Bon, voilà un titre qui a le mérite d'être clair... Pas vraiment de surprise, c'est un roman très classique dans la forme dont nous allons parler ce jour, mais par un maître du genre, et pour cause : l'auteur est considéré comme celui qui a inventé le techno-thriller. C'était au début des années 1970, avec "Chacal" (par pitié, évitez l'innommable adaptation avec Bruce Willis...), et Frederick Forsyth proposait ce mélange de thriller politique, d'action pur et de développement technologiques et stratégiques. En 2015, est sorti en France "Kill List", aux éditions Albin Michel. le quinzième roman de cet auteur devenu culte. Et, si le schéma est un peu le même que pour ses précédents livres, il est pourtant très intéressant de voir comment Frederick Forsyth s'adapte aux évolutions géopolitiques de notre monde. De la guerre d'Algérie à la Guerre Froide, en passant par les conflits plus récents, comme l'Irak, il a toujours su nous raconter ces situations de crise, les secrets et la raison d'Etat. Le voilà face au terrorisme islamiste, ennemi polymorphe, difficilement saisissable, imperméable aux techniques d'espionnage classiques... Dans les deux camps, désormais, la technologie joue un rôle central.
Jerry Dermott est représentant de l'Idaho au Congrès des Etats-Unis, jusqu'au jour où il est abattu en pleine rue. L'assaillant ne lui a laissé aucune chance : des charges de chevrotine à bout portant. Le tireur a lui-même été tué par un policier présent sur place, mais trop tard. L'affaire fait forcément grand bruit, d'autant que les indices vont mener les enquêteurs à une piste bien inquiétante...
Dans l'appartement du tueur, dont le corps était entièrement rasé sauf la barbe, de nombreux documents sont découverts, laissant penser à une conversion à l'Islam radical. Sur le disque dur de l'ordinateur, des vidéos en grand nombre qui confirment cela : un homme au visage masqué exhorte au djihad et au martyre...
Si les enquêteurs de l'Idaho sont surpris par ces découvertes, en revanche, au siège du FBI, à Washington, on l'est, hélas, beaucoup moins. Car on a déjà entendu parler de ce prêcheur et des conséquences de ses discours. Au point qu'on l'a déjà baptisé "le Prédicateur", à défaut de connaître sa véritable identité.
Bientôt, les actions sanglantes de jeunes convertis radicaux se multiplient, à travers les Etats-Unis, mais aussi en Angleterre. Les profils sont les mêmes : des jeunes gens sans histoire, étudiants ou salariés, bien intégrés, issus de familles sans problème... Puis, la rencontre virtuelle avec le Prédicateur, le processus de conversion et de radicalisation jusqu'au passage à l'acte.
Des loups solitaires, comme on dit, qui n'ont aucun lien entre eux, n'appartiennent pas à des mouvements connus considérés comme terroristes, n'ont pas voyagé dans les pays où sont formés bien des candidats au martyre... Seule la force de conviction de ce mystérieux cyber-prêcheur a suffi à transformer ces personnes en meurtriers kamikazes...
Des tueurs qui, toutefois, ne mènent pas d'actions de masse, comme le 11 septembre, mais ciblent parfaitement leurs victimes, qui ont toutes des positions de pouvoir : élus, militaires, politiques, personnalités en vue... De quoi créer une psychose dans la population et mettre en ébullition les services antiterroristes.
Rapidement, le Prédicateur, malgré son anonymat, est placé sur la Kill List. On croit que c'est un mythe, mais cette liste existe réellement et est l'un des documents les mieux gardés au monde. S'y trouvent les terroristes jugés les plus dangereux pour les Etats-Unis, leurs citoyens et leurs intérêts. Qui est inscrit dessus est déjà condamné à mort, sans autre forme de procès.
Autrement dit, tout doit être mis en oeuvre pour mettre hors d'état de nuire ces personnages, à n'importe quel prix et sans se poser une seule seconde la question de leurs droits élémentaires. Mais, avant de pouvoir envisager de l' "effacer", il va falloir identifier ce Prédicateur et le localiser, comme le dit le mémo laconique et pourtant si clair que je cite en titre de ce billet.
Pour s'occuper de cette mission très spéciale, une officine toute aussi spéciale et toute aussi secrète a été saisie. A la tête de l'équipe qui doit retrouver et éliminer le Prédicateur, un homme tout aussi mystérieux, dont peu connaissent la véritable identité. Pour la plupart, il est "le Traqueur", et son parcours, assez particulier, nous est raconté dans la première partie du roman.
Mais le temps presse : tant qu'on ne pourra pas l'empêcher, le Prédicateur continuera de mettre en ligne ses sermons ravageurs, convaincra de nouveaux tueurs et d'autres drames se produiront. Il va falloir agir vite et bien, sans véritable droit à l'erreur et surtout, dans la plus grande discrétion. Car, il est fort probable qu'il faudra intervenir en territoire étranger et sans aucun mandat officiel, évidemment.
Commence une course-poursuite sans merci, à travers le cyber-espace, dans un premier temps. Puis dans différents endroits du globe où il ne fait pas bon traîner en temps ordinaires... Mais le Traqueur ne lâchera rien. Pas seulement parce que c'est son job, mais parce que l'affaire, entre temps, a pris un tour plus personnel. A la force brute, vient s'ajouter la soif de vengeance.
Rien de vraiment nouveau sous le soleil, en tout cas, dans la forme, je vous l'ai dit : un méchant désigné, la traque pour le mettre hors d'Etat de nuire, l'enquête, le repérage, la collecte d'informations, etc. Ce que l'on trouve habituellement dans la plupart des techno-thrillers. Et pourtant, la recette fonctionne. Parce que Forsyth sait la mettre au goût du jour.
Enfin, quand je parle de goût, le mot n'est pas très adéquat. En fait, si la structure de "Kill List" ressemble à d'autres livres de l'auteur, dans le fond, on voit l'évolution à la fois des menaces qui pèsent sur l'Occident, mais aussi des techniques de renseignements. On est loin de l'espionnage à l'ancienne, on est entré dans une ère du tout-technologique.
Et surtout, on doit s'attaquer à des adversaires virtuels. Bien sûr, l'homme surnommé "le Prédicateur" existe, en chair et en os, mais le personnage en lui-même est un pur produit du numérique, qui pourrait se trouver à peu près n'importe où dans le monde... Même si, évidemment, il doit quand même trouver un endroit d'où l'on peut mettre ses vidéos en ligne.
L'éternelle recherche de l'aiguille dans une botte de foin. Naturellement, on a tendance à se dire qu'il ne se la coule pas douce en Espagne ou en Islande et qu'il a choisi un coin correspondant à ses idéaux et à sa façon de voir le monde. Mais cela demeure un sacré challenge de remonter jusqu'à lui. Et, pour cela, le Traqueur va recevoir une aide aussi précieuse qu'inattendue...
Là encore, Forsyth réussit à briser sa routine. Alors que le Traqueur bénéficie de moyens techniques, humains et financiers très importants, un matériel à la pointe du progrès et des personnes certainement très compétentes autour de lui, c'est auprès d'un geek, un adolescent reclus dans un grenier, qu'il va aller chercher un atout fort dans sa quête de renseignements.
Comme le Prédicateur n'a pas à bouger de son refuge pour envoyer ses prêches, c'est un individu qui ne quittera pas une pièce sombre et minuscule d'une petite ville américaine qui va se lancer à ses trousses. Et, malgré tout, l'enquête n'est absolument pas statique, comme on pourrait le redouter. On a un vrai thriller, qui tient en haleine et rebondit sans cesse.
Mais c'est bien joli, la technologie et les joujoux 2.0, cela ne suffit pas encore à résoudre tous les problèmes. On n'est pas dans une partie de jeux vidéos où l'on tire à tout-va sur des ennemis virtuels. Ici, il faut concrétiser sur le terrain les fruits récoltés. Et là, on doit bien revenir à des techniques d'espionnage et d'infiltration plus traditionnelles. Mais pas moins risquées.
Les théâtres d'opération aussi évoluent. Si on s'attend à voyager du côté de l'Afghanistan et du Pakistan, Forsyth nous emmène dans d'autres lieux, en Afrique, mais aussi en Europe, là où se trouvent certains relais, financiers, en particulier, de ces réseaux terroristes. Le vieux briscard, avec son expérience et son formidable réseaux de contacts, saisit avec acuité certains aspects qu'il utilise ensuite dans son travail de romancier.
Et ça fonctionne très bien, encore une fois. En tout cas, si on aime ce genre. Bien sûr, c'est très manichéen et, même s'ils peuvent sembler monolithiques, il ne faudrait pas sous-estimer la richesse des personnages principaux, qui s'affrontent à distance. Le parcours du Traqueur, par exemple, est assez atypique et explique son rang. Et il est loin du Guignol du Commandant Sylvestre, au contraire. Même si la finalité demeure : Identifier. Localiser. Détruire.
Le point de vue est forcément très américain, Forsyth, comme une autre figure du techno-thriller, Tom Clancy, reste une figure de l'ordre, assez conservatrice. La puissance américaine doit s'étendre et la raison d'Etat est au-dessus de tout... Bien sûr, ces aspects peuvent déranger, mais c'est aussi tout le problème éthique, philosophique, politique que posent les nouveaux types de conflits auxquels notre monde est désormais confronté.
Ces guerres contre des adversaires flous, qui ne sont plus des armées clairement identifiés, sur des champs de bataille clairement délimités. Ces guerres faites avec des moyens démentiels qui renvoient les scénaristes hollywoodiens de blockbusters à leurs études. Ces guerres où l'honneur, les lois, les règles, la morale, tout cela n'entre plus en compte, ni d'un côté, ni de l'autre.
Avoir le droit ou la morale pour soi, ce n'est plus vraiment l'enjeu. A l'image de la guerre froide, on peut considérer ces conflits modernes comme une lutte frontale entre idéologies, mais ce ne sont plus vraiment des Etats qui s'opposent. Pas même du côté américain, où l'on peut vraiment se demander si les entités engagées répondent véritablement de leurs actes à quelqu'un...
Une fois ces choses dites, il faut reconnaître que la force de Frederick Forsyth, depuis toujours, c'est la qualité des renseignements qu'il obtient et qu'il utilise dans ses histoires et qui donnent, a minima, une impression de réalisme tout à fait intéressante. C'est également cela qui fait monter l'adrénaline du lecteur, assure que le suspense ne retombera pas avant la dernière page.
L'irruption du cyber-espace et de son utilisation à des fins de propagande (ce qui est valable des deux côtés, évidemment) change profondément la donne. "Kill List" n'évoque que les Etats-Unis et l'Angleterre, mais comment ne pas songer aux événements qui ont touché la France ces dernières années, et encore très récemment ?
Internet finit toujours par apparaître à un moment donné des enquêtes et l'on voit bien qu'il tient une place importante dans le cheminement de ceux que nous qualifions de terroristes. Un mode de communication universel idéal pour ceux, et j'ai volontairement utilisé l'expression plus haut dans le billet, qu'on appelle "les loups solitaires".
Bref, au-delà de la dimension romanesque, des questions de positionnement idéologiques qui, forcément, peuvent diviser, le travail de Forsyth nous concerne tous. Parce que ces conflits sont mondialisés. Et la façon de lutter efficacement contre le formidable pouvoir que représente le web, elle, reste encore bien difficile à déterminer.
Jerry Dermott est représentant de l'Idaho au Congrès des Etats-Unis, jusqu'au jour où il est abattu en pleine rue. L'assaillant ne lui a laissé aucune chance : des charges de chevrotine à bout portant. Le tireur a lui-même été tué par un policier présent sur place, mais trop tard. L'affaire fait forcément grand bruit, d'autant que les indices vont mener les enquêteurs à une piste bien inquiétante...
Dans l'appartement du tueur, dont le corps était entièrement rasé sauf la barbe, de nombreux documents sont découverts, laissant penser à une conversion à l'Islam radical. Sur le disque dur de l'ordinateur, des vidéos en grand nombre qui confirment cela : un homme au visage masqué exhorte au djihad et au martyre...
Si les enquêteurs de l'Idaho sont surpris par ces découvertes, en revanche, au siège du FBI, à Washington, on l'est, hélas, beaucoup moins. Car on a déjà entendu parler de ce prêcheur et des conséquences de ses discours. Au point qu'on l'a déjà baptisé "le Prédicateur", à défaut de connaître sa véritable identité.
Bientôt, les actions sanglantes de jeunes convertis radicaux se multiplient, à travers les Etats-Unis, mais aussi en Angleterre. Les profils sont les mêmes : des jeunes gens sans histoire, étudiants ou salariés, bien intégrés, issus de familles sans problème... Puis, la rencontre virtuelle avec le Prédicateur, le processus de conversion et de radicalisation jusqu'au passage à l'acte.
Des loups solitaires, comme on dit, qui n'ont aucun lien entre eux, n'appartiennent pas à des mouvements connus considérés comme terroristes, n'ont pas voyagé dans les pays où sont formés bien des candidats au martyre... Seule la force de conviction de ce mystérieux cyber-prêcheur a suffi à transformer ces personnes en meurtriers kamikazes...
Des tueurs qui, toutefois, ne mènent pas d'actions de masse, comme le 11 septembre, mais ciblent parfaitement leurs victimes, qui ont toutes des positions de pouvoir : élus, militaires, politiques, personnalités en vue... De quoi créer une psychose dans la population et mettre en ébullition les services antiterroristes.
Rapidement, le Prédicateur, malgré son anonymat, est placé sur la Kill List. On croit que c'est un mythe, mais cette liste existe réellement et est l'un des documents les mieux gardés au monde. S'y trouvent les terroristes jugés les plus dangereux pour les Etats-Unis, leurs citoyens et leurs intérêts. Qui est inscrit dessus est déjà condamné à mort, sans autre forme de procès.
Autrement dit, tout doit être mis en oeuvre pour mettre hors d'état de nuire ces personnages, à n'importe quel prix et sans se poser une seule seconde la question de leurs droits élémentaires. Mais, avant de pouvoir envisager de l' "effacer", il va falloir identifier ce Prédicateur et le localiser, comme le dit le mémo laconique et pourtant si clair que je cite en titre de ce billet.
Pour s'occuper de cette mission très spéciale, une officine toute aussi spéciale et toute aussi secrète a été saisie. A la tête de l'équipe qui doit retrouver et éliminer le Prédicateur, un homme tout aussi mystérieux, dont peu connaissent la véritable identité. Pour la plupart, il est "le Traqueur", et son parcours, assez particulier, nous est raconté dans la première partie du roman.
Mais le temps presse : tant qu'on ne pourra pas l'empêcher, le Prédicateur continuera de mettre en ligne ses sermons ravageurs, convaincra de nouveaux tueurs et d'autres drames se produiront. Il va falloir agir vite et bien, sans véritable droit à l'erreur et surtout, dans la plus grande discrétion. Car, il est fort probable qu'il faudra intervenir en territoire étranger et sans aucun mandat officiel, évidemment.
Commence une course-poursuite sans merci, à travers le cyber-espace, dans un premier temps. Puis dans différents endroits du globe où il ne fait pas bon traîner en temps ordinaires... Mais le Traqueur ne lâchera rien. Pas seulement parce que c'est son job, mais parce que l'affaire, entre temps, a pris un tour plus personnel. A la force brute, vient s'ajouter la soif de vengeance.
Rien de vraiment nouveau sous le soleil, en tout cas, dans la forme, je vous l'ai dit : un méchant désigné, la traque pour le mettre hors d'Etat de nuire, l'enquête, le repérage, la collecte d'informations, etc. Ce que l'on trouve habituellement dans la plupart des techno-thrillers. Et pourtant, la recette fonctionne. Parce que Forsyth sait la mettre au goût du jour.
Enfin, quand je parle de goût, le mot n'est pas très adéquat. En fait, si la structure de "Kill List" ressemble à d'autres livres de l'auteur, dans le fond, on voit l'évolution à la fois des menaces qui pèsent sur l'Occident, mais aussi des techniques de renseignements. On est loin de l'espionnage à l'ancienne, on est entré dans une ère du tout-technologique.
Et surtout, on doit s'attaquer à des adversaires virtuels. Bien sûr, l'homme surnommé "le Prédicateur" existe, en chair et en os, mais le personnage en lui-même est un pur produit du numérique, qui pourrait se trouver à peu près n'importe où dans le monde... Même si, évidemment, il doit quand même trouver un endroit d'où l'on peut mettre ses vidéos en ligne.
L'éternelle recherche de l'aiguille dans une botte de foin. Naturellement, on a tendance à se dire qu'il ne se la coule pas douce en Espagne ou en Islande et qu'il a choisi un coin correspondant à ses idéaux et à sa façon de voir le monde. Mais cela demeure un sacré challenge de remonter jusqu'à lui. Et, pour cela, le Traqueur va recevoir une aide aussi précieuse qu'inattendue...
Là encore, Forsyth réussit à briser sa routine. Alors que le Traqueur bénéficie de moyens techniques, humains et financiers très importants, un matériel à la pointe du progrès et des personnes certainement très compétentes autour de lui, c'est auprès d'un geek, un adolescent reclus dans un grenier, qu'il va aller chercher un atout fort dans sa quête de renseignements.
Comme le Prédicateur n'a pas à bouger de son refuge pour envoyer ses prêches, c'est un individu qui ne quittera pas une pièce sombre et minuscule d'une petite ville américaine qui va se lancer à ses trousses. Et, malgré tout, l'enquête n'est absolument pas statique, comme on pourrait le redouter. On a un vrai thriller, qui tient en haleine et rebondit sans cesse.
Mais c'est bien joli, la technologie et les joujoux 2.0, cela ne suffit pas encore à résoudre tous les problèmes. On n'est pas dans une partie de jeux vidéos où l'on tire à tout-va sur des ennemis virtuels. Ici, il faut concrétiser sur le terrain les fruits récoltés. Et là, on doit bien revenir à des techniques d'espionnage et d'infiltration plus traditionnelles. Mais pas moins risquées.
Les théâtres d'opération aussi évoluent. Si on s'attend à voyager du côté de l'Afghanistan et du Pakistan, Forsyth nous emmène dans d'autres lieux, en Afrique, mais aussi en Europe, là où se trouvent certains relais, financiers, en particulier, de ces réseaux terroristes. Le vieux briscard, avec son expérience et son formidable réseaux de contacts, saisit avec acuité certains aspects qu'il utilise ensuite dans son travail de romancier.
Et ça fonctionne très bien, encore une fois. En tout cas, si on aime ce genre. Bien sûr, c'est très manichéen et, même s'ils peuvent sembler monolithiques, il ne faudrait pas sous-estimer la richesse des personnages principaux, qui s'affrontent à distance. Le parcours du Traqueur, par exemple, est assez atypique et explique son rang. Et il est loin du Guignol du Commandant Sylvestre, au contraire. Même si la finalité demeure : Identifier. Localiser. Détruire.
Le point de vue est forcément très américain, Forsyth, comme une autre figure du techno-thriller, Tom Clancy, reste une figure de l'ordre, assez conservatrice. La puissance américaine doit s'étendre et la raison d'Etat est au-dessus de tout... Bien sûr, ces aspects peuvent déranger, mais c'est aussi tout le problème éthique, philosophique, politique que posent les nouveaux types de conflits auxquels notre monde est désormais confronté.
Ces guerres contre des adversaires flous, qui ne sont plus des armées clairement identifiés, sur des champs de bataille clairement délimités. Ces guerres faites avec des moyens démentiels qui renvoient les scénaristes hollywoodiens de blockbusters à leurs études. Ces guerres où l'honneur, les lois, les règles, la morale, tout cela n'entre plus en compte, ni d'un côté, ni de l'autre.
Avoir le droit ou la morale pour soi, ce n'est plus vraiment l'enjeu. A l'image de la guerre froide, on peut considérer ces conflits modernes comme une lutte frontale entre idéologies, mais ce ne sont plus vraiment des Etats qui s'opposent. Pas même du côté américain, où l'on peut vraiment se demander si les entités engagées répondent véritablement de leurs actes à quelqu'un...
Une fois ces choses dites, il faut reconnaître que la force de Frederick Forsyth, depuis toujours, c'est la qualité des renseignements qu'il obtient et qu'il utilise dans ses histoires et qui donnent, a minima, une impression de réalisme tout à fait intéressante. C'est également cela qui fait monter l'adrénaline du lecteur, assure que le suspense ne retombera pas avant la dernière page.
L'irruption du cyber-espace et de son utilisation à des fins de propagande (ce qui est valable des deux côtés, évidemment) change profondément la donne. "Kill List" n'évoque que les Etats-Unis et l'Angleterre, mais comment ne pas songer aux événements qui ont touché la France ces dernières années, et encore très récemment ?
Internet finit toujours par apparaître à un moment donné des enquêtes et l'on voit bien qu'il tient une place importante dans le cheminement de ceux que nous qualifions de terroristes. Un mode de communication universel idéal pour ceux, et j'ai volontairement utilisé l'expression plus haut dans le billet, qu'on appelle "les loups solitaires".
Bref, au-delà de la dimension romanesque, des questions de positionnement idéologiques qui, forcément, peuvent diviser, le travail de Forsyth nous concerne tous. Parce que ces conflits sont mondialisés. Et la façon de lutter efficacement contre le formidable pouvoir que représente le web, elle, reste encore bien difficile à déterminer.