Se souvenir des belles choses
L’histoire :
Sur une île les choses disparaissent, physiquement mais aussi dans les souvenirs des habitants. Si certains semblent ne pas souffrir de cette amnésie ils sont poursuivis par la police secrète.
L’île où se déroule cette histoire est depuis toujours soumise à un étrange phénomène : les choses et les êtres semblent promis à une sorte d’effacement diaboliquement orchestré. Quand un matin les oiseaux disparaissent à jamais, la jeune narratrice de ce livre ne s’épanche pas sur cet événement dramatique, le souvenir du chant d’un oiseau s’est évanoui tout comme celui de l’émotion que provoquaient en elle la beauté d’une fleur, la délicatesse d’un parfum, la mort d’un être cher. Après les animaux, les roses, les photographies, les calendriers et les livres, les humains semblent touchés : une partie de leur corps va les abandonner.
En ces lieux demeurent pourtant de singuliers personnages. Habités de souvenirs, en proie à la nostalgie, ces êtres sont en danger. Traqués par les chasseurs de mémoires, ils font l’objet de rafles terrifiantes…
Editeur : Editions Babel (Actes Sud) – 384 pages | Sortie : mars 2013
L’auteur :
Yoko Ogawa est une auteure japonaise dont les livres traduits en français sont publiés chez Actes Sud. Ses écrits sont très poétiques au style très simple. Elle nous entraîne dans des univers parallèle à l’exploration des pensées humaines.Elle vit aujourd’hui à Ashiya au Japon.
Mon avis :
Après avoir lu l’Annulaire et récemment Les tendres plaintes je suis donc repartis sur une lecture de cette auteure que j’apprécie. L’histoire nous emmène sur une île où les choses disparaissent petit à petit le matin. Fait étrange les habitants perdent aussi les souvenirs de ces choses. Enfin pas tous. Ces derniers sont pourchassés par une police secrète – les traqueurs de souvenirs – soit disant à des fins d’expériences mais si certains reviennent, c’est en 4 planches. Dès les premiers chapitres le parallèle est fait avec les états totalitaires. Il vient en tête les premières exactions et traques perpétrées par les nazis avant le début du conflit : arrestations, surveillance voire autodafé . Tout comme en cette douloureuse période les gens se cachent, les réseaux s’organisent. De simples personnes ont le courage de porter secours à ces familles, qui ont pour seules « vices » de conserver leurs souvenirs. Tout comme la narratrice. Elle est romancière mais elle, elle oublie les choses qui disparaissent. Certains passages du livre sont des « extraits » du roman de cette jeune femme. La jeune femme a un rapport particulier avec son éditeur, et lorsque ce dernier, qui se révèle capable de se souvenir, est en danger elle n’hésite pas une seconde à organiser sa fuite et à le cacher. Ainsi commence une lutte secrète dans une pièce aménager pour que les souvenirs de la jeune femme perdurent. Leur rapport professionnel va laisser place petit à petit et au fil des disparitions à une relation plus intime.
On sent à la lecture tout le contrôle qu’exerce l’Etat sur les habitants, pas de rébellion ouverte ou armée. Juste une passivité docile. À l’exception de ceux qui gardent leurs souvenirs et des personnes qui leur apportent de l’aide en refusant la fatalité.
Ce livre traite d’une certaine violence, du totalitarisme, sans jamais « hausser le ton ». Les actes sont décrits sobrement et froidement. Il soulève aussi notre vision du monde, les choses sur lesquelles nous portons notre regard et celles auxquelles ont ne fait pas plus attention. Dans le livre les timbres disparaissent à l’égal des oiseaux. Face à la disparition peu importe la taille, la valeur ou encore la force car tout s’oublie.
Le style
Son style est toujours aussi subtil et poétique. Chaque mot est à la bonne place, sans autre fioriture. Il faut savoir l’apprécier. Son univers est feutré et très apaisant. La force de Yoko Ogawa réside dans sa manière de faire vivre les choses : la boîte à musique, la machine à écrire… Elle a la faculté de donner vie à ses personnages afin qu’ils nous touchent de part leur simple existence.
Ma Note : 3.8/5
Mon petit point positif :
Un livre qui nous entraîne dans un monde où il est difficile de ne pas se poser la question de notre propre gestion des souvenirs et des choses importantes de la vie.