Héros parmi les favoris de Warren Ellis, rapatrié du catalogue Wildstorm, Midnighter est un de ces cas atypiques dont Dc se gargarise depuis quelques semaines, dans l'ambition de proposer une offre différente, plus arty, et de briser certains codes et tabous établis. Steve Orlando a reçu la mission de reformuler ce que nous savons du personnage, tout en lui donnant une dimension neuve, dans un univers narratif qui a beaucoup changé. Du coup, un bon point pour l'exposition rapide, qui ne s'embarrasse pas de flash-backs ou de longues diatribes, avec notamment le recours aux réseaux sociaux et au smartphone pour rappeler (lourdement?) certaines caractéristiques du Midnighter. Qui aime les hommes, et en cherche sur le net, où il est présent, sur un site qui s'apparente à Tinder ou Grinder. Disons le tout net : qu'il soit homo, hétéro, ou assexué, cela ne fait pour nous, au niveau de l'implication morale et sexuelle, pas la moindre différence. Mais si j'apprécie et salue l'humour quasi omniprésent dans ce premier numéro, j'ai plus de mal avec certains détails, avec un Midnighter qui use de remarques salaces et de répliques à double sens (même en plein combat) comme s'il fallait absolument, et d'entrée de jeu, marquer le coup et bien surligner au fluo combien Dc est moderne et ose donner la part belles aux "minorités" trop longtemps mises de coté. On a même droit à une scène explicite de sexe, ce qui n'est pas forcément un mal, car il y en a un peu marre de cantonner l'homo sexualité aux chastes baisés avec le pied levé derrière le dos, et de réserver coït et chaudes caresses pour l'hétérosexualité. Au moins ici c'est plus crédible, franc, direct, même si on ne peut s'empêcher de penser que Dc fait tout son possible pour attirer notre attention et nous montrer que oui, maintenant nous avons changé d'ère. Alors l'histoire, la trame, en souffre un peu. Et passe dans une grande partie du numéro au second plan. Il est question d'une menace qui investit le Jardin de Dieu pour y aller voler secrets et technologie, et cela concernera au premier point le Midnighter. L'ambiance est très axé sur la cyber-science, à la limite du steampunk, et tisse des connexions, en ce sens, avec le travail de Warren Ellis. Le dessin est de ACO, qui utilise pas mal d'effets visuels et une mise en page dynamique, souvent pour nous faire ressentir le cerveau du héros, qui fonctionne comme un super ordinateur. Une sorte de Sorrentino plus light et policé, peut être moins inspiré, mais globalement intéressant. Voilà un titre qui irrite et qui rassure, qui donne envie de dire que oui, les choses avancent, et qui plonge tout de même tête baissée dans pas mal de clichés, qui veut garder un oeil sur le passé, mais comprend que depuis les New 52, tout reste à reformuler. Bref, un titre où rien n'est gagné ni perdu, où l'avenir est totalement à déchiffrer. Ce sera à vous de juger, commencez déjà par essayer.