La Face cachée de Margo

Par Loulou Coco

 

   La Face cachée de Margo de John Green.




Si vous ne vous êtes pas enfermé(e) dans un bunker pour passer l’été, vous avez surement dû entendre parler de ce livre pour adolescents. Deux raisons à cela :
1. Il vient d’être adapté au cinéma avec un casting qui fait baver d’envie les adolescent(e)s du monde entier.
2. Il est écrit par M. John Green, le grand manitou des livres pour adolescents de ces dernières années.

Tout ce tapage médiatique pour un seul livre a de quoi faire rêver bon nombre d’auteurs jeunesse. Seulement, lorsqu’on me vend un livre comme étant un pur chef d’œuvre, j’aime autant vérifier par moi-même.

Margo Roth Spiegelman fait fantasmer Quentin depuis toujours. Il est convaincu que Margo est son miracle et ce depuis leur plus tendre enfance, lorsqu’ils jouaient ensemble dans les cours de récré. Désormais, Margo est la fille la plus populaire du lycée, petite-amie du beau gosse et amie de tous, tandis que Quentin se fait discret et traîne avec les geeks. Autant dire qu’un monde les sépare à présent. Alors forcément, lorsqu’elle s’introduit dans sa chambre, une nuit, par la fenêtre ouverte, pour l’entraîner dans une expédition vengeresse, il s’étonne mais la suit quand même. Sans surprise, il passe la meilleure nuit de tous les temps, mais le lendemain, Margo n’apparaît pas au lycée. Elle a disparu. Ce n’est pas la première fois et même le policier affecté à sa recherche ne semble pas se faire de mourons : Margo va revenir. Mais lorsque les jours passent, Quentin se fait de plus en plus de souci. Jusqu’à ce qu’il trouve un indice laissé par la jeune fille à son attention. Pour lui, et ses amis, c’est le début d’une folle aventure qui va les mener dans le plus délirant road trip de tous les temps.

Une nuit de folie, vue par John Green …

 

Le roman se sépare donc en trois parties : la première décrivant la folle nuit de Quentin et Margo, la seconde décrivant la quête aux indices et la troisième, le road-trip. J’ai adoré la première et la dernière partie, tant l’énergie déployée par les personnages pour arriver à leur fin est communicative. Seulement, le soufflé est retombé dans la partie centrale et on ne peut pas dire que ce soit le seul souci de ce livre.

Ce à quoi devrait toujours ressembler un road trip

 

Je dois avouer que le roman se lit vite et facilement grâce à une écriture fluide et un suspense tiré au couteau. Cependant, l’écriture de John Green m’attire autant qu’elle me hérisse le poil. L’auteur est très friand des métaphores et des pensées philosophiques. Tout, dans le livre, est sujet à propension philosophique. La philosophie ne me gêne pas, mais lorsqu’elle se glisse dans chaque page, à des moments qui ne nécessitent pas d’être aussi mélancoliques (car oui, ce type de philosophie me laisse mélancolique), ça en devient répétitif et lassant. Voici un exemple de philosophie que vous pouvez trouver dans La Face cachée de Margo :

« On a tous des failles. Tout le monde commence comme un vaisseau étanche. Et puis des évènements se produisent, on est quitté, on n’est pas aimé, on n’est pas compris, on ne comprend pas les autres, et on se perd, on se déçoit et on se fait du mal. Le vaisseau commence alors à se fissurer par endroits. Et effectivement, une fois que le bateau prend l’eau, la fin est inéluctable. Quand il commence à pleuvoir à l’intérieur de la galerie marchande, on sait qu’elle ne sera jamais reconstruite. Mais entre le moment où les fissures apparaissent et celui où l’on sombre, il s’écoule un immense laps de temps. Ce n’est que dans cet intervalle qu’on se perçoit mutuellement, parce que, par nos fentes, on voit à l’extérieur de nous et à l’intérieur des autres par les leurs. Quand s’est-on vu face-à-face ? Pas tant que tu n’as pas glissé ton regard par mes fentes et moi le mien par les tiennes. Auparavant, on contemplait l’idée qu’on s’était faite chacun l’un de l’autre. Mais une fois le vaisseau fissuré, la lumière peut entrer. Et sortir. « 

On est d’accord, c’est très joliment dit. Mais je ne suis pas sûre que tous les adolescents pensent de manière aussi philosophique (ou alors, c’est que je n’étais pas une adolescente normale).

Dans le même temps, j’admire ce trait d’écriture de John Green. Faire passer autant de messages philosophiques dans des livres jeunesse ça pourrait être suicidaire et pourtant, quand on voit le succès phénoménal de chacun de ses livres, on se dit que les adolescents ne sont pas si allergiques à la philo que ça. John Green prend ses lecteurs pour ce qu’ils sont : des adultes en devenir, terrorisés par un avenir que leurs parents pensent tout tracé, mais foncièrement intelligents. Ce qui explique son succès.

Non, les adolescents ne font pas QUE chanter sous la douche (par contre, ils chantent faux)

 

Cette difficulté à savoir si j’aime ou pas le style John Green est un « problème » que j’avais déjà rencontré dans Nos Etoiles contraires, même si le fond du livre m’avait conquise. Ici, on ne peut pas dire que le fond m’ait conquise. L’histoire avait pourtant tout pour me plaire : j’aime les énigmes et les histoires d’amour impossible.
Seulement voilà, j’ai détesté les deux héros ! Je les ai trouvés égoïstes comme pas possible. Lorsque Margo prend la décision de fuguer, elle entraîne Quentin dans sa fuite. Non pas de manière physique mais en lui laissant assez d’indices pour qu’il se torture l’esprit (et le nôtre par la même occasion) pendant la moitié du livre. Les indices ne semblent mener à rien, et pour cause, elle n’a jamais voulu qu’on la retrouve. Margo l’avoue elle-même, elle voulait simplement apprendre à Quentin à profiter de la vie en faisant des choses complétements incongrues et potentiellement dangereuses pour briser la routine de sa vie. Sa réaction lorsque Quentin arrive enfin à la retrouver me laisse pantoise : comment peut-on envoyer promener une personne qui a remué ciel et terre pour s’assurer que vous êtes simplement en vie ? Pour Margo, tout cela (la fugue, les indices, et autres) n’est qu’un jeu. Pas une seule fois elle ne pensera aux vies qu’elle saccage sur son passage. Cela peut être perçu comme de l’indépendance par certains, moi je trouve que c’est simplement de l’égoïsme.

Quant à Quentin, s’il m’était sympathique pendant toute la première moitié du roman, mon ressenti envers lui a vite changé lors du bal du lycée. Quentin est anti-bal : il refuse de s’y rendre. Cette haine s’est accentuée lorsque Margo a disparu : pour lui, il était inconcevable de s’amuser alors que Margo pouvait être en danger. Ce que je comprends. En revanche, je ne comprends pas son sermon envers ses amis à qui il reproche de ne pas s’inquiéter assez, de ne pas penser, comme lui, à Margo H24. Ce comportement est vite remis en question par l’auteur lui même, lorsque l’un des personnages rappelle au héros que 1) ils ne sont pas amis avec la dénommée Margot mais avec lui ; 2) ce n’est pas la première fois qu’elle fugue et qu’elle revient sans crier gare saine et sauve ; 3) que c’est leur dernière année de lycée et qu’ils ne vont pas laisser Margo leur voler la seule soirée qui vaut le coup de subir les cours interminables. Je ne me souviens plus du personnage qui dit  tout haut ce que je pensais tout bas, mais je lui ferais bien un câlin.

Finalement, ma lecture de La Face cachée de Margo me laisse mitigée. J’ai aimé vivre l’aventure extraordinaire de la bande de Quentin, mais j’ai vraiment eu du mal avec le comportement de Margo. Ceci dit, le roman nous livre certains passages philosophiques forts qui nous font remettre en question notre vie et la manière dont on la vit. En tout cas une chose est sûre, lire La Face cachée de Margo ne vous laissera pas indifférent(e) !

Bonne lecture les cocos !


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