Souvenirs de lecture 20 : Patricia Oszvald
Nous avons tous de ces lectures qui nous ont profondément touchés, qui sont comme des madeleines de Proust : on se souvient d'où on était quand on les lisait, quel temps il faisait. Il m'a semblé intéressant de savoir quelles lectures avaient marqué les auteurs que nous lisons et en quoi elles avaient influencé leur désir d'écrire. Aujourd'hui c'est Patricia Oszvald qui me fait l'honneur de répondre à mes questions. Je la remercie pour son temps précieux, sa gentillesse et sa disponibilité.
LLH : Quel livre lu dans votre adolescence vous a le plus touché et pourquoi ?
PO : Sans hésitation, Pagnol. Non pas un roman de Pagnol, mais tout Pagnol. Je l'ai découvert à l'école, comme tout le monde, avec "Le château de ma mère" et "La gloire de mon père" et j'ai tout de suite été conquise par son univers. Ensuite "Jean de Florette" et "Manon des Sources" ont confirmé l'enchantement. Plus tard, "La femme du boulanger" et "La fille du Puisatier", pareil. Avec Pagnol, j'ai découvert, au-delà de la langue, de la magie des mots, de leur tricotage qui fait la musique de la langue, la transmission des émotions. Dans les mots de Pagnol, tout passe. Les odeurs, les couleurs, la garrigue, les champs de lavande, l'accent, la poussière des chemins, le chant des cigales. Tout transpire sa terre, sa Provence. Quand on colle un accent à ses personnages, c'est pour leur faire parler de leur pays en parlant d'autre chose. C'est magique, poétique et émouvant.
LLH : En quoi ce livre a-t-il eu une influence sur votre désir d'écrire ?
PO : Dans le passage des émotions. Ne pas seulement m'imposer la justesse du propos, je veux que ça sonne beau, le verbe joli. Il faut que ce soit mélodieux et harmonieux. Que ça chante. Et quand ça chante, les émotions coulent. Elles habitent les mots qui les abritent. Elles leurs donnent corps et la magie opère.
LLH : Quelles sont vos dernières lectures coups de coeur ?
PO : Alors, mes coups de coeur iront vers trois auteurs qui ont déjà un large public, mais dont on parle peu. Ce sont à mon sens trois OVNI, chacun dans leur style.
Je citerais Shalom Auslander qui est une vraie découverte d'il y a deux ou trois ans. D'abord avec ses deux récits autobiographiques, "La lamentation du prépuce" et "Attention, Dieu méchant" et son premier roman "L'espoir, cette tragédie". Il écrit au scalpel. Sans aucune concession, ni compromis. Il flirte en permanence avec le blasphème de manière insolente et c'est jubilatoire.
Ensuite, Nadine Monfils. "Les vacances d'un serial killer"', notamment. Mais tous les autres sont dans la même veine. Nadine a une écriture complètement déjantée. Elle trimbale avec elle tout un folklore belgo-belge, c'est très savoureux et ses personnages sont à la hauteur de sa fantaisie. C'est complètement fou.
Et puis, je dirais, Herman Koch que j'ai découvert dans son premier roman "Le dîner". Là, c'est tout autre chose. Il faut être prêt à affronter cet univers. Il faut accepter de se laisser manipuler, bousculer, déranger, jusqu'à en être franchement mal à l'aise. Je ne connais pas d'autres auteurs capables de faire ce qu'il fait avec autant d'habileté et d'efficacité.
Biographie
Écrivant depuis la prime adolescence, j'ai toujours su que ma voie se trouvait dans l'écriture, par le tricotage des mots mêlés à mon imaginaire sans limite que je trouverais mon bonheur. Auteur et metteur en scène de deux one-man-shows, de plusieurs ouvrages dépeignant avec humour la société et mes contemporains, c'est à l'écriture de romans, de pièces de théâtre et de scenarii que je me consacre désormais. Je viens de publier "Les réparables", mon quatrième roman, en avril dernier et une première pièce de théâtre, "Le Banc" en juillet 2015
Encore un grand merci à Patricia Oszvald pour sa gentillesse et sa disponibilité. Le titre de la pièce de Patricia est colorisé et dispose d'un lien intégré vous permettant d'accéder directement à la chronique d'un simple clic.