Deux frères (récit complet)

Par Un_amour_de_bd @un_mour_de_bd

Chronique « Deux frères »

Scénario de Fàbio Moon, dessin de Gabriel Bà,

Public conseillé : Adultes / grands adolescents

Style : Saga familiale,
Edité par Urban Comics, collection « Urban graphics », le 20 mars 2015, 240 pages Noir et blanc, 22.50 euros
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L’histoire

Manaus, province brésilienne. Dans le “Byblos”, le restaurant délabré et abandonné de famille, la vielle Zana se rappelle et pleure. Qu’est-il advenu de son père, de son mari ? Et surtout ses deux fils ont-ils fait la paix ?
1914, Halim vient accueillir son fils Yaqub à Rio de Janeiro. âgé de 18 ans, il vient de passer huit années d’exil familial au Liban. Frère jumeaux de son cadet Omar, Yaqub a quitté le domicile conjugal après une violente rixe avec son frère, qui lui a laissé une vilaine balafre. Jusqu’à leur 13 ans, malgré des caractères radicalement différents, les deux garçons vivaient dans une certaine complicité. Mais l’amour espéré de la jeune ?? changea l’amour fraternel en haine viscérale.
Même si cette réunion doit permettre au “bonheur de revenir”, il n’en est pas de même dans les têtes des jumeaux…

Ce que j’en pense

“Deux frères” est un gros pavé que j’avais mis de coté, enterré sous ma liste de lecture jusqu’à présent. Débordé par de nombreux albums, je l’avais délaissé, oubliant momentanément tout le bien que je pensais de ses auteurs. Pourtant, les deux frères (jumeaux) Gabriel Bà et Fabio Moon m’avaient mis une grosse claque avec “Daytripper” et divertis avec l’adaptation de “L’Aliéniste”.

Avec “Deux frères”, les auteurs s’attaquent à l’adaptation de « Companhia das Letras” de l’auteur Brésilien Milton Hatoum. Au jour le jour, ils nous racontent une grande saga (sur 3 générations) d’une famille d’immigrés libanais, installée dans la petite province brésilienne de Manaus.
Centré sur la relation complexe et haineuse des deux frères jumeaux de la famille Yaqub et Omar, l’album est un concentré d’émotions
. Blessures familiales, secrets, rancoeurs et incompréhensions mutuelles, l’album raconte le quotidien de la famille. Halim et Zina, les parents follement amoureux, Yaqub et Omar, les deux fils trop aimés ou rejetés, Dominguas la petite indienne adoptée, c’est une histoire de famille pourrie par de vielles blessures… une histoire émouvante et magistrale, qui mêle l’amour, la passion et la mort et résonne pour son caractère universel.

Fruit d’une adaptation , “Deux frères” conserve son caractère “littéraire”. Récitatifs et voix off fréquents complètent les rares dialogues. Néanmoins, ce traitement ne pèse pas sur la lecture de l’album.

La saga familiale est un récit ambitieux, porté par de nombreux personnages à la psychologie détaillé. A travers flash-backs et flash-forward (oui, la lecture de “Deux frères” se mérite), Gabriel Ba et Fabio Moon nous racontent (aussi) le Brésil. Manaus devient un personnage à part entière, qui évolue, se transforme. La chaleur étouffante, l’Amazonie (si proche), l’humidité, le soleil implacable, les pluies diluviennes, on est en pleine immersion.

Coté dessin, les deux frères ont choisis de faire évoluer leur dessin vers l’épure totale. Noir et blanc pur jus (sans niveau de gris), ils nous offrent un dessin que j’ai eu un peu de mal à “apprivoiser” au début, mais quel bonheur de s’y plonger. Il est comme le récit : exigeant, sans concession et touchant à la fois.
Le dessin ne s’encombrent pas de détails inutiles. Avec quelques traits et des masses noires, ils nous embarquent dans un récit intense, digne des grands maîtres argentins (José Munoz, ou Eduardo Riso par exemple).
Les grandes cases, extrêmement lisibles, sont d’une réelle profondeur qui m’a littéralement envoûté !