Il s’agit d’un recueil de dix-sept nouvelles, regroupées dans un livre dont le titre dit bien ce qu’il veut dire. Pour rappel, une systole est une contraction cardiaque anormale survenant de manière prématurée au cours du cycle cardiaque. Sans allez jusque là - il ne faut pas charrier non plus - je reconnais que ce bouquin m’a scotché ! Je n’avais jamais entendu parler de Carole-Anne Eschenazi à ce jour, j’espère qu’on en reparlera longtemps dans le futur.
Tout m’a plu dans ce recueil car tout est bon. Toutes les histoires tiennent la route et s’achèvent sur une chute très réussie et souvent rude teintée d’humour noir. Leurs héros sont des personnages quelconques, de ceux que l’on croise dans la vie de chaque jour, à ce détail près que croiser les gens n’est pas les connaître, et les connaître un peu c’est entrer dans le jeu machiavélique de l’écrivain qui nous amènera à la chute brutale et stupéfiante. Il y a là Emma, amoureuse, hélas pour elle, de cet acteur anglais bien connu ; Benjamin, ce gamin précoce en amour et Julien, le lycéen trop balèze en maths, hélas pour sa prof ! On croise aussi une escargologue (« C’est quoi ça, comme métier ? »), un vieux soldat rêvant d’amour, un Grand Ecrivain n’ayant que l’écriture pour maîtresse, hélas pour celles qui ne l’auront pas compris… Carole-Anne Eschenazi ne se cantonne pas à écrire des histoires intemporelles, elle touche aussi au concret et au social, un petit commerçant braqué sept fois et qui ne veut plus se laisser intimider, le patron de bistro qui craint la montée du FN et ce chasseur qui s’en réjouit…
De bons scénarii ne suffisent pas pour faire de bonnes nouvelles, ils leur faut encore tout le reste, ce qui fait le réel écrivain et donc le talent. Rassurez-vous, il y en a aussi ! L’écriture est puissante et dense, sans remplissage aucun. J’y ai vu de nombreuses références discrètes au monde du cinéma, ou plus appuyées comme dans Joyeux Noël qui m’a vaguement rappelé le film de Bertrand Blier, Préparez vos mouchoirs (1978). La dernière nouvelle, Comme elle, m’a semblé un pastiche de Maurice G. Dantec, tout en restant dans l’optique de l’auteure, et je n’oublie pas Corps et bien, superbement écrite, dans une prose qui sonne comme des alexandrins à la lecture. Enfin, et c’est peut-être ce qui m’a le plus emballé dans ce recueil, outre le thème général, les névroses et les vies qui déraillent, ces textes ne sont pas aussi isolés qu’on pourrait le penser. Ils entrent en résonance les uns avec les autres, souvent par paires, discrètement quand un personnage d’une nouvelle est cité dans une autre, mais c’est particulièrement évident avec Et tonnerre frappa, ce qui donne l’impression à lire cet ouvrage, d’un long travelling dans votre rue, avec des gros plans sur tel ou telle, silhouettes anonymes jusqu’alors.