Rouge Brésil [Jean-Christophe Rufin]

Par Charlotte @ulostcontrol_
Hello,
Ayant de plus en plus envie de découvrir Jean-Christophe Rufin et me passionnant aussi de plus en plus pour le Brésil, la suite logique était que je lise Rouge Brésil de l'auteur spécialiste de romans historiques.

Just est l'aîné de Colombe de deux ans seulement. Orphelins, ils n'ont jamais connu leur mère et connaissent à peine plus leur père. En glanant des informations ici et là, auprès de ceux qui prétendent l'avoir connu, ils ont reconstitué une image héroïque et fantasmée de celui qu'ils espèrent plus que tout revoir un jour. C'est d'ailleurs au Brésil que les deux enfants pensent le retrouver : embarqués à bord par Dom Gonzagues pour peupler la colonie que l'amiral de Villegagnon s'est donné pour mission d'établir là-bas. Avec ce roman historique à la frontière avec le roman d'aventures, Jean-Christophe Rufin nous romance la tentative de colonisation du Brésil par les français en 1555, aujourd'hui quasiment tombée dans l'oubli.
Rouge Brésil est d'abord, tout simplement, l'histoire de la colonisation. Rencontre et choc entre deux civilisations, volonté de l'une d'imposer sa culture à l'autre, on découvre à travers le personnage de Villegagnon les ambitions des français, la volonté de civiliser un peuple et d'étendre la sphère d'influence de la France en construisant cette « France antarctique ». Personnages souvent animés par la haine, quasiment toujours par le mépris et l'indifférence, ils croient accomplir une oeuvre charitable et agir au nom de valeurs nobles.
Sans nous abrutir de références historiques, l'auteur aborde toutefois quelques sujets phares de cette époque, je pense notamment à la réforme protestante des années 1500. Il faut savoir que si je me débrouille en histoire (relativement) contemporaine, mes connaissances à propos des époques précédant le dix-huitième siècle sont très médiocres et limitées : je ne connaissais donc pas bien du tout la colonisation du Brésil par le Portugal ni les conflits religieux qui avaient lieu à l'époque en Europe. Et pourtant je n'ai pas vécu la lecture de ce roman comme une épreuve, au contraire j'en ressors avec plus de connaissances et plus d'ordre dans celles-ci, et l'envie de m'informer davantage sur cette époque.
« Pendant leurs longues conversations, le soir, l'Indienne avait interrogé Colombe sur la France, sur sa vie, sur la conception qu'on se faisait en Europe de l'amour. Paraguaçu était surprise par ce sentiment, non que les Indiens l'ignorassent mais parce qu'ils en faisaient un emploi différent. L'amour était pour eux une aptitude multiple et éclatée qui ne se satisfaisait pas d'un seul être. On aimait ses enfants, on aimait ses parents, on aimait sa tribu, on aimait le soleil et les arbres favorables, on aimait l'eau des cascades et le vent tiède sur les plages, on aimait la terre qui pourvoit aux besoins humains, on aimait la nuit et le jour, le feu et le sel, l'autruche et le tapir. Et dans ce tissu serré d'amour et de crainte, il n'était pas envisagé qu'un seul être accaparât tout pour lui. De surcroît, quand il s'agissait d'un choix aussi lié à l'ordre du monde que celui d'un mari et d'un père pour ses enfants, la préférence de l'individu ne comptait pas et même pouvait être regardée comme criminelle. Il fallait se soumettre aux règles de la tribu. Pourtant, Paraguaçu, par les mille questions qu'elle posait, montrait combien l'image nouvelle que Colombe lui peignait de l'amour la séduisait. » p.507
Au-delà de l'aspect historique, c'est surtout la rencontre entre deux mondes, deux civilisations que raconte ici Jean-Christophe Rufin, et c'est d'ailleurs ce qui m'a le plus marquée. La nature par exemple, sacrée pour les peuples indigènes, prend d'autant plus d'importance qu'elle reflète la place que chaque civilisation accorde à Dieu : « en dépouillant la nature du sacré, ils l'ont laissée sans protection, soumise à la volonté meurtrière des hommes »« ce n'est pas l'homme qui a été chassé du paradis terrestre, mais Dieu. Et l'homme s'est emparé de la création, pour la détruire. » (extraits de la page 511). A travers le personnage de Colombe, qui est particulièrement attirée et intéressée par le peuple indigène, on (re)découvre la poésie et le caractère sacré de la nature. Colombe est d'ailleurs mon personnage préféré de cette histoire : petite fille qui s'est faite passer pour un petit garçon pendant plusieurs années, curieuse et tolérante, volontaire pour découvrir tout ce que les indiens ont à lui apprendre, j'ai trouvé qu'elle avait une très belle personnalité et qu'elle donnait au livre ses plus beaux passages.
« En cet instant, courant parmi les bouquets d'euphorbes et de frangipaniers, son corps aguerri et caressé de peintures rituelles, jeune et tendu comme les feuilles turgescentes de caoutchouc, elle se sentait au carrefour de toutes les forces et de toutes les douceurs, de toutes les fermetés et d'autant de tendresses. Aucun lieu du monde, aucune époque n'aurait pu lui donner cette liberté, cette puissance. Tandis que le bleu pâli d'eau de la baie s'ébauchait au-dessus des arbres, elle sentait son âme prendre la même teinte pastel et sans ombre du bonheur. » p.419

Le style de Jean-Christophe Rufin est agréable à suivre, jamais trop dense ni trop fourni en détails historiques, il propose à son lecteur des informations intéressantes et nécessaires pour comprendre les enjeux de l'époques pour ensuite s'en passer et favoriser la fiction -elle est donc incroyablement bien maîtrisée. En revanche, je n'ai pas été subjuguée par cet auteur et n'ai pas découvert en lui un nouvel « auteur coup de cœur ». Le Grand cœur me fait toujours envie, mais je pense laisser passer un peu de temps avant de le lire. Finalement, j'ai apprécié ma lecture de Rouge Brésil sans pour autant y prendre un plaisir fou : j'ai aimé ses personnages caractériels et toujours dans l'action et la rencontre entre ces deux mondes, mais je n'ai pas été transportée par leurs aventures ni épatée par l'écriture de l'auteur. Une bonne lecture, mais qui ne m'a pas transmis beaucoup d'émotion, en définitive.

La conquête du Brésil par les Français est un des épisodes les plus extraordinaires et les plus méconnus de la Renaissance.
Rouge Brésil raconte l'histoire de deux enfants, Just et Colombe, embarqués de force dans cette expédition pour servir d'interprètes auprès des tribus indiennes. Tout est démesuré dans cette aventure. Le cadre : la baie sauvage de Rio, encore livrée aux jungles et aux Indiens cannibales. Les personnages - et d'abord le chevalier de Villegagnon, chef de cette expédition, nostalgique des croisades, pétri de culture antique, précurseur de Cyrano ou de d'Artagnan. Les événements : le huis clos dramatique de cette France des Tropiques est une répétition générale, avec dix ans d'avance, des guerres de religion.
Fourmillant de portraits, de paysages, d'action, Rouge Brésil, écrit dans une langue à l'ironie voltairienne, prend la forme d'un roman d'éducation et d'amour. Mais plus profondément, à travers les destins et les choix de Just et de Colombe, ce livre met en scène deux conceptions opposées de l'homme et de la nature. D'un côté, la civilisation européenne, conquérante et universelle, qui se veut libératrice et se découvre meurtrière. De l'autre, le monde indien, avec sa sensualité, son sens de l'harmonie et du sacré, le permament appel du bonheur...


Quel roman historique me recommanderiez-vous ? Avez-vous déjà lu Rouge Brésil ou un autre roman de Jean-Christophe Rufin ? Aimez-vous les livres de cet auteur ou avez-vous envie de les découvrir ?