La petite barbare d'Astrid Manfredi aux éditions Belfond
La petite barbare, c'est ainsi qu'on la nomme en prison, est incarcérée pour avoir participé à la torture d'un jeune homme dans une cave. L'homme n'a pas résisté au supplice. Elle se retrouve seule face à elle-même, face à ses actes, face à ce qu'à été sa vie jusqu'alors.
"On ne dira jamais assez à quel point mater un mur toute la journée peut rendre fêlée, car une fois que t'as déchiffré les appels au secours du crépi tu te retrouves sur ton pieu face à une souricière. Rien à espérer sauf te raccrocher à des détails comme cette bande de lumière qui entre dans la cellule et dont la clarté sans accroc te propulse dans ton histoire."
La jeune fille est née au mauvais endroit, dans une famille pour le moins absente. Son crime : avoir voulu échapper à son monde de misère tant pécuniaire que morale. Elle a manqué de tout. D'amour, d' attention, d'argent. Elle est devenue amie avec Esba et très vite, ils ont monté un gang pour pouvoir se procurer l'argent qu'il ne pouvaient pas obtenir autrement. La petite barbare était l'appât, sa beauté : l'arme fatale pour obtenir de l'argent facile. Mais les choses ont dérapé avec ce jeune homme, la révolte, le déchaînement de violence ont causé la mort du "bourge".
De sa cellule, à l'isolement, La jeune femme nous raconte son histoire. Elle est le résultat de la machine à broyer les individus qu'est la banlieue, son destin est le fruit de la désespérance, de l'absence de perspective pour cette jeunesse sacrifiée. Elle met ses tripes sur le papier, ses mots sont forts, violents, sans concession. Elle écrit pour témoigner, pour se réparer. En prison, elle a renoué avec les livres. L'Amant de Marguerite Duras est sa bouée, son rayon de soleil dans les ténèbres.
Ce livre est un roman coup de poing. A ma droite, la petite barbare, à ma gauche le hibou, les uppercuts pleuvent, pas d'échappatoire, avec ce roman on est toujours dans les cordes et le hibou est rapidement mis K.O. par les mots cinglants, pleins de sincérité de la jeune femme. Un énième roman sur la banlieue me direz vous ? Oui mais celui-ci est d'une force que j'ai rarement rencontrée. La plume d'Astrid Manfredi frappe droit au coeur, on est pris dès les premières pages et les mots de la petite barbare ne nous lâchent plus. Un roman violent par ce qu'il déchaîne d'émotions. Mais laissons la parole à la jeune femme.
"Là-haut dans la cité, toujours le même chantier, les tours que l'on détruit pour reconstruire pareil en plus bas. Pas l'habitude des pavillons, les gens des tours. Y a pas d'horizon. Personne n'entend rien. Une surdité collective, tu peux monter le son tranquille. Scotchée à la lose de son canapé, ma mère vit avec l'alcool sa dernière liaison dangereuse. Comment lui donner tort ? Je ne l'ouvre pas , des fois qu'elle voudrait reprendre son rôle d'éducatrice."
"Oui voilà ce que nous sommes, de grands fauves qui se gavent d'ultraviolence pour encaisser l'ineptie d'un monde fabriqué sans notre avis.
Ensemble nous squattons la rubrique des chiens écrasés avec des sourires en cran d'arrêt. Parfois la télé débarque et les voitures s'embrasent. Le monde se met à flipper, range son magot sous le matelas. Il a bien raison."
Vous l'aurez compris ce roman est un coup de coeur. Alors précipitez vous chez votre libraire et faites vivre les mots de la petite barbare.
Cette chronique a été réalisée dans le cadre de l'opération 68 premières fois mise en place par L'insatiable Charlotte à l'occasion de cette rentrée littéraire. Merci à elle. Merci à Séverine également.