Bouquiner

Par Entre Les Pages @EntreLesPages

Bouquiner est l’autobiobliographie d’Annie François, c’est à dire le livre dans lequel elle confie ses habitudes, ses pensées, ses interrogations de passionnée de lecture. Elle s’exprime sur un peu plus de cinquante deux points intitulés par exemple « Boulimie », « Code-barre », « Alitement », « Déplacements », « Rangement », « Tomes tonnes », « Pathologie générale du lecteur », « Panique », « Achats » ou « Lectures croisées ». A travers ces courts chapitres, elle partage sans aucune concession sa vie avec les livres, ses réactions face à eux, les endroits où elle les achète, ce qu’elle en fait, ce qu’ils représentent. Elle discute aussi de la place qu’ils ont dans la société, de son travail, de son mari, de ses amis, de cette absence d’envie de lire qui a été là un jour.

« En matière de livres, il y a mille approches, mille accroches : un auteur, un pays, une rencontre, un genre, des circonstances, un format, une humeur, une saison, une maison, etc. Tant de choses. Tout est prétexte. Rien n’est indifférent. »

D’emblée, par son titre et ce qu’en dit l’éditeur, Bouquiner a le pouvoir de séduire n’importe quel féru de lecture. Pas besoin de le feuilleter, le lecteur sait qu’il trouvera dans ce livre toute la passion qui l’anime, qu’il n’arrive peut-être pas à mettre en mots, qu’il ne peut pas partager avec tout le monde. Il est convaincu qu’il passera un moment exquis, qu’il se sentira moins seul. Un livre qui parle de livres, c’est bien connu, c’est jouissif. Il sait qu’il se retrouvera dans ces lignes, dans ces actes, dans ces désirs fous. Est-ce le cas ? Oui et non. Mais le « non », ici, n’est pas défavorable. Il se trouve seulement que chaque amoureux des livres a ses propres pratiques, sensations, rêves, idées et que l’auteur touche ici quelque chose de très sensible que cet accouplement avec la littérature et son objet.

 

« Le lecteur en apnée est imprévisible : un petit baiser dans le cou peut le faire sauter au plafond. C’est un asocial, un solitaire, une sorte d’autiste. Essayez de l’empêcher de finir son paragraphe : l’être le plus amène s’ensauvage. Tant qu’un lecteur n’a pas reposé son livre de son plein gré, c’est un individu potentiellement dangereux. »

La lecture contient donc de délicieux moments quand le lecteur se revoit lui aussi lire d’un seul œil quand l’autre a abdiqué, se rappelle que chez lui aussi des plats peuvent griller tant il est captivé par un roman ou qu’il ne peut jamais repartir d’une librairie avec le seul et unique titre qu’il avait noté mais plutôt avec cinq ou six ouvrages. Mais quand Annie François jette un ouvrage à la poubelle, casse le dos des livres car elle n’utilise pas de marque-page, dessine (même!) sur la dernière page ou critique durement les livres de poche (avant de se raviser), il est possible de se sentir ébranlé et en colère. Tant pis ! C’est sa « relation ». Qui va d’ailleurs souvent plus loin que ce genre de détail dans la réflexion et de manière très intéressante. C’est là aussi comme un des buts de cet ouvrage drôle et touchant, de faire établir à chacun plus clairement ses rituels, ses perceptions. Dans tous les cas, le lecteur partage avec l’auteur ce qui le lie au livre, quelque chose de profondément et d’infiniment intime qu’évoquer est toujours aussi merveilleux que délicat, aussi fascinant qu’intrusif.

Présentation de l’éditeur :
A ceux qui demandent  » Dis-moi ce que tu lis… ? « , l’auteur répond par  » Comment je lis « . Couchée ? Assise ? Au bureau, à la maison, à l’hôtel, au restaurant, dans le métro, à l’hôpital ? Pourquoi ci ? Pourquoi ça ? Avec ou sans marque-page ? Sur les conseils d’un ami, d’un critique, d’un libraire ? Des gros volumes, des opuscules ? Comment classer, empiler, ranger, ne pas ranger, déranger ses livres ? Déménager à cause des livres ? Quel plaisir prend-on au velouté ou à la finesse du papier, à la souplesse ou à la rigidité des reliures, au bruit des pages qu’on feuillette, à leur odeur ? Quel rapport avec la mémoire ou l’oubli, la culture et l’inculture ? Au fil d’une cinquantaine de chapitres drôles ou émouvants se dessinent une sorte d’autobiobibliographie, de portrait d’un couple, d’une tribu amicale, d’une confrérie de lecteurs dont on aime à se sentir proche.