Chronique « Metropolis, tome 3 »
Scénario de Serge Lehman, dessin de Stéphane de Caneva,
Public conseillé : Adultes / grands adolescents
Style : Polar uchronique
Paru chez Delcourt, le 19 aout 2015, 96 pages couleurs, 15.95 euros
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L’histoire
1936, Métropolis. Au cœur d’une Europe en paix depuis trois quarts de siècle, Gabriel Faune enquête sur un triple homicide, découvert sous la tour de la Réconciliation.
Assisté du commissaire Lohmann, absorbé par sa lutte intérieure contre « M » (sa double personnalité violente), Faune pousse ce dernier à basculer du mauvais côté…
Chapitre 7 (XLV) 17 mai. Gabriel fait un rêve. Il descend dans les souterrains éventrés de la place et tire sur les cadavres réanimés des trois victimes. Poussé dans le vide, il tombe dans un labyrinthe gardé par les hommes du “Secret”…
En arrivant au bureau tardivement, il est attendu par Destouche. Après avoir terminé sa dernière autopsie, le médecin légiste a mené sa petite enquête personnelle. Dans la liste des femmes disparues, il a identifié Renate Müller, une comédienne disparue en septembre 33. Seconde bonne nouvelle, Lohman a établi un lien entre Hanish et le groupe “Wolff”…
Ce que j’en pense
Annoncée en quatre tomes, cette série de Serge Lehman prend son temps pour développer les personnages et situations. Après deux premiers tomes qui posaient les enjeux dramatiques (complexes et souterrains) de l’histoire, Lehman s’attaque à la résolution, ou plutôt aux premières pistes. Fausses pistes, virages et contre-enquête, la partie s’annonce plus fine et plus subtile que prévue…
“Métropolis” pourrait bien être le “chef d’oeuvre” de Serge Lehman. A son aise dans cette uchronie riche, bourrée de références, il s’amuse à nous perdre avec un plaisir évident.
Après la psychanalyse et le bon docteur Freud, les films expressionnistes allemands (“Loulou”, “M le maudit”, “Métropolis”), voici qu’il invite un nouveau personnage historique dans la danse. Un certain “Adolf Hitler”, peintre raté et illustrateur de magazines de bandes dessinées…
Amateur et connaisseur de la culture germanique artistique des années 30, Lehman s’amuse à peupler son monde parallèle, de références riches et complexes (Marcel Duchamp, Gustav Klimt..). Mais les références ne servent pas qu’à amuser la galerie. Ils densifient et encrent le récit dans ce “réel alternatif”.
Côté personnages, Serge fait un travail d’orfèvre. Le commissaire Lohman, Gabriel Faune, Loulou, tous les protagonistes principaux évoluent lentement et sûrement. C’est un bel exemple de scénario finement travaillé.
L’intrigue n’est pas oubliée. Chaque pièce trouve sa place dans ce puzzle “labyrinthique” et psychologique. Pour Faune, notre guide dans Métropolis, La frontière entre “réel” et “imaginaire”, vrai et faux s’estompe de plus en plus, en nous laissant dans le flou. Est-il fou ? Le monde est-il truqué ? Impossible d’y répondre pour l’instant…
Coté dessin, Stéphane de Caneva assure un travail de qualité. Cet autodidacte, repéré sur le Net, s’améliore à chaque nouveau tome. Les décors de villes, de plus en plus prégnants, donnent un vrai rôle à la mesure de cette ville imaginaire.
Les personnages restent un peu “techniques”, mais l’expressivité est au rendez-vous.
L’encrage fort, très inspiré des comics américains, sert bien le récit, avec un découpage assez simple et efficace. Quand il se permet des “accidents graphiques” (mélange entre l’art de l’époque et les cases de BD), Stéphane révèle de nouvelle pistes fort intéressantes…
Pour résumer, ce troisième tome de “Métropolis” nous entraîne un peu plus profondément dans les enquêtes des inspecteurs Faune et Lohman. Meurtres multiples, terrorisme, revendications identitaires, Serge Lehman et Stéphane de Caneva nous offrent un récit dense et complexe. De plus, cette uchronie bourrée de référence est d’une cohérence étonnante. Voila deux bonnes raisons pour attendre avec impatience le quatrième et dernier tome de la série.