Lettres pour le monde sauvage de Wallace Stegner

0916-cover-bluebird-54fd5a7d258b1C’est un drôle de recueil qui m’a laissée dubitative, incertaine quant aux sentiments que j’ai pu éprouver à cette lecture. Wallace Stegner est un très grand écrivain américain, dépassant allègrement son statut d’écrivain de l’Ouest, dont il était l’un des chefs de file. C’est pour cette raison que j’ai choisi ce livre lors du dernier masse critique (merci à Babelio et à l’éditeur pour cet envoi). Le fait qu’il était classé en Nature Writing par Gallmeister fut évidemment déterminant.
Première surprise en ouvrant ce recueil de lettres, il débute par une missive adressée à sa mère décédée. Un texte très beau et émouvant pour un portrait de femme attachant. Puis ce sont des textes disparates, souvenirs de jeunesse dans cet Ouest qui l’a façonné et qu’il évoque avec beaucoup de nostalgie. Portrait en filigrane d’une famille typique de l’Ouest, parcourant sans cesse un immense territoire au gré des déménagements incessants. Cette géographie mouvante est une composante de l’homme de l’Ouest, ce déracinement fait partie intégrante de sa personnalité comme la qualité des paysages et cet air « cristallin » qu’on peinte à retrouver ailleurs. Mais Stegner n’est pas dupe. L’homme de l’Ouest a aussi contribué à détruire cette nature qu’il chérit tant. L’écrivain énonce les fautes, les erreurs, les comportements imbéciles et cette sacro-sainte liberté individuelle qui conduisent à s’approprier, exploiter puis défigurer la nature sauvage.

Une pointe de déception a surgi au fil de ma lecture. Ce n’est pas du Nature Writing tel que je le définis (oui, je sais, je suis pointilleuse…), je m’attendais donc à autre chose. Ces souvenirs de famille, ces évocations d’un monde agricole plus ou moins disparu ne m’ont pas foncièrement déplu, ils auraient trouvé leur place dans un recueil de nouvelles, mais puisque le tout était étiqueté Nature Writing, j’attendais des considérations sur la nature, des descriptions, un constat sur ce qu’il reste de l’Ouest américain. Cela finit par venir, un peu tard à mon goût.

En effet, quelques textes sont de réelles pépites, comme Au jardin d’Eden, Les bienfaits du monde sauvage et la dernière lettre, Coda : lettre pour le monde sauvage. Là, j’ai trouvé ma récompense.

D’évidence, je suis du côté du jardin. Tout aussi évidemment, je pense que la lutte entre jardin et machine continuera jusqu’à ce que l’espèce développe soit des ailes soit des cornes. Mais je suis convaincu que les habitants du jardin  tiendront bon s’ils parviennent  à préserver les éléments du monde naturel par lesquels nous pouvons sauver une part de nous-mêmes. Nous sentons déjà les conséquences de la voie inverse dans les problèmes de santé, l’enlaidissement progressif  et le déclin de notre santé mentale et de notre joie de vivre. Nous commençons à éprouver des pénuries et à comprendre la sagesse de la conservation et la folie des assauts irréfléchis sur notre terre.

Un avis bien plus enthousiaste chez Keisha.