Le royaume

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« Le Royaume »

CARRERE Emmanuel

(P.O.L.)

Le Lecteur est entré à reculons dans ce très long pensum que concocta Emmanuel Carrère. Il s’y résolut au début de l’hiver, vite rebuté par la première partie, celle dans laquelle l’écrivain conte non pas sa conversion mais son retour provisoire dans le girond de l’église catholique, dans une foi aux élans mystiques. Il interrompit alors son approche, puis il y revint lorsque s’acheva l’hiver. Et là, peu à peu, il finit par prendre goût à un propos qui, débarrassé de ses scories initiales (Emmanuel Carrère en ayant fini avec ses élans), traite avec pertinence de ces monuments de l’Histoire que constituent les Evangiles  (dont essentiellement celui que l’on prête à Luc) et les lettres que dicta Paul. En suivant à la trace ces hommes qui accompagnèrent Jésus, le Lecteur redécouvrit alors des récits auxquels l’enfant qu’il fut n’avait retenu que le côté épique. Or, c’est bien ce qui structure l’Histoire du monde méditerranéen au lendemain de la mort de Jésus qui le passionna à travers ce livre-ci. Tant et tant d’évènements racontés dans une belle langue, avec tout ce qu’il faut de précautions pour parvenir à faire la part des choses, entre ce qui est avéré et ce qui relève de la mythologie. Le déchirement des mondes juif et grec. La lente émergence de l’église catholique. L’omnipotence romaine. « Le Royaume » ne se range certes pas dans la catégorie des livres d’Histoire. Mais il transfuse le goût de l’Histoire, tant dans l’évocation de ses fragiles certitudes que dans l’exposé des raisons qui conduisent au doute et donc, pour ce qui concerne Emmanuel Carrère, à l’apostasie.