaisissable, l'homme qui disparaît ?
Polar et Prestidigitation
Dans le dernier opus des enquêtes de Lincoln Rhyme et d’Amelia Sachs, l’auteur explore l’univers de la magie et des illusionnistes via un adversaire qui use de tout les artifices à sa disposition pour arriver à ses fins.
Le parallèle intéressant est que l’on peut comparer Jeffery Deaver, ou tout autres auteurs de romans policiers/polars/thrillers, à un illusionniste.
Pourquoi cette comparaison ?
Parce que l’auteur va utiliser les mêmes subterfuges pour captiver son audience et l’emmener où bon lui semble...
les «Misdirections »
Un des termes les plus utilisés dans l’histoire, et qui se révèle être une des techniques les plus souvent présente dans les polars, est la « misdirection ».
La « misdirection » est un évènement qui va permettre de diriger l’attention des lecteurs ou des spectateurs, et qui servira de diversions à l’illusionniste pour mener son tour à bien.
La « misdirection » est l’outil indispensable des romanciers pour tromper leurs lecteurs et faire avancer leurs intrigues à « tiroirs ».
Jeffery Deaver excelle dans l’art de disséminer dans ses histoires des fausses pistes, des faux semblant, des apparences qui se révèlent souvent trompeuses, sans jamais tomber dans l’excès.
Le mentalisme
Outre l’art de s’échapper de situations inextricables, le romagicien (copyright Fredo : romancier + magicien= romagicien !!) use d’une technique particulière qui va lui permettre de créer un lien entre lui et son public : le mentalisme.
Le mentaliste est un spécialiste de la gestion du mental humain dans ces diverses possibilités et ressources. C'est-à-dire qu’un simple échange, un simple dialogue avec sa « victime » va lui permettre de découvrir à qui il a affaire. Le langage du corps, via un regard, une respiration, les mots utilisés et les indices collectés vont permettre au mentaliste de mener à bien son « interview » afin d’avoir le maximum d’informations sur la « victime » et donc de pouvoir l’avoir sous son joug.
Le romancier va faire en sorte que son lecteur s’identifie au personnage principal, en le confrontant à des environnements ou des situations que le lecteur connaît. Je pense par exemple au roman de Maxime Chattam, le Sang du Temps qui vous prépare doucement en même temps que l’héroïne à affronter son nouvel environnement.
On peut facilement comparer l’écrivain au mentaliste puisqu’il parvient à placer son lecteur, via des mots, dans un environnement qui doit lui sembler familier pour qu’il puisse complètement s’y plonger. Et puis à ce moment là, nous nous retrouvons à la place du mentaliste, puisque c’est via les mots de l’écrivain que nous parvenons à cerner les personnages et l’histoire qu’il nous présente. Nous ne faisons qu’un, le temps d’un roman, avec son héroïne ou son héros…
Deux univers proches
En lisant son histoire, on sera étonné de ne pas avoir pensé plutôt au nombreux points communs qui existent entre ces deux professions. L’illusionniste, comme le romancier, est chargé de captiver son audience afin de lui faire voir ce qu’il veut bien lui laisser voir et la placer dans un état psychologique qui va lui permettre d’œuvrer aisément dans le déroulement de son numéro.
Tout est prévu, du levé jusqu’au baissé de rideau, chaque improvisation, chaque imprévu, n’est là que pour une seule chose : le final.
Chaque évènement anodin est à l’origine de faits qui se révèleront finalement loin d’être aussi innocents qu’ils paraissaient…
Un art à découvrir
On pourrait encore poursuivre en parlant de la routine, de l’escapologie, ou de l’art du transformisme mais c’est à vous de franchir le pas en lisant le livre de Deaver.
Il y a quelques semaines de cela, je terminais la lecture de Ceux qu'on aime (Cry for Help), de Steve Mosby, second roman de l'auteur à être publié en France par les éditions Sonatine. Le héros, Dave Lewis, est un prestidigitateur et ses connaissances en la matière vont lui permettre, avant la fin du roman, de passer du point de vue de proie, à celui de chasseur :
Il existe un principe de base chaque fois que l’on veut étudier un tour de magie. Il faut partir de l’effet final – le truc que l’on n’arrive pas à expliquer – pour remonter en arrière, en se concentrant sur les choses que l’on connaît et en cherchant des indices dans les interstices. Il n’y a que comme ça qu’on peut découvrir le secret : graver tous les paramètres du tour dans le marbre, puis comprendre comment il a pu être effectué à l’intérieur de ce cadre.
Si une bague apparaît soudain dans un pot de fleurs à côté de la porte, c’est que quelqu’un l’y a déposée. Si une seule personne se trouvait près de cette porte, alors ça ne peut être qu’elle. Si cette personne n’a pu prendre la bague qu’à un seul moment, alors elle l’a prise à ce moment-là. En s’appuyant sur le visible, on comprend l’invisible.
Encore une fois, cet extrait me permet à nouveau de faire un pont entre la magie et l'élucidation d'un mystère. Mais avant d'élucider un mystère, il faut l'élaborer. Et pourquoi ne pas commencer par tirer le bout de laine qui dépasse de la pelote ...
Frédéric Fontès, www.4decouv.com