Thème
Savourer sa solitude… ou pas !
Une Citation.
Mes maux sont l’ouvrage de la nature, mais mon bonheur est le mien. (Lettre III)
Le Livre en quelques mots.
Pour commencer, j’ai pris la seule édition que j’avais de disponible dans ma librairie à savoir Livre de Poche, collection Libretti. Une édition de Jacques Vassevière, avec un dossier pédagogique complet. Si je vous précise l’Edition choisie, c’est simplement parce qu’elle a été d’une douce et précieuse aide pour moi, sans plus d’artifices.
En premier lieu, les quatre Lettres à Malesherbes en intégralité.
En deuxième lieu, se trouve un ensemble de textes complémentaires allant d’extraits de ses oeuvres, ou de son grand ami, Diderot, de correspondance entre Rousseau et Voltaire, et d’autres ressources encore. Tout ceci pour comprendre un contexte, la teneur des propos de chacun sans être assommant.
En troisième lieu, des commentaires sur des aspects de la Pensée de Rousseau comme son imagination, ses tentatives de persuasion, sa retraite, sa conception de l’amitié et du bonheur…
Les trois parties sont essentielles à une bonne appréciation des Lettres. Et si Jacques Vassevière a choisi de faire des notes au fur et à mesure des Lettres, j’ai pris mon parti de lire la première Lettre en suivant les renvois, puis de lire tous les compléments et commentaires avant de continuer sur la Deuxième, Troisième et Quatrième Lettre. Ma lecture n’en a été que plus appréciable puisque j’avais alors des clés pour comprendre et saisir des subtilités plus aisément sans pour autant couper ma lecture des Lettres. (Et pour apprécier à nouveau leur teneur, je les ai relu entièrement à la fin de ma première lecture.)
Ce que j’en ai pensé.
Je ne compte pas faire une dissertation sur ce texte, mais parler de ce que j’ai ressenti en le lisant.
Pour commencer, de la lecture elle-même, je vais faire ce que Rousseau trouve réducteur, c’est-à-dire parler du style. En effet, J.-J. considère que l’on doit parler de l’utilité d’un livre et non de sa belle écriture. Qu’importe! A mon grand étonnement, la lecture est limpide, douce et enfantine je dirais même. En disant cela, je pense surtout à une sorte de naïveté qui semble émaner de chacune de ses paroles, de ses phrases, de ses mots. Si bien que je ne vais pas me faire prier pour continuer sur ses Rêveries !
Mais d’ailleurs, pourquoi avoir choisi les Lettres à Malesherbes en premier ? Grâce à l’émission Remède à la Mélancolie, présentée par Eva Bester sur France Inter qui, je ne sais plus à quelle occasion avait parlé de cette oeuvre dans des termes d’une belle intensité. Si j’ai oublié les mots exacts, j’en ai gardé cette sensation du Il faut que je le lise. C’est chose faite, et je ne le regrette pas le moins du monde.
Si j’ai mis en avant la citation de la Lettre III, c’est qu’il s’agit en fait d’un reflet de mon sentiment général. Des quatre, elle est celle qui m’apparaît la plus sereine. Plus dans la contemplation, la satisfaction de l’instant présent. Le temps semble s’arrêter à ses côtés, lors de ses promenades, lors de ses escapades. Calme et volupté. Cette douceur est assez agréable face aux trois autres Lettres où Rousseau est tour à tour, torturé, abandonné, persécuté, souffrant, passionné et profondément aimant mais seul. J’ai trouvé un Rousseau si peu sûr de lui-même qu’il ne cesse de justifier le moindre de ses gestes, le moindre de ses mots. On sent une blessure narcissique avec un besoin systématique de réassurance. C’est, selon lui, un homme naturellement bon, qui s’il s’est égaré dans de mauvaises voies, l’a été suite à des troubles. Et il le dit bien assez, mais jamais trop à son goût apparemment (!). Ce besoin de rétablir la Vérité sur sa personne le suivra jusqu’au bout de sa vie et de ses Confessions…
Celui-là même qui critiquera dans son Discours sur les origines et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, cet « Homme sociable, toujours hors de lui, [qui] ne sait vivre que dans l’opinion des autres, et c’est pour ainsi dire de leur seul jugement qu’il tire le sentiment de sa propre existence« . C’est grâce aux textes complémentaires et commentaires que je saisis la plupart des paradoxes de Rousseau, et même si la lecture des Lettres à Malesherbes nous montre les successions d’arguments remaniés et arrangés, le Dossier pédagogique reste un vrai apport pour comprendre tout le contexte.
Les Lettres sont une belle introduction à toute son oeuvre. Je découvre ainsi sa critique de l’hypocrisie philosophique, des apparences, des vices célébrés avec fierté, sa profonde amitié avec Diderot et sa fin aussi lié à ce « Il n’y a que le méchant qui soit seul. » dans Le Fils Naturel de Diderot (dont Rousseau ne se remettra jamais.). Rousseau nous livre là, sa quête d’Indépendance (Je pris brusquement mon parti avec assez de courage, et je l’ai assez bien soutenu jusqu’ici avec une fermeté dont moi seul peux senti le prix, parce qu’il n’y a que moi seul qui sache quels obstacles j’ai eus et j’ai encore tous les jours à combattre pour me maintenir sans cesse contre le courant. Lettre II.), sa conception du Bonheur (Trouvant que c’était une folie de me tourmenter pour un âge auquel je ne parviendrais pas, j’ai tout planté là et je me suis dépêché de jouir. Lettre I.), de l’Amitié (Il vaut cent fois mieux être éloigné des personnes qu’on aime et désirer d’être auprès d’elles que de s’exposer à faire un souhait opposé. Lettre IV.).
Ce sont de beaux écrits qui, de mon avis, valent le détour pour faire connaissance avec l’Homme, le Philosophe et ses Oeuvres.