J'ai longtemps hésité à prendre, comme je le fais souvent, une phrase du livre pour servir de titre, mais, finalement, j'ai changé mon fusil d'épaule, tant la phrase d'introduction de la chanson de Claude Nougaro a trotté dans ma tête au long de la lecture. Et puis, il y a un autre point en faveur de ce choix, la proximité entre les titres de la chanson et du roman : "Il y avait une ville", pour Nougaro, et "Il était une ville", pour le nouveau roman de Thomas B. Reverdy (en grand format chez Flammarion). Une distinction qui fera sens, enfin, je l'espère, lorsque vous aurez lu le billet qui vient... Un roman qui a attiré mon attention en raison du cadre choisi par le jeune écrivain français : Detroit. Motor City, la Motown, les Pistons... Voilà ce que signifie ce nom pour moi. Mais, depuis près d'une décennie, une ville en pleine dégringolade, une coquille vidée de sa substance, véritable ville fantôme, immortalisée dans d'impressionnants reportages photos. Ma curiosité a été récompensée, car j'ai beaucoup aimé la manière dont Thomas B. Reverdy a utilisé ce contexte si spécial dans son livre... Explications...
Detroit. La ville de l'automobile, General Motors, Ford et Chrysler, comme une Sainte-Trinité sur laquelle s'est fondée la ville du Michigan. Mais, l'automobile made in USA a connu une terrible crise, qui ne remonte pas au début du XXIe mais y a culminé. Et ainsi a débuté un terrible cercle vicieux, vortex qui a englouti la 18e ville des Etats-Unis... La plus violente, aussi.
A la crise industrielle, s'est ajoutée la violente affaires des subprimes, qui a coûté à tant de familles des classes moyennes ou inférieures, leurs maisons, une incroyable affaire de corruption visant le charismatique maire de la ville et un gouffre financier, plus de 18 milliards de dollars de dette (!!), va détruire comme un raz-de-marée les services publics, gérés par la municipalité...
En quelques mois, le centre-ville va se vider presque entièrement de ses entreprises, puis de ses habitants, puis de ses commerces... Motorcity coule une bielle, le moteur tousse sérieusement et la panne complète arrive bientôt. Telle une gigantesque ville de chercheurs d'or au temps de la ruée californienne, au XIXe siècle, Detroit devient une ville fantôme...
C'est dans cet univers hallucinant que débarque un jeune français, Eugène, chargé d'une mission capitale : relancer l'industrie automobile à Detroit, cette activité qui est le cerveau, le coeur, les poumons d'une ville en coma dépassé. Eugène est cadre au sein de l'Entreprise, un grand groupe multinational, qui s'est allié avec certains de ses concurrents pour créer le nouveau modèle d'avenir.
Une voiture du futur qui serait produite à Detroit, sur ses chaînes de montage désertées après avoir vu se réaliser bien des projets audacieux qui font partie de l'histoire de l'automobile. Le jeune homme n'est pas dupe, il sait que sa situation est tout sauf confortable : après un échec en Chine, la mission qui lui est confiée à Detroit est tout sauf un cadeau. Seule la réussite est envisageable...
Alors qu'il essaye de se familiariser avec ce nouveau cadre de vie, assez étrange, rues désertes, soirée sous couvre-feu ou presque, bâtiments et bureau abandonnés, fonctionnement aléatoire d'à peu près tout, il va rapidement comprendre que ce qu'il redoutait n'est rien à côté de la réalité : le projet qu'il doit monté a été torpillé avant même son lancement...
Dans le même temps, on rencontre d'autres personnages, des habitants de Detroit, parmi ceux qui restent. Malgré tout. En particulier un jeune garçon et sa grand-mère. Charlie a 12 ans, c'est un petit maigrichon qui zone déjà avec ses potes lorsque la nuit tombe, dans cette ville changée en aire de jeux immense.
Bon, des jeux un peu stupides, comme lorsque avec ses amis, ils mettent le feu à une maison et, le temps que les pompiers, un des derniers services encore à peu près en état de marche, ils font cramer près de 400 bâtiments d'un coup ! Charlie et son meilleur ami, Gros Bill, ne sont pas vraiment des délinquants, en tout cas, pas des caïds, des terreurs ou des membres de gangs.
Non, juste des gamins désoeuvrés dans une ville qui a sombré dans le chaos, où toute idée même de repère n'a plus aucun sens. Charlie n'a plus de parents depuis bien longtemps, Gloria, sa grand-mère, fait ce qu'elle peut pour maintenir un semblant de famille, mais Charlie est livré à lui-même et se laisse facilement entraîné dans des bêtises qui seraient certainement vénielles partout ailleurs et prennent ici des proportions folles.
Lorsque Charlie disparaît, Gloria, dont le père était venu travailler dans les usines automobiles après la Grande Dépression, abandonnant les champs, les postes de journaliers, les Etats du Sud où sévissait le racisme plus fortement encore qu'ailleurs, va s'appliquer à retrouver son petit-fils, sans doute la dernière chose qui la rattache à cette ville maudite où elle a tout connu. Qui la rattache à la vie, aussi.
Elle va alors recevoir le soutien d'un homme hors norme. L'inspecteur Brown est un vieux de la vieille de la police de Detroit. Depuis qu'il a sa plaque, il a tout vu. La folie, la corruption, la désertification, la violence. Et les disparitions. On ne les compte même plus, tant elles sont nombreuses. Particulièrement des enfants.
Mais Brown ne lâche pas. Dans des conditions matérielles ahurissantes, avec un matériel informatique antédiluvien, des archives à l'abandon, des fichiers pas tenus à jour et un découragement général de troupes qui assure désormais un service plus que minimum, lui se bat, s'entête, veut comprendre pourquoi ces gamins s'évaporent dans cette ville morte.
Enfin, il y a Candice. Elle est serveuse dans un des rares établissements qui ouvrent encore en soirée. Presque une sinécure après ce qu'elle a connu auparavant. Elle aurait pu fuir cette ville, mais elle a choisi de rester. Son sourire, presque anachronique dans ce décor infernal, est rafraîchissant et réchauffe le coeur autant que les boissons qu'elle sert.
Dans "Il était une ville", on suit donc le quotidien chancelant de ces personnages dans un décor apocalyptique. Le mot peut paraître fort, mais je l'ai choisi à dessein. En effet, lorsque l'on regarde les photos de la ville de Detroit prises ces dernières années (je vous renvoie au lien plus haut), on a l'impression que tout s'est arrêté d'un coup.
Detroit, c'est la Pompei de l'ère industrielle, saisie par quelque chose qui a brusquement tout arrêté... Detroit, c'est un fantasme réel pour auteur de romans dystopiques, car on a là un décor parfait, grandeur nature, pour servir de cadre à ces récits qui se déroulent dans des mondes détruits, en partie éradiqués, que ce soit par une guerre, un virus, une attaque de zombies ou d'extraterrestres, etc.
Thomas B. Reverdy crée alors une trame de dystopie du réel. Sauf que ce ne sont pas ces catastrophes extraordinaire qui ont frappé la ville mais bien l'inconscience humaine, le libéralisme à outrance, l'orgueil insensé qui néglige les prévisions d'avenir, la malhonnêteté et la corruption de politiques, la violence des dealers et des gangs...
Mais l'auteur utilise parfaitement cette analogie en faisant évoluer ces personnages dans un décor digne d'un film d'horreur, où l'on s'attend à chaque instant de voir surgir un monstre quelconque dans le dos de tel ou tel protagoniste. On a le sentiment de survivants cherchant à se sortir d'une tragédie qui se déroule sous leurs yeux, sans se faire engloutir par cette ville digne d'un roman de Stephen King ou de Richard Matheson...
Evidemment, l'angoisse n'est pas la même et la blonde qui hurle ne sera pas la première à se faire décapiter et éventrer. Ce n'est pas le propos. Mais, le mélange entre le récit de ces êtres, qui sont d'ailleurs tous au bord du gouffre, pour des raisons différentes, s'inscrit vraiment bien dans ce décor sombre et menaçant de cette ville exsangue.
En jouant avec un certain nombre de codes du roman horrifique ou apocalyptique, comme je crois qu'il l'avait déjà fait dans "les évaporés", en utilisant ceux du polar, Thomas B. Reverdy installe une ambiance assez lourde, en particulier autour du personnage d'Eugène. Dans l'immeuble où il travaille, règne la désolation et le silence extérieur laisse penser que le monde autour a cessé d'exister...
Derrière lui, une critique implicite de ce libéralisme économique oublieux de l'humain, de ces grandes entreprises qui n'hésitent pas à offrir des placards plus ou moins dorés aux collaborateurs qui ne réussissent pas assez bien... La Chine, évoquée en filigrane, fait penser aux délocalisations et à leurs résultats parfois mi-figue, mi-raisin. Mais relocaliser n'est pas si évident, on le voit ici...
Tous cherchent à survivre, et ils ne sont certainement pas les seuls. Mais, plus encore que le processus physique de la vie, c'est une raison de vivre que Eugène, Charlie, Gloria, Brown et Candice recherchent, chacun à leur manière et en fonction de leur situation individuelle. Une lumière au bout du tunnel ? Un embryon vers la renaissance ?
On en vient alors au petit jeu sémantique initié au tout début de ce billet. Pour Nougaro, c'est "il y avait une ville". Je pense qu'avec ce que j'ai essayé d'expliquer plus haut, vous voyez le lien, l'incroyable impression de disparition éclair de Detroit, comme frappée par un rayon mortifère... Mais, pour Thomas B. Reverdy, c'est "Il était une ville". Un auxiliaire qui change bien des choses.
Et qui se justifie là encore dans le texte du roman. Et si, finalement, on était dans un conte ? Un conte gothique, dans un univers digne des frères Grimm, avec un univers oppressant et effrayant et son croquemitaine. Je n'ai pas parlé de ce dernier, je vous laisserai le découvrir, mais il existe bien. Il ne s'agit pas d'un ogre, d'un loup-garou, d'un zombie ou autre, mais d'un être comme vous et moi.
Un personnage qui va s'assimiler à un conte populaire, celui du joueur de flûte de Hamelin. A plusieurs reprises, cette idée revient en guise d'explication à l'hémorragie de cette population ayant abandonné le centre-ville en laissant presque tout derrière elle. Plus particulièrement, ce sont les innombrables disparitions d'enfants qui font naître cette idée du joueur de flûtes...
Dans ce roman où la neige, le froid et la nuit tiennent une place importante, ajoutant au côté apocalyptique de l'histoire, il y a énormément d'impuissance. Le drame se déroule sous nos yeux, mais ce n'est qu'une des séquelles, une radicelle, du drame central qui a fait de Detroit un amas de ruines mortes-vivantes.
Mais, on a aussi des personnages qui ne baissent jamais les bras. Croient-ils encore à quelque chose, en Dieu, au bien et au mal, à n'importe quel discours qu'on pourrait leur servir ? Possible, mais surtout, je crois qu'ils croient tous profondément en l'humanité. Ils la croient capables de surmonter ce malheur et, pourquoi pas, recréer autre chose. Se rebâtir une existence.
J'ai découvert Thomas B. Reverdy avec ce roman, je n'avais pas été attiré par "les évaporés", son plus grand succès jusqu'ici. Un tort, peut-être, il faudrait que je me penche plus sérieusement sur la question. Car cet exercice de style entre réalité et horreur, les deux sachant parfaitement se côtoyer de près, hélas, m'a fait passer un bon moment de lecture.
Detroit. La ville de l'automobile, General Motors, Ford et Chrysler, comme une Sainte-Trinité sur laquelle s'est fondée la ville du Michigan. Mais, l'automobile made in USA a connu une terrible crise, qui ne remonte pas au début du XXIe mais y a culminé. Et ainsi a débuté un terrible cercle vicieux, vortex qui a englouti la 18e ville des Etats-Unis... La plus violente, aussi.
A la crise industrielle, s'est ajoutée la violente affaires des subprimes, qui a coûté à tant de familles des classes moyennes ou inférieures, leurs maisons, une incroyable affaire de corruption visant le charismatique maire de la ville et un gouffre financier, plus de 18 milliards de dollars de dette (!!), va détruire comme un raz-de-marée les services publics, gérés par la municipalité...
En quelques mois, le centre-ville va se vider presque entièrement de ses entreprises, puis de ses habitants, puis de ses commerces... Motorcity coule une bielle, le moteur tousse sérieusement et la panne complète arrive bientôt. Telle une gigantesque ville de chercheurs d'or au temps de la ruée californienne, au XIXe siècle, Detroit devient une ville fantôme...
C'est dans cet univers hallucinant que débarque un jeune français, Eugène, chargé d'une mission capitale : relancer l'industrie automobile à Detroit, cette activité qui est le cerveau, le coeur, les poumons d'une ville en coma dépassé. Eugène est cadre au sein de l'Entreprise, un grand groupe multinational, qui s'est allié avec certains de ses concurrents pour créer le nouveau modèle d'avenir.
Une voiture du futur qui serait produite à Detroit, sur ses chaînes de montage désertées après avoir vu se réaliser bien des projets audacieux qui font partie de l'histoire de l'automobile. Le jeune homme n'est pas dupe, il sait que sa situation est tout sauf confortable : après un échec en Chine, la mission qui lui est confiée à Detroit est tout sauf un cadeau. Seule la réussite est envisageable...
Alors qu'il essaye de se familiariser avec ce nouveau cadre de vie, assez étrange, rues désertes, soirée sous couvre-feu ou presque, bâtiments et bureau abandonnés, fonctionnement aléatoire d'à peu près tout, il va rapidement comprendre que ce qu'il redoutait n'est rien à côté de la réalité : le projet qu'il doit monté a été torpillé avant même son lancement...
Dans le même temps, on rencontre d'autres personnages, des habitants de Detroit, parmi ceux qui restent. Malgré tout. En particulier un jeune garçon et sa grand-mère. Charlie a 12 ans, c'est un petit maigrichon qui zone déjà avec ses potes lorsque la nuit tombe, dans cette ville changée en aire de jeux immense.
Bon, des jeux un peu stupides, comme lorsque avec ses amis, ils mettent le feu à une maison et, le temps que les pompiers, un des derniers services encore à peu près en état de marche, ils font cramer près de 400 bâtiments d'un coup ! Charlie et son meilleur ami, Gros Bill, ne sont pas vraiment des délinquants, en tout cas, pas des caïds, des terreurs ou des membres de gangs.
Non, juste des gamins désoeuvrés dans une ville qui a sombré dans le chaos, où toute idée même de repère n'a plus aucun sens. Charlie n'a plus de parents depuis bien longtemps, Gloria, sa grand-mère, fait ce qu'elle peut pour maintenir un semblant de famille, mais Charlie est livré à lui-même et se laisse facilement entraîné dans des bêtises qui seraient certainement vénielles partout ailleurs et prennent ici des proportions folles.
Lorsque Charlie disparaît, Gloria, dont le père était venu travailler dans les usines automobiles après la Grande Dépression, abandonnant les champs, les postes de journaliers, les Etats du Sud où sévissait le racisme plus fortement encore qu'ailleurs, va s'appliquer à retrouver son petit-fils, sans doute la dernière chose qui la rattache à cette ville maudite où elle a tout connu. Qui la rattache à la vie, aussi.
Elle va alors recevoir le soutien d'un homme hors norme. L'inspecteur Brown est un vieux de la vieille de la police de Detroit. Depuis qu'il a sa plaque, il a tout vu. La folie, la corruption, la désertification, la violence. Et les disparitions. On ne les compte même plus, tant elles sont nombreuses. Particulièrement des enfants.
Mais Brown ne lâche pas. Dans des conditions matérielles ahurissantes, avec un matériel informatique antédiluvien, des archives à l'abandon, des fichiers pas tenus à jour et un découragement général de troupes qui assure désormais un service plus que minimum, lui se bat, s'entête, veut comprendre pourquoi ces gamins s'évaporent dans cette ville morte.
Enfin, il y a Candice. Elle est serveuse dans un des rares établissements qui ouvrent encore en soirée. Presque une sinécure après ce qu'elle a connu auparavant. Elle aurait pu fuir cette ville, mais elle a choisi de rester. Son sourire, presque anachronique dans ce décor infernal, est rafraîchissant et réchauffe le coeur autant que les boissons qu'elle sert.
Dans "Il était une ville", on suit donc le quotidien chancelant de ces personnages dans un décor apocalyptique. Le mot peut paraître fort, mais je l'ai choisi à dessein. En effet, lorsque l'on regarde les photos de la ville de Detroit prises ces dernières années (je vous renvoie au lien plus haut), on a l'impression que tout s'est arrêté d'un coup.
Detroit, c'est la Pompei de l'ère industrielle, saisie par quelque chose qui a brusquement tout arrêté... Detroit, c'est un fantasme réel pour auteur de romans dystopiques, car on a là un décor parfait, grandeur nature, pour servir de cadre à ces récits qui se déroulent dans des mondes détruits, en partie éradiqués, que ce soit par une guerre, un virus, une attaque de zombies ou d'extraterrestres, etc.
Thomas B. Reverdy crée alors une trame de dystopie du réel. Sauf que ce ne sont pas ces catastrophes extraordinaire qui ont frappé la ville mais bien l'inconscience humaine, le libéralisme à outrance, l'orgueil insensé qui néglige les prévisions d'avenir, la malhonnêteté et la corruption de politiques, la violence des dealers et des gangs...
Mais l'auteur utilise parfaitement cette analogie en faisant évoluer ces personnages dans un décor digne d'un film d'horreur, où l'on s'attend à chaque instant de voir surgir un monstre quelconque dans le dos de tel ou tel protagoniste. On a le sentiment de survivants cherchant à se sortir d'une tragédie qui se déroule sous leurs yeux, sans se faire engloutir par cette ville digne d'un roman de Stephen King ou de Richard Matheson...
Evidemment, l'angoisse n'est pas la même et la blonde qui hurle ne sera pas la première à se faire décapiter et éventrer. Ce n'est pas le propos. Mais, le mélange entre le récit de ces êtres, qui sont d'ailleurs tous au bord du gouffre, pour des raisons différentes, s'inscrit vraiment bien dans ce décor sombre et menaçant de cette ville exsangue.
En jouant avec un certain nombre de codes du roman horrifique ou apocalyptique, comme je crois qu'il l'avait déjà fait dans "les évaporés", en utilisant ceux du polar, Thomas B. Reverdy installe une ambiance assez lourde, en particulier autour du personnage d'Eugène. Dans l'immeuble où il travaille, règne la désolation et le silence extérieur laisse penser que le monde autour a cessé d'exister...
Derrière lui, une critique implicite de ce libéralisme économique oublieux de l'humain, de ces grandes entreprises qui n'hésitent pas à offrir des placards plus ou moins dorés aux collaborateurs qui ne réussissent pas assez bien... La Chine, évoquée en filigrane, fait penser aux délocalisations et à leurs résultats parfois mi-figue, mi-raisin. Mais relocaliser n'est pas si évident, on le voit ici...
Tous cherchent à survivre, et ils ne sont certainement pas les seuls. Mais, plus encore que le processus physique de la vie, c'est une raison de vivre que Eugène, Charlie, Gloria, Brown et Candice recherchent, chacun à leur manière et en fonction de leur situation individuelle. Une lumière au bout du tunnel ? Un embryon vers la renaissance ?
On en vient alors au petit jeu sémantique initié au tout début de ce billet. Pour Nougaro, c'est "il y avait une ville". Je pense qu'avec ce que j'ai essayé d'expliquer plus haut, vous voyez le lien, l'incroyable impression de disparition éclair de Detroit, comme frappée par un rayon mortifère... Mais, pour Thomas B. Reverdy, c'est "Il était une ville". Un auxiliaire qui change bien des choses.
Et qui se justifie là encore dans le texte du roman. Et si, finalement, on était dans un conte ? Un conte gothique, dans un univers digne des frères Grimm, avec un univers oppressant et effrayant et son croquemitaine. Je n'ai pas parlé de ce dernier, je vous laisserai le découvrir, mais il existe bien. Il ne s'agit pas d'un ogre, d'un loup-garou, d'un zombie ou autre, mais d'un être comme vous et moi.
Un personnage qui va s'assimiler à un conte populaire, celui du joueur de flûte de Hamelin. A plusieurs reprises, cette idée revient en guise d'explication à l'hémorragie de cette population ayant abandonné le centre-ville en laissant presque tout derrière elle. Plus particulièrement, ce sont les innombrables disparitions d'enfants qui font naître cette idée du joueur de flûtes...
Dans ce roman où la neige, le froid et la nuit tiennent une place importante, ajoutant au côté apocalyptique de l'histoire, il y a énormément d'impuissance. Le drame se déroule sous nos yeux, mais ce n'est qu'une des séquelles, une radicelle, du drame central qui a fait de Detroit un amas de ruines mortes-vivantes.
Mais, on a aussi des personnages qui ne baissent jamais les bras. Croient-ils encore à quelque chose, en Dieu, au bien et au mal, à n'importe quel discours qu'on pourrait leur servir ? Possible, mais surtout, je crois qu'ils croient tous profondément en l'humanité. Ils la croient capables de surmonter ce malheur et, pourquoi pas, recréer autre chose. Se rebâtir une existence.
J'ai découvert Thomas B. Reverdy avec ce roman, je n'avais pas été attiré par "les évaporés", son plus grand succès jusqu'ici. Un tort, peut-être, il faudrait que je me penche plus sérieusement sur la question. Car cet exercice de style entre réalité et horreur, les deux sachant parfaitement se côtoyer de près, hélas, m'a fait passer un bon moment de lecture.