Petit éloge de l’errance Auteur : Akira Mizubayashi
Éditeur : Éditions Gallimard
Collection : Folio 2€
Parution : août 2014
Pages : 136
Prix : 2 €
Note : ★★★☆☆
Ce petit livre est très particulier : l’auteur nous promet de faire l’éloge de l’errance et tente pour cela de nous expliquer en quoi consiste cet état. Il semble que ce soit d’abord le fait d’être mis au ban d’un groupe dominant, engendré par diverses circonstances (hontes, brimades, incompréhensions, désaccords etc.), mais c’est ensuite une mise à l’écart volontaire et réfléchie pour cesser d’être un « mouton de Panurge » – l’auteur cite lui-même Rabelais. Dans les deux cas, Akira Mizubayashi plonge dans ses souvenirs pour nous faire part d’exemples personnels et nous expliquer comment il est tombé dans l’errance et ce que ça a changé dans sa vie. Il n’hésite alors pas pour cela à s’imprégner d’idées de divers auteurs, dont Rousseau – pour qui il a une affection toute particulière – et sa figure de « promeneur solitaire ». À plusieurs reprises Akira Mizubayashi définit l’errance ; en voilà un exemple : « cette lancée hors de soi, cette démarche vers l’altérité, cet exercice d’éloignement et non de proximité est assurément une expérience digne d’être assimilée à une errance, parce qu’au moment où l’on passe à l’acte on ne sait jamais vers où, vers quel lieu agréable ou périlleux cela vous entraînera ».
L’errance de Mizubayashi débute très tôt et de manière involontaire puis se creuse dès lors qu’il adopte la France pour seconde nation, épouse une française, fonde une famille franco-japonaise et va jusqu’à rédiger ses derniers livres directement dans la langue de Molière. De cette manière, il s’émancipe quelque peu d’un sentiment d’appartenance très présent dans l’esprit des Japonais. Il se pose également en opposition politique sur certains aspects de son pays et refuse de se soumettre à une doxa trop prégnante. C’est donc à travers son itinéraire personnel, littéraire, cinématographique et musical que l’auteur dresse son éloge de l’errance : moment solitaire mais salutaire permettant une certaine prise de distance pour mieux appréhender les défauts d’une société, d’une vie, d’une conduite… Il aborde également la notion de « présentisme » que j’ai trouvée très intéressante. Grosso modo, il explique que le Japon est acculé dans le présent, que ses habitants – ou plutôt ses dirigeants – oublient volontiers le passé et agissent sans se préoccuper des conséquences futures pour ne s’inquiéter que des instants présents, ce qu’il lie au fait que la langue japonaise elle-même ne connaisse qu’une forme de passé et aucune de futur.
L’idée de ce livre est bonne et extrêmement intéressante. Je déplore cependant une trop grande présence de sujets politiques liés au Japon qui m’ont laissée de marbre puisque je ne m’y connais pas dans ce domaine. Je trouve également dommage que l’auteur accomplisse de trop grands détours avant de revenir à son sujet principal ; on perd ainsi le fil conducteur du récit (mais peut-être souhaite-t-il à son tour nous dérouter et nous mettre en errance intellectuelle)… De manière générale, j’ai apprécié ma lecture mais je ne l’ai pas aimée ni adorée au point de lui attribuer une excellente note. Je tiens cependant à dire que le style de cet auteur est époustouflant quand l’on sait qu’il a appris le français sur le tard (vers la vingtaine). La plume est très bien maîtrisée et même bien mieux que la plupart de nos auteurs contemporains. J’aime également le choix de la photo mise en couverture puisque ces panneaux vierges (on ne peut pas être plus perdu, plus en errance que lorsque l’on ne sait où l’on va) désignent différentes directions, symboles des chemins divers que l’on peut emprunter dans sa vie et dans sa réflexion.
Et vous, dites-moi : avez-vous lu ce livre ? Si oui, qu’en avez-vous pensé ? Si non, vous tente-t-il ?
~ Asty ~
Cette critique entre dans le cadre du challenge « écrivains japonais d’hier et d’aujourd’hui » d’Adalana