Les Dieux sont vaches - Gwendoline Hamon

Les Dieux sont vaches - Gwendoline Hamon

Quand Zélie apprend que sa mère est gravement malade, son monde s'écroule. Elle ne veut garder que le meilleur pour les deux derniers mois qu'il lui reste à vivre. Caroline est une mère singulière qui croit aux énergies, aux forces divines et souterraines, aux médiums étranges. Elle suspend un pendule au-dessus de la tête de ses futurs gendres et imagine des prénoms d'Indiens pour ses petits-enfants. Elle s'est mariée très jeune, a eu deux filles, des amants, des rêves qui n'appartiennent qu'à elle. Elle est merveilleuse et quelquefois cruelle. Voici, au soir de son existence, le destin de cette femme fantasque et attachante, déroulé par sa fille, qui va tenter avec un humour vibrant de lui faire oublier que, parfois, les dieux sont vaches.

Je porte sur mon dos un sac de ciment, comme tout un chacun. Je l'ai teint en rose et l'ai parfumé à la figue pour que ce soit plus chouette, mais il pèse tout de même bien lourd cet enfoiré. Avis

L'auteure nous parle des derniers jours de sa mère, de ses frasques et de son caractère particulier. En rentrant de voyage, Zélie retrouve sa mère dans un sale état, fait venir un docteur contre son gré et le verdict terrible tombe: le cancer, cet intrus que tout le monde pensait qu'elle avait vaincu une bonne fois pour toute s'est finalement installé et développé à son aise dans le corps maintenant frêle de sa mère âgée d'à peine 58 ans.

Sa mère, cette femme si pleine de vie, d'extravagance, fille du célèbre Jean Anouilh, confrontée très tôt à la vie et au caprice de la vie d'artiste, mariée jeune et très vite mère aussi mais voulant par-dessus tout vivre, déménageant souvent et cumulant les amants pour finir seule entourée d'illuminés. Sa vie a été jalonnée de bonheur et de conflits, avec sa propre mère surtout et reproduisant ce même schéma avec ses filles; ainsi Zélie est la fille aimée et repoussée. Ces derniers jours marque dont le déni de la maladie, les secrets bien gardés sur les pratiques occultes de sa mère faisant appel à différents guérisseurs, magnétiseurs et avalant toutes sortes de poudres de perlimpinpin, refusant tout d'abord l'aide de qui que ce soit puis acceptant la présence de ses deux filles à ses côtés et le défilés de ses amis venus lui dire adieu.
Les souvenirs affluent et Zélie tente de comprendre les décisions passées de sa mère, sa vie et ses fuites constantes, et ce poids difficile à porter d'une petite fille se sentant en trop, non désirée, à qui l'amour d'une mère manque terriblement.

Zélie est présente jusqu'au bout profitant de chaque moment comme si les quelques jours qu'on lui accordaient permettaient de rattraper 40 ans de vie perdus à attendre une chose, une faveur que sa mère lui accordera au dernier moment. Sous une écriture tantôt dure et sensible tantôt pleine d'humour, l'auteur se livre et tente de faire son deuil, de mettre des mots sur son chagrin, et malgré le sujet délicat qui est traité le récit est touchant sans être larmoyant, préférant faire vivre sa mère dans ces moments de délire que dans sa douleur.
Très beau roman qui se lit rapidement marqué par un dynamisme qui paraît incongru face au thème de la maladie et de la mort mais qui a l'avantage de ne pas laisser le lecteur dans la tristesse car il est préférable de célébrer la vie et l'amour.

Je pense sans cesse à une photo en noir et blanc. Maman a trois ans et la coupe de cheveux de Mireille Mathieu. C'est l'hiver, elle est assise sur un tronc d'arbre au milieu des montagnes suisses. Son regard immense est coquin et confiant. Il lui bouffe la trogne, et un sourire emprunté à la Joconde lui donne l'air le plus apaisé du monde. Elle est insouciante, épanouie, heureuse. Elle ne sait pas encore...
C'était le bon temps. Les dieux n'étaient pas vaches en 1953...