En préparation de la fête nationale du royaume de Belgique,
le 21 juillet, quatre albums pour enfants de circonstance: avec des couronnes. Quatre belles histoires.
Célia Le Dressay - Cati Baur
"Un Très Grand Prince"
L'école des loisirs, 40 pages
Voilà un album remarquable à tous égards. Le joli texte de Célia Le Dressay campe le portrait d'un jeune prince, misanthrope absolu, qui se laisse apprivoiser pour ne pas dire humaniser par une dynamique demoiselle à jupes arc-en-ciel ou pastèque. Les illustrations de Cati Baur réjouissent le regard et capturent l'attention.
Comment se sont- ils rencontrés, alors que le grognon vit seul sur une île minuscule où ne se dresse que son magnifique chapeau de sable? Que le solitaire chasse tout poisson ou toute mouette osant s'approcher de son royaume? Tout simplement, parce que la petite fille a accosté un beau matin sur sa plage et a frappé à sa porte. Qu'il l'a renvoyée et qu'elle s'est mise à pleurer.
Le Prince et ses jumelles. (c) l'école des loisirs.
Coincé, le prince a trouvé une solution: installer la visiteuse sur une autre île, pleine de végétation, visible à l'horizon. L'histoire aurait pu s'arrêter là si le prince n'avait eu envie de savoir ce que devenait sa naufragée. Et ce qu'il voit dans ses jumelles lui déplaît au plus haut point: la demoiselle danse, avec un pirate, une otarie et un singe. Il ne peut supporter cela et saute dans sa barque à trône royal.
Et là bien sûr, il va découvrir une autre manière de vivre. S'amuser entre amis, rire, danser, manger, boire. Ce jour-là, à l'occasion de l'anniversaire de la dernière arrivée, ce qui permet quelques quiproquos qui vont déboucher sur une autre relation entre le Très Grand Prince et la petite fille, surtout que les deux îles se sont par miracle rapprochées.
Y a d'la joie. (c) l'école des loisirs.
Si cet album est aussi enchanteur, c'est bien sûr à cause du talent de sa narratrice qui multiplie les épisodes prenants et enfile superbement rires et émotions, romantisme et réalité, mais aussi en raison des magnifiques illustrations de Cati Baur - elle a déjà passe en BD deux tomes des "Quatre sœurs" de Malika Ferdjoukh (Rue de Sèvres). Ses images à l'aquarelle, sobres ou luxuriantes, en vignettes sur fond blanc ou en larges plans à l'italienne, créent une magnifique atmosphère à laquelle il est difficile de rester insensible tout en prolongeant de mille détails superbes l'histoire de base. Son trait plein de finesse excelle aussi à rendre avec force les sentiments des personnages. Un vrai bonheur de lecture que cette histoire.
Les planches originales en vrac. (c) Cati Baur.
Jean Leroy - Matthieu Maudet
"Le pirate et le roi"
L'école des loisirs, 44 pages
Changement d'ambiance, d'époque (la Marine est alors royale) et de couleurs (variation de gris sombres relevés de points de jaune) dans cet album où le roi Jehan 1er, unique rescapé d'un terrible naufrage, débarque sur une île habitée seulement par un pirate hirsute, Matt le Maudit, au langage plutôt direct: "Alors, mon gros? On est tombé d'son bateau?" sont les mots qui accueillent le monarque. Ses oreilles n'ont pas fini de siffler...
Première rencontre. (c) l'école des loisirs.
Les deux lions, aussi opposés qu'on peut imaginer, vont devoir apprendre à vivre ensemble. Une cohabitation qui leur fait prendre chacun un peu de l'autre. Au point qu'ils finissent par se ressembler comme deux frères, l'un portant toujours sa couronne néanmoins.
Un an passe avant qu'une voile n'apparaisse à l'horizon et ne fasse route vers l'île. Et c'est là que le naturel va reprendre le pouvoir. Jehan en sera pour ses frais, pas tout à fait cependant, Matt s'étant montré un peu moins mauvais qu'imaginé.
On s'amuse beaucoup lors des conversations entre le pirate et le roi et on ne peut que s'étonner de l'aveuglement des marins de ce dernier. Des zèbres! Proches de la bande dessinée, les images donnent une belle présence aux deux personnages dont on suit avec plaisir l'évolution de la relation.
Christine Naumann-Villemin
Marianne Barcilon
"L'autre princesse"
Kaléidoscope, 32 pages
Eliette et Alice, les deux cousines-copines, les deux princesses, sont en vacances. Dans une caravane et en camping. Elles s'amusent rudement bien, prennent plaisir à tout ce qui se présente à elles, la caravane, le jardin, la piscine, les bonbons, la vaisselle, la plage... tandis qu'une voisine ne cesse de les houspiller, de les diminuer. Mais à deux, elle font la paire contre la solitaire, plus attachée à ce qui se voit plutôt qu'à ce qui se vit. Jusqu'au jour où Eliette et Alice vont sauver la vie de Victorine et entamer une autre relation avec elle.
Des lunettes pour ne pas avoir mal aux mirettes. (c) Kaléidoscope.
A savourer les dialogues entre les deux princesses et l'autre, par exemple: "Salut, les plouquettes! Vous allez vraiment dormir dans cette cagette? Moi, ma caravane est en or, comme le carrosse de la reine d'Angleterrre!", "Eh ben, nous, à l'intérieur, tout est en diamant! C'est pour ça qu'on met des lunettes: pour ne pas avoir mal aux mirettes!" Ces joutes verbales se prolongent agréablement dans les illustrations. Jalousie, quand tu nous tiens, manque d'amitié, quand tu nous perds...
Gaby Swiatkowska
"La Reine du Mercredi"
adapté de l'américain par l'auteure
Le Genévrier, collection "Est-Ouest"
40 pages
Des peintures épaisses mais des sujets à l'ancienne délicatement dessinés, souvent en des pages à l'italienne, pour ce premier album en solo d'une Polonaise habitant en France. Avec une belle sobriété, il met en scène Thelma, qui s'ennuie tellement qu'un mercredi, "elle décide de devenir la reine". Un choix qui lui impose mille activités tout au long de la semaine, à tel point qu'elle s'épuise et renonce à sa couronne. Le mercredi suivant, Thelma s'ennuie de nouveau mais on dirait bien qu'une nouvelle idée germe en elle... Un bel album sur l'imagination reine où toutes les illustrations sont à regarder en détail.
Les trois premières doubles pages de "La Reine du mercredi". (c) Le Genévrier.